dimanche 18 décembre 2022

"Que dit le droit..." - Lecture commentée de la conférence donnée au congrès InfoGyn 2022

 Ceci est la lecture commentée d'une présentation donnée en octobre à Pau au congrès InfoGyn 2022 dans le cadre d'un module intitulé "Le viol en gynécologie obstétrique - Réalité ou confusion ? " et dont je rappelle le programme : 



La première conférence a été commentée sur cette page
La seconde a été commentée sur cette page


Aujourd'hui : "Que dit le droit dans sa forme actuelle ?" 






La vidéo complète est ici : http://videos.infogyn.com/2022/rjinfogyn2022.php?show=2&restit=vv2_gynecologie

(NB : Ce lien m'a été communiqué gracieusement par plusieurs personnes ayant accès au site du congrès. Il n'a été ni extorqué ni "piraté".)  


 

Comme Sophie Paricard ne présente pas de diapos, j'ai transcrit ici l’intégralité de sa communication orale (en gras) et y ai ajouté mes questions et commentaires.  

 

« Je sors mes papiers car je dois citer des textes, en droit on doit être précis. (...) J’ai beaucoup appris aujourd’hui... en tant que juriste également parce que je ne pensait pas qu’il y avait déjà une telle réflexion autour de votre pratique »

 

Elle n’a pas dû écouter les mêmes conférences que le reste de la planète...

 

« Aujourd’hui votre profession se trouve au carrefour de deux évolutions fondamentales : c’est la libération de la parole — MeToo, #PayeTonUtérus, vous connaissez... ce qui se passe sur les réseaux sociaux... »

 

Euh pardon, ça ne se « passe » pas sur les RS.

Sur les RS, les femmes parlent de ce qu'on leur inflige dans les lieux censés être des lieux de soins, où elles sont confrontées à des comportements tout à fait anormaux.

 

 

« Et en droit on a aussi une affirmation du consentement éclairé comme une émanation du respect de la dignité de la personne. Et je rajouterai une troisième, c'est la découverte en droit du corps de la femme. »

 

On est contents d’entendre tout ça, mais on aimerait savoir où c’est écrit, sous quelle forme. Or, contrairement à ce qu’elle a déclaré en début de communication, Mme Paricard ne donnera pratiquement aucune référence précise, ni orale ni écrite. Et cependant, comme on le verra, elle ne parlera pas pour ne rien dire...

 

« Donc cette conjonction là.... voilà, je comprends qu'elle puisse susciter des interrogations parce qu'il est certain que les contentieux vont arriver. »

 

Mmmhh... Le mot "contentieux", est  « l'adjectif tiré du langage administratif, caractérisant une procédure destinée à faire juger un litige entre un usager d'un service public et l'Etat. » C'est aussi un mot qui signifie "conflit". Madame Paricard va l'utiliser systématiquement en lieu et place de ce dernier, et d'un autre mot qui fait peur aux médecins : "procès". POur vous amuser un peu, je vous propose un jeu. Chaque fois que, dans le texte qui suit, vous lirez le mot "contentieux", remplacez-le par "merdier".  Ce sera plus proche de la réalité. 


 

« Et donc... Il faut connaître un petit peu de quoi on on parle (...) parce que pour l'instant on a très peu de jurisprudence sur la question. On a quelques arrêts de cour d'assise qui ont condamné des gynécologues pour des viols, manifestes quand même, mais ils sont très peu nombreux. Ces arrêts, on peut en relever 2 ou 3. »

 

C'est quoi, "des viols-manifestes-quand-même" ? ... Ça aurait été éclairant qu’elle la cite, cette jurisprudence limitée, pour qu'on "sache de quoi on parle", mais... non, elle n’a pas l’air de trouver ça nécessaire...

 

« On a un arrêt du Conseil d'État où c'était un aide-soignant qui avait profité un peu d'une patiente. Mais là encore, on a un seul arrêt du Conseil d'État. »

 

« Profité un peu » ????? Madame Paricard est sûrement une juriste compétente, mais sa formulation ici laisse beaucoup à désirer sur le plan du « respect de la dignité humaine », et même de la simple décence.

 

« On a un peu par contre, des décisions des conseils de l'ordre puisque c'est arrivé par le biais des conseils de l'ordre, ce contentieux... et on a des condamnations de sages-femmes, de médecins, là encore pour des viols manifestes et on a en revanche beaucoup de difficulté dans le cadre de ce qu'on appelle le jugement ordinal pour condamner quand même les médecins et les sages-femmes, à tel point qu'il y a une affaire à Paris assez médiatisée et que le Conseil de l'ordre, qui avait été saisi a... tardé. Finalement, il a condamné le médecin juste avant qu'il ne soit condamné par la Cour d'assises.

 

L’affaire assez médiatisée en question, je parie que c’est celle-ci. Evidemment, je ne peux rien affirmer, puisque que Madame Paricard ne juge pas utile de nommer le coupable en question. Mais pourquoi donc, puisque la justice a tranché ? Par « délicatesse » envers ledit coupable ? En tout cas, s'il ne s'agit pas de l'affaire Hazout, celle-ci illustre parfaitement son propos. 

 

« Et là y a un rapport cinglant du Conseil d'État qui a vraiment là étrillé le Conseil national de l'ordre. »

 

Il y avait de quoi : l’ordre parisien avait tout bonnement protégé Hazout en passant sous silence les plaintes et signalement multiples reçues entre 1985 et 2005. Pendant VINGT ANS !!! Les responsables avaient-ils été poursuivis pour non-assistance à personne en danger, pour entrave à la justice ou pour complicité criminelle ? Non. Il suffit de présenter des excuses et tout va bien...

 

« Donc vous voyez pour l'instant, la jurisprudence est est très faible, mais on a des textes évidemment...  Alors ces textes, il faut les connaître. Le premier, c'est un texte du code pénal, c'est la définition du viol, alors on parle beaucoup du viol, mais en droit, qu'est-ce que c'est ? Donc je vous lis le code pénal : c'est "tout acte de pénétration sexuelle de quelque nature qu'il soit commis sur la personne d'autrui par violence contrainte menace où surprise" ; le viol est puni de 15 ans de réclusion criminelle. »

 

Eh bien, c'est très clair.  

 

Donc la définition du viol répond à un principe très important en droit pénal, à savoir que les éléments constitutifs d'une infraction doivent s'apprécier uniquement dans le comportement de l'auteur. C'est pour ça qu'il n'est pas dit en droit français que le viol est un acte non consenti. Parce que ça, ça voudrait dire bien qu'on regarde ce que fait la victime alors que dans la définition d'une infraction au droit français, c'est toujours le comportement de l'auteur qui importe qui prévaut, même si après évidemment, dans les discussions, on va observer quel a été le comportement de la victime.

 

Jusque là, on comprend : la personne qui commet le viol est un violeur, peu importe ce qu'a dit ou fait sa victime. 


C’est ensuite, que ça se gâte.

 

 

Alors, ce qui est intéressant dans cette définition... 

 

"Intéressant" en quoi ? Réponse : parce que ça permet de procéder à la démonstration supertordue qui va venir. Et comme le mot "intéressant" apparaît de nouveau, je vous propose,  cette fois-ci et les suivantes, de le remplacer par le mot "merdique". Vous allez voir, c'est éclairant. 


... c'est de voir qu'en fait le consentement a été extorqué par trois moyens : contrainte, menace où surprise, sachant que la la contrainte généralement est corrélée à ces trois éléments, violences, menaces où surprise.  

 

Pardon ??? Sauf erreur de ma part, quand il y a tout ça, c’est le rapport sexuel qui a été extorqué ou imposé ! Le consentement, lui, il n’a pas été demandé du tout !!!!

Quoi ? Je pinaille ? Mais Madame Paricard n'a-t-elle pas commencé en disant qu'en droit, il faut être précis ? 

 

« Alors évidemment, dans le cadre d'une d'une consultation médicale, le viol peut être assez facilement caractérisé parce que la patiente peut être considérée dans un état de surprise. Elle vient en consultation pour recevoir des soins. Elle prend la position gynécologique traditionnelle et là, elle se fait surprendre parce qu'elle n'est pas venue pour subir bien sûr, une agression sexuelle mais elle est venue pour recevoir des soins. Donc il est clair que cette notion de de surprise, elle est je dirais tout à fait adéquate à la femme qui vient dans le cadre d'une consultation gynécologique. »

 

Allons bon ! Madame Paricard contredit très précisément ce que déclarait la Dre Letombe un quart d’heure plus tôt en disant qu’une femme qui va chez le gynécologue ne peut pas être surprise...

 

« Et là, le consentement aux soins ne change rien. Puisque le gynécologue qui fait une pénétration sexuelle sur sa patiente, il n'aura jamais eu son consentement à l'acte sexuel, il n'aura eu de toute façon qu'un consentement aux soins. »

 

De l’art, encore une fois, d’enfoncer des portes ouvertes. Et il doit y a beaucoup de courants d’air au cours de ces conférences car jusqu’ici, les conférencières ne font que déplacer du vent...

 

« Alors évidemment, ces actes sexuels sont assez rares, ce sont des gynécologues déviants (???) qui mettent en œuvre — et cela a été dit — une pulsion sexuelle. »

 

Qu’il y ait peu de jurisprudence, ça ne veut pas dire que c’est rare, Madame Paricard !

Quand on sait que le seul ordre parisien a protégé Hazout pendant vingt ans, il y a de bonnes raisons que tous les ordres protègent les médecins accusés de viol de la même manière. Figurez-vous que mon oncle, qui fut secrétaire de l’Ordre à Alger me raconta un jour (je faisais mes études, c'était pendant les années soixante-dix), la bouche en cœur, une affaire de viol par un gynécologue, en précisant que « heureusement, ils - l'Ordre - avaient étouffé l’affaire parce que sinon, la carrière du confrère était foutue !!! » 


Il n’a pas compris pourquoi je l’ai insulté et perdu tout respect pour lui. 


Son "histoire" se passait dans les années cinquante. Il s'en passe encore - il y a eu Hazout, à présent il y a Daraï. Alors comment peut-on sans honte affirmer que c’est rare, alors même que ni la profession ni les pouvoirs publics n’ont jamais commissionné d’enquêtes sérieuses et indépendantes sur le sujet ????


 

« Parce que l'autre élément du viol, c'est « tout acte de pénétration sexuelle » et là,  j'ai... je réfléchis avec vous parce que la question ne s’est jamais posée jusqu'à présent. (Ah bon ???) Jusqu'à présent un viol, c'est de la pénétration mais il y a toujours une pulsion sexuelle à la base. La question nouvelle qui se pose dans le cadre de ce contentieux qui va certainement naître, c'est que là pénétration doit être qualifiée de sexuelle. C'est là, à mon avis, qu’il y a quelque chose d'assez intéressantPuisque si je regarde un petit peu, alors le dictionnaire juridique, ils savent pas ce que c'est, hein, le qualificatif "sexuel".

 

Ah bon ? La loi emploie le mot « sexuel » pour définir le viol mais les dictionnaires juridiques ne sauraient pas de quoi il s’agit ? Première nouvelle ! La loi en vigueur en matière de viol a été publiée au journal officiel en 1980. N’importe quel citoyen peut en télécharger le texte sur cette page.  Je l'ai lu à plusieurs reprises, il me semble que c’est très clair. Mais pas pour Madame Paricard, qui va quasiment user d’une logique jésuite pour nous  faire croire 1° que la loi ne sait pas ce que « sexuel » veut dire, 2° que quand il s'agit des médecins, ça veut dire tout autre chose que ce que tout le monde comprend.   

 

« Si on regarde le petit Robert, les dictionnaires classiques, c'est assez neutre (!!!!) ça touche effectivement aux organes sexuels ou alors à la pulsion sexuelle... et c'est là que c'est intéressant (Aha...) parce que à priori, la plupart des gynécologues qui vont être poursuivis, ils n'auront pas eu de pulsion sexuelle... (Vous décrétez ça en vous appuyant sur quels éléments, Madame Paricard ? La bonne foi des intéressés ? ) et on le voit notamment lorsque ce sont des femmes qui sont poursuivies. C'est vrai que là, la pulsion sexuelle peut être plus facilement... mise en doute, en tous les cas, même si elle peut exister également. »

 

Je ne m’attarde pas sur la profonde bêtise de cette fin de cette phrase (les femmes gynécologues ne peuvent pas avoir de pulsions sexuelles envers des femmes, tout le monde sait ça), pour revenir à la confusion fâcheuse que Mme Paricard essaie d’introduire par ruse, peut-on dire -- dans la définition du mot « sexuel ».

 

Un viol, jusqu’à preuve du contraire, se définit par le fait qu’il y eu pénétration imposée du sexe de la victime (ou, par extension, d'un autre organe considéré comme sexuel en la circonstance). Ca ne se définit pas par le fait que le violeur ou la violeuse déclare "n’avoir nullement eu d’intention ou de pulsion sexuelle" !!! Les victimes de viol (et la loi) se foutent complètement des intentions. Ce qui leur importe, c’est l'acte commis !!!! Une pénétration sexuelle imposée, c'est un viol. 

 

Mais Madame Paricard nous dit, très précisément  : 

 

« Donc, c'est cette pulsion sexuelle qui peut, peut être, éviter aussi la définition du viol.... Mais cette pulsion sexuelle suppose qu'on soit dans le cadre d'un acte médical. Parce que, à mon sens, c'est cette sphère d'acte médical qui va protéger juridiquement le professionnel dans le cadre d'une poursuite disciplinaire, mais également poursuite criminelle puisque là, c'est un crime que le viol. »


Sous-entendu : quand la pulsion n’est pas présente... Ou plutôt, quand pour sa défense le violeur affirme qu’il n’y avait pas de « pulsion »... eh ben p'têt' qu'y’a pas de viol. Autrement dit : « le violeur qui a violé sans le vouloir, il est pas coupable... » Enfin, quand le violeur supposé est médecin, en tout cas ! 

 

Au fond, c’est exactement ce que disent les gynécos quand ils affirment, la main sur le cœur : « Un examen gynécologique n’est jamais un geste sexuel... » Pour eux, peut-être. Mais pour la personne qui le subit, c’est quoi ? L’équivalent d’une poignée de main ????

 

Et donc, nous murmure Mme Paricard, comme "dans le cadre d’un acte médical y'a pas de pulsion", ça protège les professionnels des poursuites pour viol. Jésuite, je vous dis !!! 


(Pour les personnes qui ne savent pas ce que signifie cet adjectif antédiluvien, je traduis : hypocrite et retors.) 


Si je comprends bien Mme Paricard, pour la loi telle qu'elle la comprend... les médecins sont au-dessus des lois. D'autant qu' ils n'ont aucune pulsion en l'exercice de leur fonction. (Mais c'est compréhensible : ils n'ont pas d'inconscient non plus ; seules leurs patientes ont un inconscient...) 


Bravo, la juriste... 

 

« Alors on rejoint là une évolution fondamentale du droit. Je vous en parlais tout à l'heure, à savoir le consentement et le consentement éclairé. Ce qu'il faut bien que vous compreniez c'est que lorsqu'on est dans un acte médical, il faut obtenir le consentement éclairé de sa patiente et que cette obligation du médecin n'était pas naturelle à la base pour le médecin, puisque moi, quand je fais mes cours de droit médical à mes étudiants, je cite toujours cette phrase de Guy de Chauliac, un ancien médecin (du quatorzième siècle !!!), qui disait que le malade devait obéir à son médecin, comme le serf à son seigneur. C'est vieux, c'est fini... C'est fini, mais le consentement il est venu en droit comment ?

 

Là, je m’attends à ce qu’elle cite le Code de Nuremberg (1947), la Déclaration d’Helsinki (1964) et la réflexion en bioéthique des soixante-dix années écoulées...

 

Mais elle poursuit :

 

« Le secret médical (rien à voir...) il est venu en droit par le biais de la déontologie médicale. C'est le droit qui a réceptionné, comme beaucoup de choses d'ailleurs, le droit à réceptionné (réceptionné ? C’est un terme juridique ?)beaucoup la déontologie médicale. Mais une des choses qu'il a imposées aux médecins, c'est le consentement. C'est un arrêt de 1942 qui a fondé cette exigence de consentement sur la dignité de la personne humaine. »

 

 

Un arrêt de 1942 ???

C’est quoi, exactement, cet arrêt ? Qui l’a rédigé et promulgué ? Que contenait-il ?

Vous rappelez-vous ce qui se passait en France en 1942, Madame Paricard ?

Citer un arrêt de 1942 et passer sous silence Nuremberg et Helsinki, c’est pas seulement gonflé. C’est... les mots me manquent... 

 

Mais Madame Paricard, toute contente de s’écouter parler, n’entend pas l’énormité de ce qu’elle vient de dire, et poursuit :

 

« Depuis, ce consentement éclairé, il n'a cessé de progresser. On a eu la loi du 4 mars 2002, ça a été rappelé — l'article 1100-4 du code de la santé publique. On a aussi la loi bioéthique de 1994 qui pose au sein de notre code civil et ce n'est pas neutre, le fait que le corps humain est inviolable et le fait que tous les actes médicaux doivent recueillir préalablement le consentement de la personne... »

 

Ah, bon ? Mais alors... quand les deux conférencières précédentes déclaraient nonchalamment qu’elles n’avaient jamais pensé à la nécessité du consentement « jusqu’à ces dernières années », elles n'avaient pas vingt, mais vingt-cinq ans de retard...  

 

«... et la Cour de cassation, qui a réitéré, hein, cette obligation de consentement éclairé, l’a fondée sur le principe constitutionnel de sauvegarde, de dignité de la personne humaine... Tout ça pour vous dire que c'est un contentieux qui, entre guillemets, (pourquoi « entre guillemets », il ne l’est pas en dehors des guillemets ?) est très délicat, très touchy parce que il est fondé sur un principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine. Donc on n'est pas dans une simple obligation en droit comme on en connaît beaucoup. Là, on est dans une obligation qui, je dirais, a une coloration juridique très très forte.

 

??????? – Quelle est la différence entre une « simple obligation en droit » et une obligation de coloration juridique très très forte » ? Il y a des degrés d’obligation, en droit ? Pourriez-vous nous les expliciter ? Le moins qu’on puisse dire est que le discours « juridique » de Mme Paricard est très, très flousailleux... et je doute que quiconque, à commencer par l’auditoire, s’y retrouve. Et je me demande ce que des juristes en penseraient. (S’il y en a qui lisent ceci, je leur serais reconnaissant de me faire part de leurs réflexions.)  

 

« Alors, jusqu'à présent, ce consentement éclairé, il était quand même... assez connu (????!!!!!!!) dans le cadre des autres professions de de santé et on a des contentieux (ça fait combien, à présent ?), hein, sur des anesthésistes, des chirurgiens qui n'ont pas recueilli le consentement de leur patient. Alors, qu'est-ce qui se passe dans ce contentieux là? J'ai bien regardé... les médecins qui ne recueillent pas le consentement de leurs patients, ils sont pas condamnés pour des crimes ou même des délits. Alors qu'il peut...  qu'il y a une atteinte à l'intégrité corporelle. Parce que ce privilège du médecin, c'est de pouvoir inciser, de pouvoir toucher le corps de la personne, donc de heurter ce principe d'inviolabilité du corps. Ce principe de l'intégrité corporelle. Donc, dès qu'un médecin incise, en principe, il y a des coups et blessures, mais jamais un médecin qui ne reçoit pas le consentement de son patient dans un autre acte médical n'est condamné pour un crime ou un délit. (???)

 

Là, je me gratte la tête. Je comprends qu’on ne poursuive pas un chirurgien pour coups et blessures quand il opère d’une appendicite ; mais en quoi serait-ce différent pour les autres actes médicaux (et donc, implicitement, les gestes gynécologiques) ?

Le consentement, il doit être en principe recueilli pour TOUS les gestes. C’est dans le code de la santé publique !!! On n’opère jamais quelqu’un sans son accord ou l’accord d’une personne de confiance. Sauf (et ce sont les cas les plus rares) les situations d’extrême urgence. Parmi lesquelles la consultation de gynécologie courante ne figure pas. Alors qu’est-ce qu’elle nous raconte ?

 

« Donc, à mon sens, cette qualification de l'acte médical est essentielle et lorsque j'ai regardé la jurisprudence des conseils de l'ordre, j'ai vu que finalement, même si eux ils ne sanctionnent que les obligations déontologiques... qui sont là, qui vous engagent d'ailleurs à respecter le patient, à le traiter avec toute la dignité nécessaire, à recueillir son consentement éclairé également... je m'aperçois que même s'ils ont des difficultés quand même à sanctionner hein, on voit et ça a été pointé par plusieurs rapports... eh bien, dès lors qu'il y a un acte médical qui est qualifié, ça exclut l'infraction sexuelle. »

 

Aaaah !!!! Ce que Madame Paricard suggère – sans le dire tout de go, mais c’est ce qu’elle veut faire comprendre à son auditoire – c’est bien ça : quand des médecins violent une femme pendant une consultation médicale, stricto sensu, c’est pas un viol !!!! Et la meilleure preuve, d’ailleurs, c’est que l’Ordre ne les condamne pas !!!  Autrement dit : la jurisprudence la plus valide, pour Madame Paricard, ce n’est pas celle des tribunaux, c’est celle des médecins eux-mêmes.

 

Et elle n’invoque la loi que pour nous montrer que ce qu’elle vient de dire, c’est pas du pur bullshit, mais un truc qui tient debout...

 

« Alors, qu'est-ce qu'un acte médical, hein? Qu'est-ce que la qualification de l'acte médical en droit, un acte médical en droit, c'est un acte qui est opéré par un professionnel de santé. Qui est fait dans les règles de l'art. Donc là, les juges auront forcément accès à un expert (donc, à un médecin...) pour savoir si effectivement, cet acte a répondu à une telle règle de l'art, mais également qu'ils soient conformes aux données acquises de la science.. c'est à dire que cet examen ne date pas...

 

Autrement dit, nous sussure Madame Péricard, puisque les juges s’en remettent aux médecins pour savoir si un geste est « justifié » ou non, les dés sont résolument pipés en faveur des «-violeurs-qu’ont-pas-fait-exprès-d’ailleurs-y-z'avaient-pas-de-pulsion-pis-l'ordre-les-a-pas-condamnés-non-plus... 

 

« Et vous l'avez dit, maintenant y a des pratiques aussi nouvelles, hein, qui qui apparaissent, y a des peut-être des chirurgiens, des obstétriciens, des gynécologues, qui sont. Voilà qui sont un peu de la vieille école et ça, ça va évoluer aussi...

 

Vous voulez dire que les violeurs, ce sont ceux qui sont de la vieille école ? Les jeunes, ils violent pas ?

 

« Alors si je regarde d'ailleurs la jurisprudence des conseils de l'ordre (et seulement celle-là, dirait-on ! A croire que les tribunaux ne jugent jamais des médecins... Elle a trouvé ses informations juridiques où, cette dame ? Dans une pochette-surprise ?...), on a une sage-femme qui par exemple s'est fait condamner parce qu'elle avait pratiqué un toucher vaginal qui n'était pas nécessaire... Donc un acte médical, c’est aussi un acte qui est nécessaire. 


Et bien sûr, c'est le médecin qui dit s'il est nécessaire ou pas... 


"Mais on sait très bien qu’en France, le médecin et c'est normal a une indépendance professionnelle et que même si un médecin a déjà fait un diagnostic, le médecin qui est consulté par la patiente, il a l'obligation également de se faire son propre diagnostic. On n'est pas forcément là dans le cadre d'une sage-femme, puisque les médecins ont aussi des obligations différentes.

 

Vous voulez dire des privilèges, sans doute...

 

« Donc il me semble là difficile d'exiger d'un gynécologue qu'il se fonde uniquement sur le diagnostic ou même sur des images radiologiques dès lors que, en vertu de son indépendance professionnelle, il y a des médecins qui sont condamnés pour ça. Ils n'ont pas vérifié le diagnostic qui avait déjà été établi. »

 

Autrement dit, si j'ai bien compris : « Quand un médecin (mais pas une sage-femme) fait un toucher vaginal juste après un autre médecin, c’est forcément nécessaire – donc, c’est pas un viol – parce qu’il faut bien qu’il se fasse une idée personnelle !!! » Par conséquent : Mesdames, il est normal, justifié et parfaitement conforme à la loi – d’après Madame Paricard – que vous soyez examinées en consultation successivement par le patron, ses deux chefs de clinique, les quatre internes et les seize externes, pasqu’il faut bien qu’ils se fassent une idée et exercent leur indépendance professionnelle !!!! Et c’est seulement s’ils vous examinent pas à la chaîne que vous pouvez porter plainte pasqu’ils auront pas bien fait leur travail !!!

 

Si, si, je vous assure. Je vous assure que cette dame, qui est professeur de droit privé et de sciences criminel (et qui apparaît sur une page d’ « expertes genre », mal foutue, sur un site qui ne fonctionne pas, on se demande ce que c’est!), je vous assure qu'elle a dit ça !!!! En tout cas, c'est ce que j'ai compris. Si j’ai compris de travers, merci de me corriger... En français, cette fois-ci sans tourner les mots dans tous les sens, s’il vous plaît.

 

 

« Vous voyez, il y a plusieurs obligations qui peuvent se croiser ici. Il n'empêche que nous, ce qu'on voit apparaître en droit et on a un rapport du Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes qui est sorti, vous le connaissez certainement, en 2017, sur les violences obstétricales, on a cette nouvelle préoccupation des violences obstétricales.

 

Oui, enfin "nouvelle" pour les membres du CNGOF et pour vous, Madame Paricard. Malgré le décret de 1942 ! 

 

« D'ailleurs, dans certains pays en Amérique du Sud, on a déjà légiféré sur les violences obstétriques en définissant ce qu'une violence obstétricale, en le centrant d'ailleurs principalement sur l'accouchement. Parce que on aura aussi là, ça a évolué un petit peu sur l'accouchement. Il y avait un tabou du corps de la femme, hein, je vous l'ai dit et on découvre donc maintenant... ben que la parturiente, elle a droit de consentir, elle a droit à une information loyale, appropriée.

 

"On découvre"... Vous êtes sortie du dix-huitième siècle quand, exactement ? 


Donc ces violences obstétricales, ça commence vraiment à émerger. Nous, en France, on n'a pas encore légiféré dessus.

 

Les femmes le constatent malheureusement tous les jours...  

 

Par contre, ce qui est sûr, c'est que en médecine, vous avez le cure et le care.

 

Et qu'est-ce que ça vient faire ici, exactement ? 

 

Et on a un grand juriste qui connaissait bien le droit médical naissant à l'époque, c'était le doyen Sabatier qui disait que le droit et la médecine, c'était les deux humanismes.

 

Ah, tiens, on n’avait pas eu droit aux grands mots, encore...

 

... Que la médecine devait respecter la dignité de la personne et que le juriste doit faire respecter lui aussi en sanctionnant ses atteintes à la dignité de la personne. Donc il y a le savoir-faire technique et il y a le savoir-être également. 

(????) 

Et il est clair qu'actuellement, il se dégage en droit, et on le sent arriver... une certaine obligation de délicatesse. 

(???) 

Ça commence à émerger, c'est à dire que le médecin n'est pas seulement celui qui procède à des actes techniques, mais c'est aussi celui qui va faire preuve de délicatesse et vous l'avez dit tout à l'heure, vous êtes des spécialistes de l'intimité. Donc, cette délicatesse, elle va être d'autant plus importante que vous touchez à l'intimité des femmes et qu'on le sait maintenant : aujourd'hui, il y a beaucoup de femmes qui ont subi des violences sexuelles. 

 

Et pan ! Au moment précis où Madame Paricard allait aborder le cœur du sujet, elle tourne la tête parce que le président de séance lui lance qu’il lui reste quatre minutes. Il a sacrément le sens du timing, le père Nicieux... pardon, Nisand.

 

Voilà...  mais je terminais justement. Donc... je dirais qu'il est normal que vous ayez des craintes parce que vous êtes a un carrefour de d'évolution sociétale et juridique très importante. Donc je pense que ça risque de bouger, de tanguer. Mais les juristes sont rationnels, ce sont des êtres rationnels, et pour avoir quand même beaucoup réfléchi sur le sujet --  je pense que d'ailleurs, je vais faire des publications à ce propos, et il y a aussi Diane Roman (une autre « experte genre », sur le même site malfoutu), qui travaille beaucoup sur ce sujet-là, on en a discuté ensemble -- je pense que ce qui est très important, c'est de respecter cette sphère de l'acte médical... mais avec un consentement éclairé, c'est à dire ne jamais se dispenser du consentement de la patiente, mais ne jamais non plus se dispenser de l'informer sur tout ce qu'elle va devoir supporter. (Oui, elle a bien dit « supporter ». Mais je crois pas qu'elle l'a fait exprès, elle non plus...) Alors, ça peut paraître lourd. (Pauv’choux de gynécos ... Toutes ces précautions à prendre...) Mais ce sera, dans un certain sens, une garantie (oui, elle a bien utilisé le mot "garantie"...) pour échapper à cette qualification qui est quand même très lourde, hein, de de viol où d'infractions sexuelles...  Voilà, je vous remercie.

 

 

Eh bien nous, on ne vous remercie pas, Madame Paricard.

 

Vous ne vous contentez pas de taire complètement ce que dit le droit (ça m'étonnerait que ça se réduise à ce que vous nous avez étalé en couche mince), vous caressez votre auditoire dans le sens du poil, en laissant entendre, par une suite de circonvolutions extraordinairement bullshittiques, que si les médecins « expliquent tout bien et demandent le consentement », il y a peu de risques qu’ils soient accusés de viol ou d’infractions sexuelles puisque, somme toute, ils ne font que leur métier. (Contrairement aux sages-femmes...) 

 

Votre conférence, comment la qualifier ?

 

Je laisse les lectrices en juger.

 

 

Marc Zaffran/Martin Winckler

 

 

Prochain épisode : « Ca n’arrive pas qu’aux autres » ou : Comment une vieille culotte de peau délivre – avec une arrogance toute française - une démonstration d’archaïsme, de corporatisme, de sexisme et de mépris de la loi, tout ça en un quart d’heure.

 

 


Si vous avez vraiment envie de vous l'infliger, la vidéo complète est ici : http://videos.infogyn.com/2022/rjinfogyn2022.php?show=2&restit=vv2_gynecologie

(NB : Je rappelle que ce lien m'a été communiqué gracieusement par plusieurs personnes ayant accès au site du congrès. Il n'a été ni extorqué ni "piraté".)  

1 commentaire:

  1. Bonjour,
    voilà donc le 3ème article que je lis sur cette conférence et, j'hésite à aller lire les 2 autres tellement je suis effarée... Je ne suis pas juriste, je ne suis pas soignante mais, je suis révoltée par ce que j'ai lu !
    Dire que ces "présentations" sont faites devant des "professionnel.le.s", avec probablement pas autant de recul et d'analyse que les vôtres, m'inquiète fortement sur ce qu'ielles vont en comprendre et appliquer par la suite...
    Ayant vécus (subis ?) des "contentieux" "intéressants", me voilà maman de 2 garçons et, en vient à être heureuse, contente, ravie et, c'est triste à dire, de ne pas avoir de filles... même si cela avance, évolue, se dit, s'écoute, se pénalise de plus en plus... c'est encore trop difficile d'être une femme et pourtant, nous sommes chanceuses d'être nées en France... Ce qui se passe dans d'autres pays est encore plus révoltant...
    Merci pour ce travail d'analyse et de décorticage des éléments qui peuvent échapper si l'on n'y prête pas attention, ou si l'on n'a pas les éléments nécessaires pour les comprendre...
    Je vais tout de même aller lire la suite... J'espère un peu plus d'espoir avec les "conseils pratiques"...

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