jeudi 29 septembre 2022

"Tout n'est pas justifiable au nom du soin" -- Une médecienne généraliste réagit à l'article sur le paternalisme gynécologique


Agnodice (c'est un pseudo) a commencé médecine à l'âge de 30 ans, après un doctorat en philosophie ancienne sur Aristote. Elle vient de finir son internat de médecine générale et a lu le récent article de ce blog consacré à l'entretien donné par le Dr Ghada Hatem

Elle réagit à son tour. 

MW

Ci-contre : un dessin de Borée qui rappelle que les médecins peuvent parfaitement examiner les femmes (si c'est nécessaire ET si elles l'acceptent) sur le côté, et pas sur le dos... 



"Tout n'est pas justifiable au nom du soin" 

Vivant actuellement mes dernières semaines d’interne de médecine générale (je finis d’ici quelques semaines, toutes les bonnes choses ont une fin), je ne peux qu’être énervée et agacée à la lecture de cet entretien et je suis donc votre appel à vous envoyer par mail ce que nous pensons de cet article. 


Les propos tenus par cette médecin s’appuient sur des présupposés avec lesquels je ne saurais être en accord :

(1) que toute patiente devrait être consentante à l’examen gynécologique, puisque 

(2) c’est dans l’intention de soigner que cet examen est pratiqué, donc il doit être accepté et, 

(3) que si les femmes ne sont pas d’accord pour cet examen c’est un manque de pédagogie 

(« Il faut aussi que les femmes comprennent »)


Concernant le premier présupposé, c’est effectivement un présupposé qui a la vie dure : lors de mes stages en gynécologie j’ai eu à pratiquer les fameuses échographies endovaginales et, lorsque je mettais trop de temps à introduire la sonde, je me faisais réprimander pour ma lenteur (pas par les patientes évidemment). 


Alors il faudra m’expliquer à quel moment on peut introduire un machin comme ça sans y aller avec tact et délicatesse et vouloir en même avoir la confiance de nos patientes. Moi je n’ai jamais compris. Et je ne crois pas que la pédagogie puisse en quoi que ce soit aider à ce que l’examen et ce type d’échographies se passent correctement. Pour la pose de speculum on peut aisément faire ce même raisonnement.


Concernant le deuxième présupposé, cet examen serait pratiqué dans l’intention de soigner donc il devrait être accepté. Ainsi, au nom du soin on pourrait tout faire. D’un point de vue éthique, cela est tout à fait discutable. 

"Au nom du soin, tout est justifiable" : cela revient à dire que pour cette fin (le soin), on peut tout faire. 

Bref, peu importent les moyens du moment que l’on soigne. 


Oui, on a le droit de faire des choses au nom du soin, mais le soin ne saurait être ce concept derrière lequel on se range pour faire passer l’absence de recherche de consentement. 


De la même façon, au nom du soin on pourrait tout dire : juger de la pertinence dans la vie d’une femme d’avoir un enfant à tel ou tel moment. Et enfin, de la même façon, au nom du soin, on pourrait tout décider de la façon dont nos patients mènent leurs vie : je ne peux qu’être consternée par le parcours de certaines patientes qui veulent se faire ligaturer les trompes… 


Concernant le troisième présupposé, la pédagogie « il faut que les femmes comprennent ». 

Non, il faut que les médecins comprennent les femmes, il faut que les médecins comprennent cette position gynécologique.


J’ai été surprise car la médecin chez qui je suis en stage a retiré les étriers de sa table d’examen et fait beaucoup de gynécologie. Et donc, par la force des choses, je fais les frottis et les examens gynécologiques sans que les patientes aient à mettre les pieds sur les étriers, et tout se passe très bien (et en tout cas je n’ai pas plus de mal à faire l’examen). 


J’ai toujours été scandalisée dans nos cours de cette asymétrie entre un toucher rectal chez l’homme où les professeurs hommes nous invitent à la plus grande délicatesse, et le toucher vaginal chez la femme où absolument aucun professeur ne nous a recommandé d’être délicat et de rechercher le consentement.


Comme si une femme avait par nature les cuisses ouvertes, prête au toucher vaginal et à l’examen gynécologique. Et je ne parle pas des femmes qui ont eu des enfants, alors elles, les cuisses seraient encore plus ouvertes. Non vraiment, je n’en démords pas, les médecins doivent comprendre.


Quant à savoir si la pose d’un spéculum peut être superposée à un viol … Et bien tout dépend comment elle est faite cette fichue pose !!! 


Mais avant de parler de "pédagogie envers les femmes", peut-être serait-il bon de parler de recherche du consentement de la patiente... 


Agnodice

lundi 26 septembre 2022

La contraception masculine est-elle un enjeu féministe ? - par Caroline Watillon


A l'occasion de la journée mondiale de la contraception, voici un texte de Caroline Watillon sur la contraception masculine. 

Même si je défends la recherche sur la contraception masculine (il est important que les hommes aussi décident quand ils se reproduisent ou non), je pense comme l'autrice que ce n'est pas une priorité féministe, ni une priorité de santé publique. 

La priorité de santé publique en matière de contraception, c'est d'instaurer définitivement l'accés libre, gratuit et sécuritaire pour toutes les personnes ayant un utérus et des ovaires, à toutes les formes possibles de contrôle de leur fertilité (y compris l'IVG et la stérilisation tubaire). 

Si je peux me permettre une analogie, la contraception masculine, c'est comme la conduite automobile. Vous ne cessez pas de mettre votre ceinture parce que votre partenaire prend le volant.  Est-ce que vous le laisseriez conduire la voiture à distance pendant que vous êtes assise dans le siège du passager ? Non, parce que si vous avez un accident (qu'il soit responsable ou non), c'est vous qui serez aux premières loges... Sans compter tous les autres aléas que Caroline Watillon décrit parfaitement. 

MW 


Caroline Watillon, diplômée en anthropologie et en gestion culturelle (ULB), a été référente contraception, avortement et violences faites aux femmes, dans une fédération belge de centres de planning familial (2016-2020). Aujourd’hui, elle est notamment auteure et conférencière sur les questions de santé sexuelle et reproductive.

La contraception masculine : un enjeu féministe ?

 

On en parle de plus en plus, le développement de la contraception masculine (CM) sera l’un des grands progrès de ce 21ème siècle, elle permettra le partage de la charge contraceptive et une tendance plus slow en santé sexuelle et reproductive.

Toutefois, alors que ce développement est encouragé depuis les années 1960 par des féministes qui dénoncent les conséquences de la contraception hormonale sur leur santé et comme charge mentale[1] ; d’autres féministes et alliés l’épinglent, partant du principe que ces méthodes ne règlent que les problèmes des hommes. Cet article prendra le parti de cette seconde voie/voix, en proposant une analyse des arguments[2] des entrepreneurs[3] de ce mouvement, presque exclusivement composé d’hommes militants et qui vise au développement de la contraception masculine, en particulier de la contraception thermique[4] :

-        La contraception masculine et/ou thermique favorise le partage de la charge contraceptive ;

-        Certaines méthodes, dont la vasectomie et la thermique, sont non-hormonales ;

-        La contraception masculine permet aux hommes de prendre le contrôle de leur fertilité et d’éviter une paternité non-désirée ;

-        Elle est sans effet secondaire et peu onéreuse ;

-        Et permet aux hommes de participer à l’intérêt social.

Bien que ce développement offre de nouvelles solutions[5] en termes de diversité contraceptive, ce texte fait l’hypothèse que les contraceptions masculines ne sont pas une réponse suffisante aux problèmes des femmes ; et que leur développement ne serait pas un enjeu féministe.

1.     La contraception masculine permet le partage de la charge contraceptive

Cette affirmation pourrait être vraie dans un monde où… les hommes ne violeraient pas les femmes. En l’état, les chiffres parlent d’eux-mêmes et les cas où la contraception masculine non-définitive pourrait devenir un outil de coercition reproductive[6], sont nombreux. A ce sujet :

24,9% des femmes en Belgique se sont fait imposer des relations sexuelles forcées par leur conjoint, selon le sondage d’Amnesty International et SOS Viol (2014)[7],[8].

En 2010, l’Institut pour l’Égalité des Femmes et des Hommes estimait qu’en Belgique, une femme sur sept avait été confrontée à au moins un acte de violence commis par son (ex-)partenaire au cours des 12 mois précédents[9].

Aussi, il est irresponsable de ne pas prendre en compte le nombre considérable de femmes victimes de violences (sexuelles), dans la façon d’organiser le plaidoyer ou la prise en charge des demandes de contraception masculine.

En outre, les femmes peuvent –  consentantes ou pas – avoir des rapports sexuels avec d’autres hommes que leur partenaire. Sachant que 20% des femmes ont déjà été victimes de viol[10] - le chiffre est alarmant et nous devrions nous soucier de cela en priorité –, la contraception féminine reste nécessaire pour protéger les femmes des grossesses non-désirées, même dans les cas où le partenaire est contracepté, bien intentionné, responsable et régulier.


Dans toutes les situations, et c’est sans doute le point le plus important, les conséquences d’une grossesse non-désirée seront toujours absolument plus importantes pour les femmes que pour les hommes. Irrémédiablement, ce sont elles qui assumeront l’avortement ou la grossesse et l’accouchement – notons à ce propos, qu’en comparaison avec l’avortement, le risque de mortalité lors d’un accouchement est 14 fois plus élevé[11]. En outre, dans les cas où les femmes poursuivent leur grossesse, la charge mentale sera considérablement plus élevée pour elles[12] ; et la charge financière autrement plus importante que celle relative à la contraception.

2.     La contraception masculine/thermique est non-hormonale

Partant de la déconstruction du premier argument pro-contraception masculine – selon laquelle la contraception masculine ne serait qu’une solution très partielle pour les femmes, en regard des risques –, la seule échappatoire est de promouvoir la double contraception, particulièrement efficace, c’est vrai. Dans ce cas, les partenaires ont chacun.e leur méthode – cela protège les femmes d’une grossesse non-désirée en cas de rapport sexuel, consentant ou pas, à l’extérieur ou au sein du couple.

Cette échappatoire rend définitivement caduc le premier argument, qui se veut réducteur de la charge mentale pour les femmes ; mais aussi ce second, critique des traitements hormonaux dans un soucis de santé des femmes et de protection de l’environnement, dont la féminisation des poissons[13] est un exemple interpellant. En effet, à partir du moment où pour se protéger (cf. premier argument supra), les femmes doivent prendre une contraception en parallèle de celle de leurs partenaires, elles continuent de porter cette charge mentale ; et si leur contraception est hormonale, cela ne règle en rien la question environnementale/de santé.

Force est de constater dans ce mouvement de libération des hommes, une tendance antihormones importante. Alors que les professionnel.les en santé sexuelle et reproductive n’ont eu de cesse de sensibiliser les femmes pour les protéger des grossesses non-désirées, cette entreprise en vient à leur dire que les contraceptions, les plus utilisées et efficaces, sont en réalité mauvaises pour leurs corps et leurs esprits[14]. Ce discours, en plus d’être fallacieux, augmente le contrôle sur les corps des femmes et de surcroît, culpabilise celles qui choisissent une contraception hormonale.

Pourtant, en outre des nombreuses améliorations en termes de santé sexuelle et reproductive – diminution des avortements, des risques de cancers de l’utérus[15] et de ceux liés à toute grossesse/accouchement –, le développement de la contraception hormonale a permis aux femmes d’avoir une sexualité plus sereine : C’est par le bilan de l’action du Planning familial en 1967 que des transformations au sein du couple conjugal peuvent enfin être appréhendées : parmi les femmes ayant utilisé la pilule, 94 % ont eu des rapports plus fréquents, 53 % plus de plaisir et 86 % de leurs conjoints jugent les rapports sexuels plus agréables[16].

Bien que des drames surviennent (AVC, thromboses, cancer du sein, etc.), il est possible de réduire le risque en amont, en généralisant une bonne prise en charge des demandes en santé sexuelle et reproductive, j’y reviendrai plus bas. De plus, on constate qu’au niveau de la population générale, la pilule reste moins dangereuse qu’une grossesse ; la gynécologue Odile Buisson écrivait à ce sujet : L'Agence nationale de sécurité du médicament a comptabilisé sur 27 ans 13 décès imputables aux contraceptifs oraux. À titre indicatif, une grossesse c'est 70 décès par an. […] 2 millions d'utilisatrices pourront bientôt dire adieu au remboursement de leur contraception. Tout ça pour ça. (Buisson, 10 : 2013).

Les propos de Docteure Buisson doivent sans doute être nuancés : d’une part, le nombre de décès relatifs à la contraception hormonale est peut-être sous-évalué et d’autre part, les alternatives non-hormonale à la pilule sont précieuses, en ce qu’elles favorisent la contraception pour certaines femmes à qui les hormones ne conviennent pas[17]. C’est pourquoi toute prise en charge de demande de contraceptif, devrait passer par une série de questions sur les antécédents (par exemple, au sujet des occurrence de cancer du sein dans la famille) et la présentation de la contraception dans toute sa diversité (avantages et inconvénients de chaque méthode), ce compris les méthodes masculines ou dites naturelles. Aussi, une priorité en termes de diversité contraceptive, serait plutôt le développement et l’amélioration des méthodes non-hormonales pour les femmes ; et non pour les hommes.

Toutefois, en regard de la faible incidence de mortalité en lien avec la pilule, par rapport à ceux liés à une grossesse non-désirée (qui se soldera par un accouchement, une fausse-couche ou un avortement), le pilule bashing reste regrettable. En effet, pour une majorité, les hormones sont une solution et non un problème[18] ; elles ont littéralement sauvé des millions de femmes de grossesses non-désirées, d’avortements clandestins et des risques associés. Aussi, le rejet de la contraception hormonale ne devrait pas être prosélyte, mais rester un choix individuel, fonction de sa propre situation médicale et de son propre confort.    

3.     La contraception masculine permet aux hommes de reprendre le contrôle sur leur fertilité

C’est un argument aussi entendu au sujet de la contraception masculine : elle permet aux hommes de (re)prendre[19] le contrôle de leur fertilité. Contraceptés, ils sont libres d’avoir autant de rapports sexuels qu’ils le désirent, sans prendre le risque d’une paternité non-désirée. Si l’on peut tout à fait comprendre que les hommes préfèrent éviter cela, le lien est moins évident lorsqu’ils parasitent les appels à projets et budgets prévus pour les droits des femmes.

Récapitulons : tant que les chiffres de viols et violences sexuelles faites aux femmes ne seront pas drastiquement en baisse, la contraception féminine reste fortement recommandée ; la contraception doit donc être double et en cela, la CM ne règle en rien les problèmes qu’elle prétend résoudre, que ça soit la charge qu’elle représente pour les femmes ou le cas échéant, les conséquences des hormones sur leur santé et l’environnement. En ce sens, la contraception masculine ne permet pas aux hommes de participer à l’intérêt social ; mais bien de protéger leurs propres intérêts, d’éviter tout enfant dans l’dos.

Cette illustration trouve bien sa place à ce stade de l’argumentation : la contraception masculine n’est pas un enjeu féministe – Donc, si tu tiens tellement à prendre le contrôle de ta fertilité Sergio, fais-le avec tes subventions !




La contraception masculine est peu onéreuse et sans effet secondaire

L’argument du prix est tout à fait juste, cependant il n’en va pas de même pour les effets à long terme en ce qui concerne la contraception thermique. Effectivement, le recul est insuffisant et cela n’a pas été vérifié ; les hommes qui la pratiquent le font en connaissance de cause et ont généralement un engagement militant/artistique en ce sens[20],[21].

En faisant le pari qu’elle est sans effet pour les hommes, il n’en va pas forcément de même concernant la santé des femmes. En effet, si une grossesse survient (échec contraceptif, oubli, inefficacité de la méthode), par principe de précaution au sujet du développement de l’embryon/du fœtus, dont on ne sait rien pour le moment, on conseille aux partenaires des hommes contraceptés, d’avorter. Aussi, un échec en contraception masculine thermique égale, en général, un avortement. A ce sujet, l’histoire de la contraception a montré qu’aucune méthode n’est fiable à 100% ; aussi on peut affirmer que la thermique, si elle est utilisée à grande échelle, entraînera des conséquences… sur la santé des femmes[22] ! Bien que pour beaucoup, l’avortement est davantage une solution qu'un drame, on peut toutefois (se) demander combien d’hommes sont au courant de ce principe de précaution dans les faits ; et surtout, combien de partenaires en sont informées[23]. Sachant que l’information n’est pas disponible sur internet[24], et que l’une des revendication de l’entreprise est de s’affranchir du corps médical ; il convient de s’inquiéter de si et de comment, les femmes et les professionnel.les de santé seront éclairé.es sur ce point.

Conclusion : pour un développement plus humble du mouvement en faveur du développement de la contraception masculine

Premièrement, cette entreprise gagnerait en sérieux et en scientificité, si elle se montrait plus transparente sur les limites de ses méthodes. Aussi, elle devrait admettre : qu’il existe des femmes qui n’ont pas assez confiance (à raison pour beaucoup, certainement) pour déléguer la contraception du couple à leur partenaire ; que les femmes pourront commencer à se poser la question de la contraception masculines, quand la culture du viol aura véritablement été enrayée ; et que les risques sont inconnus pour la santé des hommes. Elle devrait aussi rappeler le principe de précaution sur l’avortement ; et qu’en dehors d’une relation stable/exclusive, les usager.es devraient aussi se protéger des IST et du SIDA en utilisant des préservatifs.

Deuxièmement, si l’on fait passer la contraception masculine comme une solution à l’égalité entre les hommes et les femmes – alors que comme nous l’avons vu, elle permet essentiellement aux hommes de (re)prendre le contrôle sur leur fertilité –, son développement se fera au détriment des budgets et du temps disponibles pour les droits et la santé sexuelle et reproductive des femmes. En effet, alors qu’aujourd’hui les gouvernements commencent à mettre des moyens en œuvre, notamment par des approches de gender mainstreaming[25], des hommes frappent à leurs portes pour revendiquer ces financements[26]. Toc, toc, toc, qui est là ?

Troisièmement, ça n’est pas l’égalité des moyens contraceptifs qu’il faut viser mais l’équité. En ce sens, et sachant que la contraception la plus efficace est celle qu’une femme choisit sur la base d’une information complète, le développement de nouvelles méthodes non-hormonales pour les femmes et l’amélioration des méthodes hormonales déjà disponibles, devraient être des priorités (féministes) absolues. Je terminerai en paraphrasant Martin Winckler – heureusement qu’aujourd’hui il y a plus de méthodes féminines que masculines de disponibles ; veillons à ce que cela ne s’inverse pas[27]. 



[1] https://www.persee.fr/doc/genre_1298-6046_1999_num_25_1_1093 , page consultée le 14 septembre 2022

[3] Par les termes entrepreneurs/entreprise, ce texte fait référence au mouvement de plaidoyer (ce compris les hommes utilisateurs engagés) pour la commercialisation de nouvelles méthodes masculines et en particulier de l’anneau thermique. En effet, la contraception thermique est aujourd’hui sur le devant de la scène en matière de CM, poussée par un militantisme fort et l’entreprenariat social.

[5] Ces solutions sont sans doute très efficaces et encore davantage lorsqu’elles sont couplées à une contraception féminine.

[6] Ce concept désigne l’ensemble des comportements d’un partenaire, qui sabote la contraception dans le but de provoquer une grossesse à l’insu de la femme qui pense par conséquent être protégée. Pour en savoir plus : https://www.cffb.be/le-sabotage-contraceptif-quest-ce-que-cest/ , page consultée le 21 septembre 2022

[8] Concernant cette source et la suivante (9), profitons-en pour rappeler qu’il est indispensable de faire de nouvelles études à ce sujet, afin de disposer de données plus récentes pour la Belgique.

[12] A titre d’exemple, le site Doctolib publiait en mars 2022 que 81% des rendez-vous médicaux pour les jeunes enfants étaient pris par des femmes : https://www.madmoizelle.com/charge-mentale-bonjour-81-des-rendez-vous-doctolib-pour-de-jeunes-enfants-sont-pris-par-des-femmes-1263771 , page consultée le 14 septembre 2022

[14] https://www.instagram.com/p/CTSLp5jDFHQ/ , page consultée le 28 avril 2022

[15] https://www.cancer.be/nouvelles/la-pilule-contraceptive-diminue-le-risque-de-cancer-de-l-ut-rus , page consultée le 22 avril 2022 – mentionne aussi que la pilule peut augmenter les risques d’autres cancers : il revient donc aux professionnel.les de santé de faire la balance bénéfices-risques avec la patiente, en l’interrogeant sur ses antécédents familiaux.

[16] https://journals.openedition.org/clio/622 , page consultée le 28 avril 2022

[17] Acné, prise de poids, perte de libido, antécédents familiaux de cancer du sein,... sont autant de bonnes raisons de ne pas prendre une contraception hormonale ; ces risques ont été identifiés par les médecins et la littérature scientifique.

[18] Si la pilule est moins utilisées, la plupart des femmes continuent de choisir une contraception hormonale comme le patch, l’injection on le dispositif intra-utérin (aussi appelé stérilet) hormonal.

[19] Rappelons qu’avant le développement des méthodes de contraception hormonales, la contraception du couple était essentiellement assurée par les hommes, avec les préservatifs disponibles selon les époques et le retrait. Cette situation a amené les femmes à revendiquer le développement des méthodes féminines.

[20] https://www.instagram.com/p/CbfiY1UAr0l/ , page consultée le 20 septembre 2022

[21] https://vimeo.com/596586943 , page consultée le 20 septembre 2022 (mise en garde : contenu de nudité)

[24] Pourtant, la couverture contraceptive selon l’European Parliamentary Forum for Sexual and Reproductive Rights, dépend notamment de la mise à disposition de l’information en ligne. https://www.epfweb.org/european-contraception-atlas , page consultée le 21 septembre 2022

[27] https://www.youtube.com/watch?v=qQmDuyvHvDI , page consultée le 20 septembre 2022




dimanche 25 septembre 2022

Le paternalisme des gynécologues a encore de vilains restes - par Marc Zaffran/Martin Winckler

24 septembre 2022

Ces jours-ci, une internaute m'a envoyé cet entretien publié dans Ouest-France. 

Je vous invite à le lire, et je vous en reparle après. 



Vous avez lu ? Qu'est-ce que vous en pensez ? Je vous invite à me l'écrire (martinwinckler (at) gmail.com), votre opinion m'intéresse. 

En attendant, je vous donne mon sentiment. Je ne peux que m'appuyer sur ce que dit Ghada Hatem, et que retranscrit le quotidien. Mais les mots sont importants. 

"C'est un problème qu'il va falloir affronter". 

 Mmmhhh... Je signalais déjà le problème en 1998, dans La Maladie de Sachs, je l'ai décrit très précisément en 2009 dans Le Choeur des femmes,  j'y suis revenu à la louche en 2016 dans Les Brutes en blanc, et des livres comme Le Livre noir de la gynécologie de Mélanie Déchalotte ou Accouchement les femmes méritent mieux de Marie-Hélène Lahaye ont largement enfoncé le clou depuis, ainsi que bien d'autres livres qui seraient trop nombreux à citer. 

Alors, oui, il serait peut être temps d'examiner le problème et de le prendre à bras-le-corps, au sein de la profession, plutôt que "l'affronter", parce qu'il s'agit justement de faire cesser les violences exercées sur, et ressenties et décrites par les femmes, dans le cadre de leurs interactions avec les gynécologues. 

"Des médecins qui essaient de bien faire leur métier mais qui parfois ne sont pas assez attentifs/empathiques et qui ne s'intéressent pas toujours au vécu de leurs patientes

What the fuck ????  L'empathie, l'attention à l'autre et l'intérêt pour le ressenti des personnes soignées ne sont pas des "options" professionnelles. Elles font partie intégrante de ce qu'on nomme dans beaucoup de pays le professionnalisme des médecins (et de toutes les professionnelles de santé, d'ailleurs). C'est ce qu'on regroupe sous le terme général de bienveillance, qui n'est jamais facultative, mais fait partie des obligations éthiques de tout.e soignant.e. 

Alors je suis désolé, mais on ne peut pas "bien faire son métier" sans ça. Et il ne suffit pas de dire aux médecins inattentifs et non-empathiques "Hé les gars, faudrait l'être un peu plus" pour "affronter le problème". 

"D'un autre côté, on a des femmes qui ont perdu un peu confiance en la médecine"

Euh, non, elles ont pas perdu confiance "en la médecine" (qui ne se résume pas aux médecins, y'a des dizaines de professions de santé et des dizaines de milliers de soignantes qui contribuent à la médecine) elles ont perdu confiance en un groupe professionnel - en l'occurrence les gynécologues - lesquels sont censés être spécialisés dans les soins de santé des femmes. 

Les griefs des femmes ne manquent pas, mais ils ne se limitent pas aux interactions directes avec un grand nombre de médecins, ils comprennent aussi les discours culpabilisants ou terroristes tenus par ces médecins. 

Il ne faut pas oublier que jusqu'à l'apparition de l'internet et des réseaux sociaux, le discours médical était vertical et n'allait que dans un seul sens. Avant ça, quand un.e gynécologue disait dans les journaux, à la télé ou à la radio : "Une femme qui ne voit pas un gynéco chaque année est inconsciente", ou encore : "Attendre d'avoir plus de trente-cinq ans pour faire un enfant est irresponsable", ou encore : "Ne pas aller à la mammographie de dépistage c'est jouer avec votre vie", la plupart des femmes n'avaient aucun moyen de savoir qu'il s'agissait d'un discours purement terroriste, ne reposant sur aucun fondement scientifique. 

Depuis qu'elles peuvent aller chercher des informations en ligne, elles savent que c'est du terrorisme. Et elles se méfient. A juste titre.  

Ce n'est donc pas en "la médecine" qu'elles n'ont pas confiance, mais en des professionnel.les qui pratiquent de la mauvaise médecine jusque dans leur manière d'en parler en public

"... se sentent agressées et exigent plus de pédagogie, plus de respect, et elles ont raison." 

 Est-ce que c'est moi, ou bien est-ce que j'entends un cargo de paternalisme dans cette phrase. Les femmes ne veulent pas être "mieux éduquées" par les gynécos (c'est ce que le "plus de pédagogie" suggère). Elles veulent qu'on leur parle comme à des adultes !!!! 

Elles ne veulent pas "plus de respect", elles veulent qu'on les respecte, un point c'est tout. Le respect, ça ne se délivre pas en pourcentage. On se sent respectée ou non. Et en ce moment, beaucoup de femmes disent qu'elles ne le sont pas.  

C'est dans la suite que ça se gâte vraiment. 

"Il va falloir que l'on fasse un pas vers l'autre. Que les médecins acceptent de s'interroger sur leur pratique...." 

Examiner sa pratique, ce n'est pas une faveur qu'on consent à la personne qui vous le demande. 

C'est une obligation professionnelle. 

"Mais il faut aussi que les femmes comprennent que la pratique médicale est complexe." 

Ici, on constate que Ghada Hatem a le paternalisme bien ancré. "Il faut que les femmes comprennent". Ben oui, dame, elles peuvent pas comprendre, ce sont des femmes ! Et en plus elles sont pas médecin ! 

On rêve... 

Et ça se poursuit en beauté : "Dire à une femme qu'elle a peut-être du surpoids c'est pas de la grossophobie. Dire à une femme de 38 ans que faire un bébé dans quelques années ça sera difficile..." 

Ben, quand cette femme n'a rien demandé et ne consulte pas pour son poids ou pour son désir d'enfant, bien sûr que c'est une agression grossophobe !!!  Car ça sous-entend que le poids ou l'âge de la grossesse sont des éléments importants aux yeux du médecin. Mais si la femme n'a rien demandé, ce que le médecin pense du poids de ses patientes ou ce qu'il pense du fait qu'elle veut un enfant après quarante ans, ce n'est pas une information. C'est un jugement de valeur. Autrement dit : un manque de respect. Et ne parlons même pas de l'idée que les femmes "peut-être en surpoids" ne pensent pas déjà qu'elles le sont, et que celles qui envisagent peut-être une grossesse après quarante ans ne s'inquiètent pas de leurs chances de succès. 

Quand à dire à une femme de 38 ans que "dans quelques années", c'est encore se mêler de ce qui ne nous regarde pas. Surtout si elle n'a rien demandé. On n'a pas à "brandir l'horloge biologique" devant les yeux des femmes, comme si elles avaient besoin qu'on leur donne l'heure ! D'autant que parmi les femmes de 38 ans, il y en a un certain nombre qui ne veulent pas avoir d'enfants !!!! 

Comme si on ne les bassinait pas déjà suffisamment avec ça dans tous les médias, discours médical à l'appui !!!!  

Le paternalisme, ça se dépiste assez simplement, au fond : toute personne qui vous parle en laissant entendre qu'elle sait mieux que vous ce qui est bon pour vous, est paternaliste. Dans l'entretien ci-dessus, les propos attribués à Ghada Hatem sont furieusement paternalistes.  

"Question : Vous êtes choquée quand on parle de viol gynécologique ? 
Réponse de G.H. : Ca me heurte profondément même si techniquement, mettre un spéculum à quelqu'un qui n'est pas d'accord et qui n'a pas donné son consentement rejoint la définition du viol."

Qu'en termes élégants ces choses là sont dites ! Non, Ghada Hatem, y'a pas de techniquement qui tienne. 

Ce que vous avez décrit, c'est exactement la définition du viol par la loi"acte de pénétration sexuelle commis avec violence, contrainte, menace ou surprise" !!!! 

Et le fait que cet acte soit infligé par un médecin à une femme "qui vient se faire soigner" n'y change rien !!!! 

Et le paternalisme de Ghada Hatem revient au galop dans la suite "Bien sûr qu'il y a des médecins violeurs comme dans toutes les professions..." 

Et c'est tout ce qu'elle a à en dire ? Elle n'ajoute pas que c'est insupportable, que c'est intolérable, que ces gens-là devraient être interdits d'exercer et foutus en prison... Comme si au fond, ça n'avait pas d'importance. Comme s'il était acceptable que des médecins (comme tout le monde) violent les personnes qu'iels sont censées soigner ! Comme si un viol médical, c'était l'équivalent "accidentel" du viol commis par un type qui vous agresse dans l'obscurité d'un parking souterrain. "Bon, ça arrive, mais c'est rare..." 

Mais pas du tout !!! A son cours d'éthique professionnelle, elle aurait un zéro pointé, Ghata Hatem ! 

Sur le plan moral, un viol gynécologique, c'est exactement la même chose que le viol commis par un proche. C'est une agression d'autant plus grave qu'elle est perpétrée par une personne en qui on avait toute confiance. 

Et il y a une grande différence : nos proches ne prêtent pas serment. Les médecins, si ! Et le premier principe éthique, c'est "D'abord ne pas nuire" !!!!! 

La fin de l'entretien est caricaturale. "Les jeunes femmes angoissées avec tout ce qu'elles lisent sur les réseaux sociaux." Oui, bien sûr, parce que c'est juste ce qu'elles lisent, c'est pas la manière dont elles, leurs soeurs, leurs mères, leurs amies, ont été traitées par les professionnelles. C'est juste les racontars sur Facebook et Instagram... 

Quant à "Mes collègues me disent qu'ils ne veulent pas finir devant le tribunal et qu'ils vont arrêter d'examiner leurs patientes"... c'est tout simplement lamentable. 

Une consultation de soins, ça ne se résume pas à un examen. Examiner le corps d'une personne soignée, ce n'est ni indispensable ni obligatoire : le plus important est de savoir ce qu'elle demande, ce qu'elle craint, ce qu'elle veut ou ne veut pas - et il est très facile de le savoir, il suffit de l'écouter. 

Ensuite, seulement on peut être amené à lui proposer de l'examiner si elle le veut. Et toujours en respectant sa pudeur, sa sensibilité et ses craintes. 

La meilleure consultation gynécologique, ce n'est pas celle que le/la professionnelle fait "selon les règles de l'art" (l'art médical défini par les médecins...), c'est la consultation dont la personne soignée sort en se sentant mieux qu'avant d'y être entrée - parce qu'elle (liste non exhaustive) a pu dire ce qu'elle avait à dire, parce qu'elle a été touchée (ou non) avec respect, parce qu'on lui a montré qu'elle était seule à décider de ce qui la concerne, parce qu'on ne lui a décoché ni commentaire désagréable ni réflexion déplacée, parce que (par exemple) on lui a proposé d'insérer le spéculum elle-même avant de lui faire un frottis, parce qu'on lui a rappelé qu'elle doit toujours être d'accord avant qu'on pose le petit doigt sur elle, parce qu'à aucun moment on n'a fait mine de la menacer ou d'exercer le moindre chantage...  

Bref, ça ne demande pas une grande expertise "technique". 

Soigner, encore une fois, ça commence par "D'abord ne pas nuire" !!!! (Il va falloir le répéter combien de fois ???) 

Et seule la personne soignée peut dire ce qui lui nuit ou non ! 

Soigner avec respect, ce n'est pas une "technique", c'est une attitude. Incompatible avec le paternalisme. 

Allez, Ghada Hatem (et le congrès des chirurgiens gynécologues de Rennes), encore un effort ! 

Ce n'est pas aux femmes de "faire un pas" vers vous. 

C'est à vous de remplir vos obligations professionnelles et éthiques ! Celles qui sont inscrites noir sur blanc dans le code de déontologie. Celles qui sont enseignées dans toutes les facultés de médecine du monde occidental -- sauf en France, semble-t-il. Celles qui devraient vous guider chaque jour, à chaque consultation, dans chaque rencontre avec chaque personne en demande de soin. 

Et, tiens, quitte à "accepter d'examiner vos pratiques", vous pourriez commencer par examiner votre manière de penser et de parler. 

Quand vous vous exprimez dans la presse, votre paternalisme se voit. Beaucoup... 


Martin Winckler, alias Marc Zaffran, médecin généraliste, ivégiste et poseur-de-diu-"planqué