lundi 9 octobre 2017

Ne pas se laisser faire. par Corine Fontrel

« Très angoissée, à la suite d'une visite médicale où le médecin avait vu un peu de sang au début de ma grossesse ( trois mois environ)   j'ai pris RDV à la clinique pour une échographie.

L’échographie s’est passée comme je la décris ci-dessous, dans une lettre adressée à l’échographiste

J'ai eu un curetage, j'ai été très déprimée par cette fausse couche, cet examen, mais je suis allée mieux quand j'ai écrit le texte et l'ai envoyé, quelques semaines après la fausse couche.

Grâce à cette lettre, envoyée au médecin en question et au directeur de la clinique, j'ai pu surmonter ma déprime et me consacrer pleinement à mon fils de sept ans à l'époque.

Ne pas laisser faire, ne pas se laisser faire, ça vous sort de la déprime. »

Corine Fontrel, cliente du 27 août 1997


 ***

Au Dr X.

Attente
La pire qui soit.
Elle sait qu’il y aura un « après la visite ».

La porte s’ouvre.
Le médecin sort.
Avec la tête qu’il a,  il ne peut annoncer que de mauvaises nouvelles.

Vas y petit soldat, lève toi et remets toi entre les mains de la médecine, tu en as vu d’autres. 

Il s’assoit à son bureau,  et commence l’interminable série de questions insensées, étant donné que la seule question est : l’enfant vit-il ?
Elle répond à la machine comme une machine, un peu à côté, peu importe, il écoute distraitement les réponses qu’il consigne sur son ordinateur. Elle veut aller à l’essentiel, mais Docteur Microsoft lui coupe la parole, pas maintenant, dans l’ordre s’il vous plaît, l’ordre de la machine.

Le pire est à venir.

La date de ménopause de sa mère ? Ah, oui tiens à quel âge sa mère est-elle devenue incapable de faire des enfants? Bonne question.

Il faut s’astreindre à répondre à des questions vitales,  comme de savoir si elle eu la varicelle… Ces questions auraient pu être posées après l’exécution.

Puis la table, les étriers, l’échographie par où on a péché. Le pilote maîtrise l’appareil cinq sur cinq ; elle voit parfaitement son bébé. Il insiste longuement sur les mesures du crâne, parfaites.  Voyez vous la colonne vertébrale ? Oui, elle la voit très bien, la colonne vertébrale. Elle a juste besoin de savoir.  Au fond elle sait que le bébé est mort mais elle a sous les yeux et dans les oreilles la jubilation sadique du technicien des mesures, qui mesure un bébé qui ne bouge plus, il le sait, mais les mesures avant tout.  Comment résister au progrès ?

Maintenant, assez joué, on va écouter le cœur. Ah, pas de coeur, serait-ce une défaillance de la machine ?  Impossible, la seule défaillance c’est celle du corps de cette femme qui porte un enfant raté.

Et maintenant que va t-il se passer, demande t-elle d’une voix blanche, toute nue au milieu de la pièce. Lui, le technico-commercial, gêné par sa nudité, répond :
-Rhabillez vous, on en parlera après.

Elle,  elle s’en fout d’être nue, le monde s’est arrêté.

Plus à l’aise de l’autre côté du bureau, elle habillée, il dit :
-Revenez dans quelques jours, pour confirmation.

L’échographie est une opération juteuse.
-En attendant, rentrez chez vous.  C’est 340 francs.  Au revoir madame.