lundi 24 mai 2021

"C'est mon corps" : des questions et des réponses sur la grossesse (et les relations avec les soignantes)

Une lectrice m'écrit pour me poser des questions après sa lecture de "C'est mon corps". Avec son accord, je publie ici questions et réponses. 

MW  


1) Dans votre partie parlant des règles (p.43), il y a un schéma explicatif du cycle utérin. J'y ai observé que l'ovule se déplace des ovaires à l'utérus en passant par la trompe. Mais lors de mes cours j'avais cru comprendre que l'ovule restait à la sortie de l'ovaire, attendait une fécondation (l'arrivée du spermatozoïde) et si elle n'avait pas lieu, il serait donc détruit. Ainsi je ne comprends pas très bien, l'ovule irait-il dans l'utérus pour y être évacué avec les règles ? Ou est-ce un tout autre destin qui l'attend ?

Les spermatozoïdes peuvent se déplacer, pas l'ovocyte. Mais les trompes sont recouvertes de cils mobiles, qui bougent comme des algues au fond de l'océan, et l'aident à se déplacer (comme un tapis roulant) en direction de l'utérus. Donc, il ne se déplace pas seul, mais il se laisse transporter. C'est indispensable parce que sinon, il resterait dans la trompe et n'irait pas s'implanter dans l'utérus. Et de fait, si les cils ont été détruits (par une infection, ou par la consommation de tabac...) il reste en place et lorsqu'il est fertilisé, cela donne... une grossesse extra-utérine (dans la trompe). S'il n'est pas fertilisé, il meurt et est "digéré" par les cellules de l'organisme dont le rôle consiste à "recycler" les cellules mortes  

 
2) A la page 40, dans la partie règles, vous nous informez sur le nombre d'ovules que nous possédons à la naissance : "entre 1 et 2 millions". Et "qu'à la puberté nous n'en possédons plus que 400 000". Ma question est donc : qu'est s'est-il passé ? Ont-ils été détruits ? Et pourquoi en fabriquer autant, si pour qu'au final nous en perdions énormément ?

Les nombre de cellules de la reproduction se monte à 1 ou 2 millions. Mais à la puberté, un nombre limité de ces cellules mûrissent pour devenir des ovocytes prêts à être expulsés et (éventuellement) fertilisés. Entre les deux, les cellules sont bombardées (comme tout le corps) par les rayons cosmiques, et, pour certaines, abîmées. Mais contrairement aux cellules de la peau et des autres organes, qui sont sans cesse renouvelées, les cellules de la reproduction féminine ne le sont pas. Beaucoup sont abîmées. En faisant naître les femmes avec 2 millions, l'évolution s'est assurée qu'elles en auraient encore suffisamment pour se reproduire au bout de 15 à 20 ans... Autrement dit : "- Pourquoi autant à la naissance ? - Pour qu'il en reste assez à la puberté."
 


3) A la page 246, partie grossesse : vous dites : "une grossesse est un accident de la vie [...] nous devons nous féliciter que ce ne soit plus un accident mortel"

Ce qui va suivre recèle, peut-être d'une erreur de compréhension de ma part. Si c'est le cas je m'en excuse. En attendant, je vous expose ma propre perception des choses.

Pour moi, une grossesse n'est pas un accident.
Je pense, qu'un accident est quelque chose qui dépasse notre volonté et survient de manière inattendue (ex : un accident de voiture). Alors bien-sûr il peut y avoir des grossesse non voulu (ex : déni de grossesse, viol,...) et à cet instant, on peut parler d'accident.

Mais pour une grossesse souhaitée, c'est quelque chose que l'on veut, que l'on attend impatiemment. Cependant une fécondation repose sur le fruit du hasard (le spermatozoïde et l'ovule vont-ils se rencontrer ? etc... D'où le fait que vous utilisiez peut-être le terme "d'accident" ?).

Exactement. Il est toujours imprévisible que ce spermatozoïde et cet ovocyte produisent cette grossesse. Et on pense actuellement qu'une grande partie des fécondations ne produisent pas de grossesse ; on sait aussi que beaucoup de grossesses s'interrompent spontanément. C'est dans ce sens que j'utilise le mot "accident". J'aurais pu dire "hasard" mais ce n'est pas exactement le hasard (comme l'est un tirage au sort au Loto), c'est la conséquence de phénomènes biologiques qui sont (relativement) déterminés mais trop ténus pour que nous puissions voir en quoi ils sont "déterminés". En disant "accident", je ne veux pas dire que c'est forcément "malheureux". Il y a des accidents heureux. Comme le fait de rencontrer par accident une personne avec qui on va se lier pendant longtemps. Ou comme le fait de naître à des parents qui veulent des enfants... et qui auraient pu en avoir un autre que nous à ce moment-là, tant les possibilités étaient nombreuses... Nous sommes tous des accidents. :-) 

 


4) Dans la partie "relations avec les soignants" p.398-399-400 : vous parlez de la relation de confiance qu'il faut établir et je suis tout à fait d'accord avec vous dans le fait, qu'il faut : écouter, laisser parler et surtout croire son patient sur tout ce qu'il nous dit, explique, fait.
Mais est-ce possible qu'un patient nous mente réellement ? Et comment faire s'il le fait ? Et surtout, comment le savoir ?

Il n'y a aucun moyen de le savoir, mais par principe, il me semble qu'il est moins problématique de découvrir (occasionnellement) qu'une personne a menti (si tant est que ce sur quoi elle a menti a de l'importance pour nous) que d'être méfiant à l'égard de tout le monde. 
Sur le plan éthique, décider qui ment et qui dit la vérité est, en effet, indéfendable. 
Personnellement, j'ai réglé le problème de la manière suivante : je disais aux patientes que je les croirais toujours, et que quoi qu'elles me diraient, ça resterait entre nous et qu'elles n'avaient pas besoin de tout me dire, juste ce qui me permettrait de les assister/comprendre/soigner/conseiller au mieux.  
En vingt-cinq ans, je ne me souviens pas avoir découvert qu'une personne avait "menti" (parce qu'elle finissait par me dire "la vérité") et que ça avait eu une conséquence grave pour elle (et encore moins pour moi). Dans l'immense majorité des cas, le mensonge est essentiellement fait pour protéger les patientes (des jugements, en particulier). Il n'est pas utilisé pour "exploiter" les soignantes. 
Donc, afin d'accorder le même crédit à toutes les personnes soignées, il est plus productif de croire tout le monde. Et surtout, de croire leurs émotions, leurs sentiments, leurs perceptions, qui pour les personnes soignées sont toujours vraies... 


5) Dernière petite question, ma maman souffre de migraines très très violentes, pendant la période de ses règles. Cependant elle n'est soumise à aucun traitement hormonal, ni aucun autre d'ailleurs. Ainsi, je voulais savoir, est-ce qu'un stérilet en cuivre pourrait la soulager ? Si non, auriez-vous une autre solution ?

Un DIU au cuivre n'aura pas d'effet bénéfique sur ses migraines, malheureusement. Un DIU hormonal ou une pilule progestative en continu, peut aussi être envisagé (si elle a besoin d'une contraception). Par ailleurs, Il existe des traitements spécifiques des migraines. A prendre une fois en cas de crise (triptans, zomig par exemple), ou en continu, en prévention (propranolol, en particulier). Les migraines disparaissent à la ménopause, et il peut suffire de prendre un triptan chaque mois dès le début de la crise migraineuse, en attendant qu'elle soit ménopausée. 

Martin WInckler  

vendredi 21 mai 2021

Grossophobie, image de soi et thérapie : une expérience personnelle

Je viens de terminer la lecture de votre ouvrage « C’est mon corps », et je vous écris pour vous faire part de mon expérience personnelle par rapport à la question du surpoids.


Aux pages 312-313, vous attirez l’attention des lectrices et des lecteurs sur la grossophobie. Puis vous écrivez que « Plus on harcèle quelqu’un au sujet de son poids, plus on risque de lui ouvrir l’appétit ». Cela fait six mois que j’effectue un travail avec une psychologue, spécialisée dans la gestion de l’alimentation. Et elle a changé ma vie.

Je ne vais pas vous raconter toute mon histoire familiale, il faudrait un livre, mais pour aller vite, j’étais à l’école primaire lorsque le médecin scolaire a écrit sur mon carnet de santé : « attention à la courbe pondérale ». Parce que mon poids était au dessus des courbes dessinées dans les carnets de santé de l’époque. 

Cela m’a suivi toute ma vie, a poussé ma famille à me mettre au régime, à me faire consulter des nutritionnistes etc etc. Vous vous en doutez, les choses n’ont fait qu’empirer. Je suis une femme sportive, j’aime les activités de plein air, et je mangeais ce que l’on qualifie de « nourriture équilibrée ». Mais je faisais une taille 48, quand mes soeurs faisaient un 36 ou un 38.

Ce qui rend le surpoids si compliqué, ce n’est pas l’appétit. C’est la nourriture émotionnelle. On mange, de façon automatique, parce qu’on a peur, qu’on est triste, qu’on est contrarié, qu’on est stressé ou encore qu’on se sent coupable.

Et quand tout le monde passe son temps à vous faire remarquer votre surpoids, les émotions explosent. Il n'y a même plus besoin de mots. Ça peut être vous offrir des vêtements qui sont trop petits par exemple. Quand vous mangez, vous culpabilisez constamment. Et vous mangez encore pour faire passer la culpabilité.

En six mois de travail avec cette psychologue (que j’ai trouvé grâce au site du GROS), j’arrive désormais à ne plus considérer un aliment comme « bon » ou « mauvais » de base. Je mange ce que j’aime et ce dont j’ai envie. (Il m’a fallu du temps pour savoir ce que j’aimais réellement. Et c’est là que j’ai compris l’ampleur du problème). J’écoute mieux mon corps. Je l’accepte mieux. Donc je mange moins. Je culpabilise moins. Et c’est un cercle vertueux. Je ne sais pas combien de poids j’ai perdu, parce que je ne me pèse plus. Mais il m’a fallu racheter une nouvelle ceinture, j’étais arrivée au dernier cran de l’ancienne. Et surtout, manger n’est une angoisse que de façon très ponctuelle.

Je sais que votre ouvrage n’était pas à propos du surpoids. Mais aujourd’hui, cette soignante extrêmement bienveillante m’a permis de me sortir d’un cercle vicieux. Et j’ai l’impression que toute la société a encore beaucoup trop d’oeillères. Tout le monde ne me parle que de régime et de maigrir et de supprimer le fromage et le dessert.

Et j’aimerais tellement que la libération que je vis en ce moment puisse être vécue par d’autres personnes. Je ne connais pas votre histoire personnelle et si vous avez été confronté à cela ou pas. Mais si vous saviez à quel point il est douloureux d’être une femme en surpoids en France. A quel point j’ai souffert en silence.

Je vous l’écris parce que je me dis que vous arriverez peut être à faire passer le message, d’une manière ou d’une autre.

A. 

vendredi 14 mai 2021

Un livre personnel sur l'expérience des grossesses arrêtées - par Diane Léonor

 


 

Je m’appelle Diane, j’ai 35 ans et je suis l’autrice du livre « Deux corbeaux et une cigogne », publié aux Editions Michalon. 

Avant de faire des fausses couches, je ne pensais pas que cela pouvait m’arriver. Je savais, évidemment, ce qu’était une fausse couche mais je ne me sentais pas concernée. J’étais jeune, en bonne santé, enthousiaste et surtout très naïve. Disons-le clairement, j’étais, sur le sujet de la maternité, en-dehors de la réalité. 

Je me suis pris claques sur claques en faisant deux fausses couches consécutives. Et certaines m’ont été données par des soignants. Si elles m’ont sonnée dans un premier temps, elles m’ont aussi donné l’envie d’écrire sur un sujet encore trop tabou : les arrêts naturels de grossesse et leur accompagnement.  

L’envie était là. L’élan, je l’ai trouvé auprès de Martin Winckler qui m’a encouragée dans mon projet. 

 

L’annonce d’une grossesse arrêtée est toujours un moment violent. Parce qu’on ne s’y attend pas, voire pas du tout. Et même si on a des doutes, on plonge inévitablement dans un état de sidération. Face à nous, on a un médecin, qui a une salle d’attente remplie de patients et moins de trente minutes à nous accorder. Pour lui, c’est banal. Ça arrive à tellement de femmes. Une femme sur quatre, 200 000 femmes en France par an. Alors il nous propose un arrêt maladie et deux alternatives médicalisées : prendre un médicament abortif, dont il note le nom de son écriture illisible sur un ordonnance ou un curetage. Vous, vous êtes à côté de lui mais en réalité à dix mille lieux. Vous ne réalisez pas ce qui est en train de se passer. Vous comprenez à peine ce qu’on est en train de vous dire. Et c’est bien normal. 

Il y a quelques minutes à peine, vous pensiez mener votre grossesse à terme. 

 

Ce sentiment, je l’ai éprouvé. J’ai aussi rencontré ce type de soignants. Mais dans mon parcours, j’ai eu la chance de rencontrer une sage-femme qui a eu une attitude et un discours différent. Elle m’a écoutée attentivement, longuement et à plusieurs reprises. Elle A ACCEUILLI MES EMOTIONS SANS ME JUGER. Elle s’est rendue disponible toutes les fois où j’en avais besoin, particulièrement dans les moments critiques où j’étais complètement perdue. Elle m’a proposé de ne rien faire et d’attendre que mon corps de lui-même se sépare de cette grossesse. J’ai fait ma première fausse couche en vacances, en Islande, au milieu d’une nature à l’état sauvage. J’étais en paix avec ce que j’étais en train de vivre. Je connaissais les situations d’urgence, j’étais bien informée, j’avais CONFIANCE EN MOI ET EN MON CORPS. Et mon mari était à mes côtés. 

 

Depuis que je suis sur les réseaux sociaux (@gloriamamapodcast) et que j’ai lancé mon podcast, je me rends compte que la majorité des femmes ayant vécu des fausses couches n’ont malheureusement pas bénéficié du même accompagnement que le mien. Beaucoup d’entre elles ont été renvoyées chez elles avec un médicament abortif à prendre. On leur a dit qu’elles allaient avoir des grosses règles. Elle se sont senties seules, abandonnées, voire en danger et la majorité d’entre elles en sont sorties traumatisées. 

 

Ce livre, je l’ai aussi écrit pour que les femmes sachent qu’il n’y a pas que des solutions médicalisées concernant les arrêts naturels de grossesse. Tout comme l’accouchement, une fausse couche peut se vivre de manière PHYSIOLOGIQUE.  

Mon propos n’est pas de dire qu’une méthode (médicament / curetage / ne rien faire) est meilleure que l’autre. L’important est que les femmes aient le choix. Et pour ce faire, le rôle des soignants est de les INFORMER sur les avantages et les inconvénients de chaque méthode afin qu’elles puissent faire le CHOIX QUI LEUR CORRESPONDE. Puis de les ACCOMPAGNER DANS LEUR CHOIX, avant, pendant et après leur fausse couche. 

 

Ce livre, je l’ai aussi écrit pour que les soignants se rendent compte du vécu des femmes et des couples et de l’importance de leurs mots et de leur accompagnement. J’ai pour certains d’entre eux une immense reconnaissance. 

 

Soignants, vous qui lisez ces lignes, ne nous considérez pas comme un UTERUS QU’IL FAUT VIDER à tout prix LE PLUS RAPIDEMENT POSSIBLE, mais comme des femmes qui viennent de perdre leur bébé et cela quel que soit le stade de nos grossesses. Avant la technique, ce qui compte à mon sens, c’est un accompagnement émotionnel. 

 

Car comme le dit si bien Martin Winckler dans son ouvrage Les Brutes en blanc « pour soigner sans nuire, il est important avant tout d’avoir le souci de l’autre et de ce qu’il éprouve. » 

 

Diane Léonor 

 

Diane Léonor vit au Maroc où elle a écrit un premier livre « Deux corbeaux et une cigogne » aux éditions Michalon. Elle y raconte le vécu de fausses couches consécutives et l’accompagnement des soignants. Mais aussi le bonheur de la grossesse et d’un accouchement choisi. 

 

Pour aider les couples, elle a créé le site Gloria Mama où on retrouve les enjeux et les messages clefs de son histoire ainsi qu’un podcast du même nom. Florilège de témoignages de femmes du monde entier et d’interviews de professionnels, elle invite à s’interroger sur ce que les femmes souhaitent pour que leur grossesse et accouchement restent des moments uniques de leur vie, vécus de manière positive et respectés par le corps médical.