mercredi 29 juin 2016

Que pourrait-on enseigner d'autre en médecine ?



Beaucoup de sujets ne sont pas abordés pendant les études de médecine, ils seraient pourtant pertinents pour la pratique. Ces sujets sont parfois abordés ici et là, dans un cours, une faculté ou un enseignement, mais ils ne font pas partie du bagage délivré à tous les étudiants, dans tous les facultés. A mon sens, c’est très dommage.

Le fait qu’on aborde « un peu » l’un ou l’autre dans un cours est louable, mais il ne suffit pas, en soi. Les sujets énumérés ici devraient accompagner les étudiants à chaque étape de leur formation -  être abordés en théorie puis revus « en situation » - ou de manière réflexive, à l’occasion de situations vécues ou rencontrées.

Ainsi, les questionnements éthiques sur le consentement ne sont pas identiques selon qu’on est dans un stage d’obstétrique, de chirurgie ou de pédiatrie. Avoir reçu des bases théoriques au cours des années précédentes ne garantit pas qu’on pourra les appliquer. Pas plus que l’apprentissage théorique de l’anatomie de l’abdomen ne permet d’emblée d’aller opérer quelqu’un de l’appendicite.

Et donc, quelques thèmes en vrac (liste non exhaustive, qui mériterait d’être complétée ou nuancée).

·      Histoire et sociologie de la médecine des professions de santé : qui devient médecin ou sage-femme ou psychologue, et pourquoi ? En quoi l’origine sociale influe-t-elle sur le type de métier choisi et le type de pratique de chaque professionnel ?
·      Les déterminants sociaux de la santé : comment la pauvreté, l’analphabétisme ou l’illétrisme, l’exclusion interviennent dans l’apparition des maladies.
·      La santé sexuelle : quels sont les critères et variantes de la santé sexuelle ? Existe-t-il des « normes » médicales en terme d’orientation sexuelle, d’identité de genre, d’anatomie des organes sexuels, etc ?
·      La physiologie reproductive : existe-t-il des « normes » en terme de reproduction ? Et, sinon, quelles sont les variantes ?
·      La mort vue par le médecin, vue par le patient.
·      Comment examiner une personne en respectant sa pudeur et sans lui faire mal.
·      Comment demander le consentement d’un patient pour l’examiner et délivrer des soins même s’il le refuse.
·      Comment user de son imagination pour faire face à une demande inattendue ou à un refus de soin ou d’exploration.
·     L'absention thérapeutique, traitement à part entière. 
·     Les soins palliatifs au quotidien. 
·     L'effet placebo au quotidien. 
·     Comment respecter les croyances des patients pour les soigner sans s'énerver.  
·      Le bon sens en médecine.
·      Conférences sur la maladie par les patients qui la vivent
·      L’écoute des membres de la famille
·      Ecouter et coopérer avec les autres professionnel.le.s de santé
·      Le déni de réalité - du médecin, du patient.
·     Désir et dégoût en consultation. 
·      Rapports de pouvoir en médecine : entre médecins, entre administration et professionnels, entre professionnels et patients. Leurs conséquences sur la délivrance des soins.
·      Les droits des patients et l’attitude des médecins face à ces droits. Comment repérer les transgressions à la déontologie chez les autres et dans son propre comportement. La défense des droits des patients fait-elle partie des obligations des professionnels de santé ou relève-t-elle d’un choix individuel ?
·      Comment analyser une information (radiophonique, télévisée, dans une revue) et déterminer si elle est crédible ou sans implication pratique immédiate. Comment aider les patients à l’analyser.
·      La douleur – comment la soulager en fonction des organes et des pathologies concernées.
·      Evolution et biologie : pourquoi la physiologie et les pathologies des humains varient en fonction de la géographie, du climat, du bagage génétique, etc.
·     Anthropologie et géographie du soin : comment soigne-t-on ailleurs, et pourquoi ? Médecines traditionnelles, médecines "alternatives". 
·      L’empathie et l’altruisme chez les primates.
·      Cognition, perceptions et comportement : comment le fonctionnement du cerveau humain intervient-il dans les décisions quotidiennes – et par extension dans les décisions face à la maladie ?
·      Préjugés et biais cognitifs : comment ils influent sur les diagnostics et les décisions thérapeutiques.
·      La peur : comment elle influe sur le comportement des patients et sur celui des professionnels de santé.
·      Postures de caste et préjugés de classe dans la profession médicale.
·      Vérités scientifiques et dogmes invérifiables dans la pensée médicale occidentale. 
·      Faire face aux émotions des patients : l’anxiété, la peur, l’agressivité, le chagrin, l’abattement.
·      Annoncer des mauvaises nouvelles sans brutalité et en accompagnant les patients.
·      Le temps dans les décisions médicales : faire la part entre ce qui est urgent, et ce ne l’est pas. Les inconvénients de la hâte, les vertus de l’attente.
·      L’impatience du médecin : origines, formes cliniques, symptômes, complications, traitement.
·      Pressions, chantages et négociations : comment identifier une tentative de manipulation – de la part du patient et de la part du médecin ; mais aussi de la part des politiques et des marchands.
·      « Tout le monde ment » (Confidentialité et secret) : comment soigner sans savoir « toute » la vérité ; comment respecter le silence ou garder le secret pour protéger les patients ; comment ne jamais utiliser les secrets contre les patients.
·      Communication, 1 : comment recevoir les informations des patients et les utiliser ; comment leur en donner de manière appropriée (et respectueuse).
·      Communication, 2 : méthodes employées (par les industriels, par les Etats) pour influer sur la demande et la délivrance de produits de santé.
·      Ethique clinique : comment se comporter avec les patients et les autres professionnels pour instaurer des conditions de travail propices au soin et à la coopération.
·      Groupes de pratique/groupes Balint : comment mettre en place des groupes de professionnels permettant échanges et partages d’expériences en vue d’améliorer les pratiques individuelles et collectives.
·      Les autres professions de santé : en quoi consistent les professions d’aide-soignant/e, d’infirmier/e, de sage-femme, d’orthophoniste, de psychologue, de kinésithérapeute, de psychomotricien... 
·      Savoir demander de l’aide – à un.e aîné.e, à un.e collègue, à un.e professionnel.le extérieur.e.
·      Critères personnels de choix d’un mode d’exercice : l’argent fera-t-il mon bonheur de praticien.ne ?
·      Réflexions sur l’image du soignant : au cinéma, à la télévision (dans les documentaires et les fictions), dans les discours de patients.
·      Comment tenir un dossier médical fiable, loyal, qu’on puisse transmettre au patient et qui soit utilisable par lui et les autres professionnels de son choix.
·      Ce que les artistes nous disent de la santé, de la maladie, des patients et des soignants
·      Comment préserver son énergie et éviter le burn-out
·      ….
  
Toutes les suggestions ou informations d'expériences d'enseignement similaires en cours sont les bienvenues, je les rajouterai à la liste.

MW/MZ (ecoledessoignants@gmail.com)

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Bonjour, 
Merci infiniment pour votre blog que je suis et que je retransmet très souvent à mes collègues et a mes internes…

Je rajouterais à votre liste:
- l’instinct et le « gut feeling » en médecine;
- fierté, surconfiance et leurs risques ; 
- la médecine, et le soin en général, comme un acte politique fort (non pas au sens contemporain du terme « politique » mais au sens plus aristotélicien de sa présence centrale dans la polis, ou plus récemment au sens que donne Hannah Arendt, dans « Qu’est ce que la politique », de la politique non comme gestion de l’Homme mais prise en considération de l’espace entre les hommes…

Peut-être d’autres idées à venir!

bien amicalement


Christophe F., praticien hospitalier 



jeudi 23 juin 2016

Patients et soignants : qui souffre et qui fait souffrir ?

Sur un réseau social, un patient se plaint violemment du comportement d'un médecin. 

Des médecins twitteurs réagissent vivement contre cette violence verbale, déclarent qu'elle est inacceptable. 


D'autres personnes (médecins, non-médecins) réagissent à leur tour en disant que cette violence est probablement réactionnelle (A quoi ? Nul n'en sait rien). Elle ne s'adresse pas aux médecins qui la lisent. (Elle ne les concerne pas directement.) 


Les médecins choqués répliquent qu'ils font l'objet, quotidiennement, de violences verbales et parfois de gestes ou de menaces physiques de la part de certains patients. Cette expression de violence sur les réseaux sociaux leur semble entretenir une violence plus large. Pour eux, la "justifier" (en ne la condamnant pas, ou en la considérant comme "audible"), c'est l'entretenir. 

Les arguments fusent des deux côtés. Et une fois qu'ils ont été échangés, on ne peut guère aller plus loin. Chaque camp reste sur ses positions. 

Une fois que la poussière retombe, qu'est-ce qui en reste ? 


Voici les réflexions que ces échanges houleux ont déclenché pour moi.  J'invite les lecteurs/trices éventuel.le.s à apporter leurs propres réflexions. Soit dans la zone de commentaires, soit sous forme d'un article : les contributions envoyées à l'adresse du blog (ecoledessoignants/at/gmail.com) seront publiées. 




***

Souffrances de part et d'autre


Les patients souffrent. Comme leur nom l'indique. Ils souffrent d'être malades, mais aussi de leurs conditions de vie, de la situation économique et parfois du comportement de certains soignants, de certaines institutions. 


Beaucoup de professionnels de santé souffrent. C'est tout aussi indéniable. Ils souffrent en particulier d'être pris entre deux feux : d'une part, leur métier comporte son lot de pressions, souvent intolérables : le suicide est fréquent dans les professions de santé, plus que dans la population générale ; le burn-out et la dépression extrêmement répandus. D'autre part, les pressions sont vives de la part du système, qu'on exerce en institution ou en libéral. Et dans un pays où la seule solution aux coûts de la santé consiste à pratiquer des coupes, tout le monde est susceptible de morfler. 


Enfin, les soignants souffrent par ricochet de la souffrance institutionnelle (ou d'Etat) que subissent les patients. Un patient au chômage, harcelé moralement ou  criblé de dettes, par exemple, a beaucoup de motifs d' être désagréable ou agressif avec un professionnel de santé. Non que le professionnel en question y soit pour quelque chose, mais parce qu'il est dans une position paradoxale : il est censé soulager le patient, mais il doit parfois le faire dans des conditions impossibles. Et il est en première ligne. Alors, c'est lui (ou elle) qui prend. 


Et là encore, les deux côtés campent sur leurs positions : 


Les exigences des patients semblent démesurées au professionnel qui manque de moyens. 


L'impuissance ou la fatigue du soignant sont perçues comme un rejet par le patient qui s'adresse à lui de bonne foi. 


Et quand l'incompréhension mutuelle est si grande, les conflits sont inévitables. 

Il y a donc de la souffrance de part et d'autre et chacune des deux ignore l'autre. 



*
Il y a cependant des différences, et il est important de les rappeler : 

- le patient n'a pas choisi d'être malade ; il le subit, comme il subit le reste de ses conditions de vie ; et l'appel qu'il fait au soignant vise au moins à atténuer la situation de maladie ; à l'égard des professionnels de santé, il n'a pas d'obligations particulières pas plus qu'à l'égard des enseignants, de la police ou des fonctionnaires de La Poste. 


Un patient n'est pas obligé de faire confiance à un médecin. La confiance, ça se mérite. Et tous les médecins savent que les patients les testent un certain temps avant de la leur accorder. 

Enfin, la "politesse" ou la "courtoisie" sont des choses toutes relatives, fixées par des critères de classe dans un pays donné ; et variables en fonction du milieu socio-économique et bien sûr de l'origine culturelle de la personne. Alors s'il est impossible de définir une "norme" de la courtoisie dans la population générale, ça l'est tout autant quand il s'agit d'un patient face à un médecin. 

Cela dit, l'immense majorité des patients sont gentils et courtois avec les médecins et leur font confiance. Quand les patients sont désagréables, c'est inconfortable, voire insupportable pour les professionnels mais ça n'est pas une infraction à un code ou à des lois, c'est une attitude personnelle. 

- le professionnel de santé a choisi son métier ; en tant que tel, il a des obligations (morales, déontologiques, légales). Et l'une de ses obligations, est d'être bienveillant et respectueux envers tous les patients. 


Il est bon de rappeler que les professionnels de santé sont a priori au service du patient. Ils ne leur font pas une faveur en s'occupant d'eux. Ils font leur travail. Pour un professionnel de santé, la bienveillance n'est pas optionnelle. Elle n'est pas une convention sociale, mais fait partie de ses obligations. Etre bienveillant, ça fait partie du boulot. 


Ca ne veut pas dire qu'il doit tout encaisser sans rien dire, bien entendu. Face à un patient désagréable ou agressif, le professionnel est en droit de dire qu'il ne peut pas travailler dans ces conditions et de demander qu'il se calme. S'il ne le fait pas, il est aussi en droit de lui dire : "Je ne peux pas m'occuper de vous si vous êtes dans cet état." 

Professionnellement parlant, c'est même mieux de dire calmement à un patient que s'il est trop énervé, on ne peut pas l'aider : la communication étant impossible, le soin l'est aussi. Souvent, les choses se calment. Quand on prend le temps de les laisser se calmer. 

Le calme d'un soignant calme le patient. La colère accentue leur agressivité. C'est de la psychologie élémentaire. Malheureusement, on n'enseigne pas aux médecins la manière de désamorcer l'agressivité d'un patient. On devrait. On le fait dans d'autres pays, et ça profite à tout le monde. 

En dehors de son interaction directe avec un patient, il me semble qu'il n'est pas du ressort d'un professionnel de porter des jugements es-qualités sur l'expression des patients. 


Quand on dit qu'un patient qui twitte ses doléances "outrepasse ses droits de patient" par exemple, ou qu'il "agresse le corps médical", que dit-on exactement ? 

Que certaines paroles ne devraient pas pouvoir être dites publiquement quand elles désignent certains corps professionnels ? 
Le corps médical (et j'aimerais qu'on me dise ce que c'est, tant il est hétérogène) mérite-t-il plus d'égard que les avocats, les instituteurs ou les agents de la force publique ? Ou les épiciers ? Ou les coiffeurs ? 

Les droits d'un patient et les limites de ces droits sont circonscrits au cadre de la relation de soin. En dehors d'elle, chaque citoyen a les mêmes droits. A priori, en dehors de l'attaque ad hominem et de la diffamation ou des propos haineux ou visés par la loi, la liberté d'expression est assurée pour tous, même pour un patient qui vitupère à l'égard de professionnels de santé. Demander que cette liberté d'expression soit limitée pose de furieux problèmes éthiques et légaux.


Pour la loi, les positions respectives du patient et du professionnel ne sont pas identiques. Ni même symétriques. 

Beaucoup de professionnels de santé (pas tous, hélas) ont pu choisir s'installer, quoi et comment soigner. Aucun médecin, par exemple, ne dépend des patients : il peut presque tout le temps les sélectionner, les choisir, en écarter certains. (Même si en principe, la loi interdit la discrimination). 


Cette indépendance est même inscrite dans le Code de déontologie des médecins. Et les médecins disposent de prérogatives très importantes quand il s'agit d'exercer leur profession. Si importantes que pendant longtemps, l'exercice de la médecine était aussi le règne des abus de pouvoir. Depuis 50 ans, des lois ont été rédigées pour limiter ces abus. C'est tout le sens du code de déontologie, dont la deuxième partie s'intitule : "Devoirs envers les patients". C'est aussi le sens de la loi Kouchner de 2002. 


Le patient, en revanche, est dépendant de beaucoup de monde, et à beaucoup d'égards : il ne peut pas toujours choisir son médecin (pour des raisons démographiques ou de spécialisation) et il a fallu voter une loi pour lui permettre d'exercer sa liberté de refuser des traitements, par exemple. Cette loi malheureusement ne suffit pas, car pour la faire respecter, il faudrait que tout le système de santé (du haut en bas) la respecte, sur tout le territoire. Ce n'est pas le cas. 


D'un côté, une loi qui restreint les abus de pouvoir des médecins. De l'autre, une loi qui permet l'exercice de la liberté des patients. L'asymétrie des positions respectives n'est donc pas seulement une vue de l'esprit. C'est une réalité inscrite dans le Code de la Santé Publique. En être conscient est essentiel. Ne pas voir cette asymétrie, la nier ou la tenir pour négligeable, c'est certes plus confortable, mais ça interdit toute réflexion sur les dynamiques et les rapports de force en jeu.  



Souffrance des patients et souffrance des soignants sont deux problèmes distincts  


La souffrance des patients est liée d'abord à la maladie et à leurs conditions de vie ou de travail, ensuite parfois à certains professionnels, à certaines institutions de soins. Les professionnels font ce qu'ils peuvent. (Au moins pour "ne pas nuire".)


La souffrance des soignants est provoquée d'abord et avant tout par les institutions, dès l'école (de médecine, d'infirmières/iers, de sages-femmes) jusqu'aux administrations de l'Etat, en passant par les établissements de soin. De manière occasionnelle, les professionnels subissent aussi les éclats des patients. Et ce sont toujours les mêmes soignants qui les subissent, comme on le verra plus loin. 


Il n'est pas possible de comparer ces deux situations de souffrance ; pas plus qu'on ne peut comparer la souffrance des manifestants matraqués à celle, réelle, de certains membres des forces de police. (1) Les deux souffrances existent. C'est tout ce qu'on peut dire. Et elles doivent être envisagées séparément, et non comme deux souffrances qui s'opposent. 



Les patients sont-ils responsables de la souffrance des soignants ? 


S'ils ne sont ni agressifs ni insultants, non. Ils sont soumis aux mêmes lois, aux mêmes contraintes (et souvent à des contraintes pires). Et en plus, ils consultent parce qu'ils sont obligés, pas par plaisir ou pour mettre exprès les médecins en échec avec des problèmes insolubles. 


Est-ce que la violence des patients à l'encontre des professionnels est fréquente ? Impossible de le dire : il n'y a pas d'enquête là-dessus à ma connaissance (si vous en connaissez, s'il vous plaît, communiquez-moi les références, je les publierai). Ce serait pourtant utile d'en analyser les circonstances, pour les comprendre et les prévenir. 

Les professionnels sont-ils responsables de la souffrance des patients ? 


Quand cette souffrance est due à la maladie, aux conditions de vie ou aux institutions, bien sûr que non. 

Quand elle est due au système de santé ou à ses professionnels, tout soignant est concerné. De près ou de loin. Je ne parle pas ici de culpabilité, mais de responsabilité. Quand un individu est membre d'une profession de santé, tout ce que fait cette profession le concerne. Et il doit, à mon avis, se sentir impliqué dans ce que font ses collèges. S'il se réjouit des succès et des accomplissements, il doit se révolter devant les ratages. Et s'il ne prend pas position clairement pour condamner les méfaits d'un confrère, cette confraternité complaisante sera toujours perçue comme de la collusion par les patients. Comment peut-il s'attendre, alors, à ce que les patients aient confiance en lui ou dans la profession ? 

Dans un conflit entre patient et soignant, la parole du patient devrait être prise en compte au même titre que celle du professionnel. Et avoir le même poids. 

Or, dans les faits, parce que nous vivons dans une société hiérarchisée, c'est loin de se passer comme ça. La paroles des patients est souvent mise en question dès l'énoncé de leur maladie ou de leurs plaintes. Alors, quand ils invoquent la maltraitance, elle l'est encore moins. 


Comment alors, les soignants eux-mêmes pourraient-ils attendre que les patients prennent en compte leur souffrance ? Les patients n'ont pas pour vocation de soigner les soignants. Et s'ils ont le sentiment de n'être pas entendus par beaucoup de soignants, pourquoi les entendraient-ils en retour ? 


Patients et soignants souffrent-ils tous de la même manière ? 

Non, je ne vais pas comparer les deux types de souffrance l'une à l'autre... 

Je veux souligner ceci : 

Tous les patients ne sont pas égaux devant la maladie  : les déterminants socio-économiques et culturels ont un poids immense dans la santé d'un individu. Les riches ont accès à plus de possibilités de se soigner, et à des soins de meilleure qualité que les pauvres. Ils ont les moyens d'être courtois et de bonne humeur avec leurs médecins. 


Tous les soignants ne sont pas égaux non plus dans la hiérarchie sociale. Ceux qui caracolent au sommet de la hiérarchie non seulement ne souffrent pas (de burn-out, de harcèlement, de conditions de travail insensées), mais ils sont souvent en position de décider et, parfois, de faire souffrir tout le monde : les patients et les autres soignants. 

Parce qu'ils sont en position de pouvoir.
Les soignants de terrain sont à l'autre bout de l'échelle. Ils dépendent des spécialistes, des hôpitaux, de la sécu, de tout le monde. 

Et là, une question toute simple se pose : qui sont les véritables adversaires des soignants de terrain ? De qui devraient-ils être les alliés ? 

Un conflit qui empêche de lutter contre les véritables causes

A l'heure actuelle, les patients reprochent aux soignants de terrain (qui sont en position de les écouter) les souffrances que d'autres leur ont fait subir. Et qu'ils n'ont pas pu dénoncer. 
Quand les professionnels sont hésitants à les croire, parce qu'ils se sentent impuissants ou submergés, les patients prennent ces hésitations comme une fin de non-recevoir et une forme de collusion. Et dans le même temps, les soignants de terrain reprochent aux patients de ne pas tenir compte de leurs conditions de travail. 

Cette incompréhension mutuelle alimente les conflits (verbaux, sinon physique) et empêche les deux camps de s'unir et d'oeuvrer ensemble contre la cause commune de ces inégalités et de ces souffrances : un système élitiste, qui dessert la majorité des citoyens et exploite la majorité des professionnels de santé. 


Un système qui ne fait que reproduire, de manière aiguë, l'élitisme et les inégalités de la société française dans son ensemble. 


Le temps est-il enfin venu, pour les soignants qui en ont assez d'être exploités, de s'allier aux patients qu'on maltraite ? 

Marc Zaffran/Martin Winckler 


-------------------------(1) Si cette analogie vous déplaît, elle n'en est pas moins valide : dans les deux cas, il s'agit d'opposer les citoyens aux membres d'une institution destinée à servir les citoyens. La différence, c'est que beaucoup de médecins sont des libéraux et ont le sentiment de ne pas faire partie d'une institution. Ils font pourtant partie du système de soin, qui travaille à servir le public, comme la police, l'armée, l'éducation nationale ou la fonction publique dans son ensemble. Cette ambivalence entretient la confusion chez tout le monde : les patients voient les médecins comme des membres du service public, les médecins se voient comme des individus autonomes. 



dimanche 19 juin 2016

Ne pas croire ce que disent les patient.e.s est une attitude antiscientifique et contraire à l'éthique. C'est aussi une posture de classe.


Une internaute écrit : « Comment reconnaître les malades qui mentent de ceux qui sous-estiment leurs symptômes ? Apparemment, c’est un dilemme pour le corps médical… J’ai souffert de troubles cardiaques pendant des années avant qu’on ne me prenne au sérieux. »

Une autre me confie : « Je suis médecin, et parce que je suis médecin on m’a cataloguée comme hypocondriaque pendant des années avant de reconnaître que j’avais une endométriose. »

Une autre me raconte que lorsqu'elle s'est présentée à l'échographie demandée par son médecin pour une douleur très violente de l'abdomen, l'échographiste a dit : "Alors, vous nous faites du cinéma ?" Elle avait une péritonite aiguë. 

Il y a aussi cette vidéo d'une jeune femme souffrant de maladie d'Ehlers-Danlos, et qui parle très bien de ce que lui ont fait subir les médecins qui ne la croyaient pas. 

En France (et c’est très spécifique de ce pays), l’un des messages « subliminaux » les plus transmis aux étudiants en faculté de médecine est : « Surtout, faut pas croire tout ce que disent les patients. »

Cette injonction a des conséquences redoutables : si le médecin ne peut pas croire tout ce que dit un patient, que doit-il croire, alors ? La réponse, on la lui donne sous la forme de grilles diagnostiques : si les symptômes évoqués par le patient entrent dans les cases, alors on peut le croire. S’ils n’y entrent pas (ou s’ils ne semblent pas appartenir au diagnostic auquel le médecin croit le plus) alors, il ne faut pas le croire.

C’est aussi inepte et aussi terrible que ça. Et c’est d’autant plus terrible que cet apprentissage est subliminal, transmis par l’attitude, la contiguïté, l’émulation, et non dans les cours. C’est ce que les Anglo-Saxons nomment « the hidden curriculum » : l’enseignement par sous-entendus.

Je me souviens d’avoir fait des diagnostics de migraine et d’hyperthyroïdie chez des hommes, des diagnostics de cancer du rein et d’angine de poitrine chez des femmes, et avoir entendu mes correspondants s’étonner que j’aie évoqué « ces diagnostics-là chez chez gens-là ». Pourquoi ? Parce que j’avais identifié chez des patients d’un sexe des maladies qu’on voit beaucoup plus souvent chez les patients de l’autre sexe. 

Cela m’avait surpris : en quoi le sexe ou le genre devraient-ils orienter (ou en l’occurrence dés-orienter) mon diagnostic ?

Je me souviens aussi avoir fait à de nombreuses reprises (je l'ai raconte dans  La Revue Prescrire[1]) des diagnostics de hernies abdominales minuscules mais responsables de douleurs aussi intenses que fugaces, que d’autres médecins avaient attribuées… au stress, à l’anxiété, au « psychisme ». Le diagnostic était confirmé par l’intervention – et les patients et moi avions de la chance : il y avait dans l’hôpital un chirurgien qui savait qu’une hernie abdominale  peut être minuscule et faire un mal de chien, et qu’il faut parfois beaucoup de patience pour mettre (littéralement) le doigt dessus. Alors quand je lui envoyais un(e) patient(e) en évoquant ce diagnostic, il me prenait au sérieux.

Et s’il me prenait au sérieux, c’est parce que j’avais, d’abord, pris le patient au sérieux.

Et j’en viens au fait. Il n’est pas acceptable de fonder la relation de soin sur la méfiance et le soupçon. Penser « Ce patient me raconte peut être des histoires » ou « C’est dans sa tête » est, tout simplement, incompatible avec le soin.

1° Le point de vue éthique

Ne pas croire le patient (ou choisir de le croire en fonction de notre humeur, de nos opinions, de nos préjugés), c’est poser d’emblée que le médecin sait mieux que lui ce qu’il ressent, et si c’est vrai ou non. Or, la relation de soin est en principe fondée sur la confiance réciproque. La confiance du patient est souvent immédiate : il s’adresse au médecin en confiance. Sinon il irait voir quelqu’un d’autre.
En retour, de la part du médecin, attendre du patient qu’il avance des symptômes « convaincants », c’est de la méfiance et, pire, de la discrimination. Car ce qui pousse à croire certaines personnes plus immédiatement que d’autres repose le plus souvent sur des préjugés. De genre, de classe, de culture, de valeurs.

Or, ce que ressent une personne n’est pas réfutable. On peut discuter de ses croyances ou de ses demandes, on ne peut pas réfuter les perceptions qu’il ou elle a de son corps. On peut parfois dire que ces perceptions ne sont pas dues à une maladie en évolution (les brûlures d’estomac ne sont pas toujours dues à un ulcère) mais on n’a pas le droit de dire qu’elles n’existent pas : elles existent, puisqu’il les éprouve.

Considérer les perceptions d’un(e) patient(e) comme suspectes (ou inexistantes), c’est donc une posture de jugement, et non une posture de soin. 

(Dans "Les brutes en blanc - La maltraitance médicale en France", à paraître en octobre 2016 chez Flammarion, je montre que cette attitude est aussi furieusement sexiste.)

Du point de vue éthique, il me semble moins grave de se tromper avec le patient (parce qu’on l’a cru) que d’avoir raison contre lui (en ayant refusé de le croire).

Or, tout médecin a une obligation de moyen. Cette obligation nécessite qu’il mette tout en œuvre pour (au moins) servir le patient, et parmi ces moyens, il y a d’abord la propre personne du médecin ! (Le premier médicament du médecin, c’est le médecin lui-même, écrivait Michael Balint.)
L’examen clinique, la recherche d’informations, les examens complémentaires sont des outils importants. Mais l’échange avec le patient, un échange loyal, en confiance est primordial. Il conditionne tout ce qui va suivre.
Même s’il ne peut pas tout résoudre, la fonction d’un médecin devrait être, in fine, de soigner. Et soigner, ça n’est pas seulement « guérir ». Comme le dit l’aphorisme : « Guérir parfois, soulager souvent, consoler toujours. »

2° Le point de vue scientifique

Ce que raconte le patient peut ne pas figurer dans les « cases » du médecin qui le reçoit ; ça ne veut pas dire que ça n’existe pas. Ça peut simplement vouloir dire qu’il n’a pas la formation ou l’expérience qui lui permettraient de les comprendre. En médecine, c’est toujours le cas, en raison de la propension à sectoriser, fragmenter, surspécialiser la pensée. On ne peut pas tout savoir.
Par conséquent, manifester de la méfiance ou de l’incrédulité devant le symptôme décrit par un patient, c’est une attitude antiscientifique similaire à celle qui, de la part d’un ichtyologiste, consisterait à dire : « Quoi ? Un poisson qui change de sexe en fonction de l’environnement ? C’est pas possible, ça n’existe pas ! »
Eh bien si, ça existe. Nemo fait partie de ces poissons-là. 

La seule attitude scientifique de la part d’un médecin devant un symptôme « inhabituel » ou « atypique », devrait être l’intérêt, la curiosité, le désir de comprendre, l’envie d’explorer. C’était mon attitude quand je voyais des patients venir plusieurs fois pour ces douleurs abdominales qu’aucune radio ou échographie n’avait élucidées.
Et j’ai utilisé ma tête : je me suis dit « Qu’est-ce qui peut faire mal, dans l’abdomen ? » Et au bout d’un moment j’ai pensé : "Il n’y a pas que ce qu’il y a dedans ! Il y a aussi ce qui le délimite."

(NB pour celles et ceux que les "j'ai pensé" agacent : ces dernières phrases ne sont pas destinées à appeler des exclamations admiratives, mais à suggérer que la réflexion en médecine ne nécessite aucun génie, elle consiste à utiliser son bon sens de manière systématique.)  

Idem pour les douleurs thoraciques des sujets jeunes. Il n’y a pas que le cœur qui fait mal. Les muscles intercostaux, les douleurs projetées des dérangements intervertébraux mineurs font un mal de chien, eux aussi. Et la normalité de l'ECG ne veut pas dire que le patient est un simulateur ou un hypocondriaque. Il y a très peu de vrais hypocondriaques. En revanche, des gens qui souffrent et qui ont peur, il y en a beaucoup. Même s'ils n'ont rien de grave. Mais comment pourraient-ils savoir qu'ils n'ont rien de grave : ils ne sont pas médecins, eux !!! 

L’une des choses les plus importantes dans la pratique de tout médecin est l'une de celles qu'on enseigne le moins : l’analyse d’une douleur. 

Une douleur, ça n’est jamais univoque ou simple. La douleur est toujours une production du cerveau et, en tant que telle, c’est une indication imparfaite pour le patient – et pour le médecin. 

L’intensité d’une douleur et sa localisation peuvent être tout à fait trompeuses : une sciatique peut provoquer une douleur du gros orteil sans aucune sensation dans le bas du dos ; une colique néphrétique peut se manifester par une douleur isolée du testicule ; une appendicite peut être prise pour la perforation d’un ulcère gastrique. 

Guérir, parfois. Soulager, souvent.

Deux de mes amis, spécialisés dans le traitement de la douleur, m’ont dit combien il est pénible de voir débarquer à leur consultation spécialisée des patients qui auraient pu être soulagés par des traitements simples, car leur problème était simple, mais n’avait tout simplement pas été pris en compte de manière rationnelle.

Bref, pour comprendre un symptôme, il est indispensable de savoir penser « hors des cases ». Mais d’abord, ces cases, il faut les avoir explorées !!! C’est à dire s’être comporté en homme de science, et pas en idéologue paresseux !

Et pour ça, évidemment, il faut d’abord avoir cru le patient.

3° Le point de vue politique et déontologique

L’enseignement de la médecine en France ne remet pas vraiment en perspective les déterminants socio-économiques de la santé - à savoir qu'on n’est pas malade par hasard : qu’il s’agisse d’obésité, de cancer, de diabète ou d’alcoolisme, le milieu d’origine, les conditions de vie et l’environnement socio-professionnel y ont une part majeure, contrairement au préjugé selon lequel « les patients sont malades parce qu’ils ne font pas ce qu’ils doivent faire. » 

Ce préjugé, fort répandu, est un préjugé de classe. Et le monde médical français en est imprégné.

Car, même si les médecins ne sont pas tous (quoique majoritairement) issus de classes favorisées, ils se retrouvent de fait dans un milieu favorisé, où ils ont accès à des soins auxquels peu de gens ont accès.

Une étudiante en médecine a la possibilité d’éviter une grossesse non désirée, de faire suivre une grossesse à risque ou de se faire avorter dans de meilleures conditions qu’une caissière de supermarché. Un étudiant en médecine pourra faire soigner ses chlamydiae, sa gonococcie ou sa biture de weekend plus facilement qu’un ouvrier d’usine. Ce n’est pas une accusation, ni un reproche, c’est un fait.

Et les inégalités entre les étudiantEs et les étudiants sont, déjà, criantes : une étudiante ou une interne enceinte ne peut pas faire valider son stage si elle accouche pendant son déroulement. Il y a déjà deux classes parmi les étudiants en médecine : les femmes et les hommes ne sont pas traités (ni crus, voir les exemples ci-dessus) de la même manière. 

Oublier ces réalités, et projeter ses propres valeurs (en matière d’arrêt de travail, par exemple) sur les patients, c’est inacceptable : les conditions de vie des patients sont rarement superposables à celles qu’ont connues les médecins. Le seul critère, en l’occurrence, c’est donc ce que le patient dit de sa vie. Il n’est donc pas seulement indispensable de le croire pour des raisons morales, c’est aussi essentiel d’un point de vue strictement médical.

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En France toujours, la formation médicale est fondée sur le mépris des autres professionnels de santé. Il ne faut donc pas s’étonner que les présidents de syndicats de gynécologues s’offusquent que les sages-femmes puissent prescrire des arrêts de travail aux femmes qui font une IVG médicamenteuse. Qu’un représentant syndical puisse écrire : « (…) la prescription (par les sages-femmes), d’un arrêt de travail renouvelable une fois, apparaît comme les prémices d’une médecine pleinement exercée par une profession qui ne l’a jamais apprise, avec les risques que cela comporte pour les patientes. », c’est une posture de classe et de mépris. 

Pour le code de déontologie, les médecins ont pour mission de soigner tout le monde, sans discrimination. Ils sont aussi censés respecter l’indépendance professionnelle des autres professionnels de santé.

Quand un médecin ne respecte ces principes, c’est donc non seulement une posture de classe, mais aussi une manière de dire que les lois ne s’appliquent pas à lui : « Je fais partie d’une aristocratie. Moi seul décide ce que sont mes obligations. »


4° Le point de vue pratique et soignant

Il arrive, rarement, qu’un médecin ait affaire à un simulateur ou à un patient qui délire. C’est toujours très pénible, mais c’est extrêmement rare en médecine générale et en spécialité de ville. Voir des simulateurs partout après en avoir vu un(e), c'est un biais cognitif, et non une réalité. 

Et certes, on doit traiter sans hésiter un patient délirant lorsque son délire est manifeste (il entend des voix ou a vu la vierge ou pense que son voisin veut le tuer).
Mais ça ne justifie pas de désigner comme « délirant » tout patient dont on ne comprend pas les symptômes.

L’immense majorité des patients qui consultent disent précisément ce qu’ils ressentent, parce qu’ils veulent que ça cesse. Ils n’ont aucune envie d’être fourrés chez le médecin tous les quatre matins ; ce qu’ils veulent, c’est se passer du médecin. 

L’objectif d’un médecin devrait donc être de chercher avec eux le meilleur moyen de faire en sorte qu’ils n’aient plus besoin de lui. Et, pour cela, encore une fois, il faut que le médecin croie le patient qui s’assied en face de lui.

Je me souviens avoir entendu des confrères hurler parce que je prescrivais la pilule à toutes les adolescentes qui me la demandaient pour calmer leurs douleurs de règles. On me disait "Elles te manipulent ! En fait, elles veulent baiser sans risque !" Et je répondais : "Eh bien alors, elles ont tout autant de raisons de me la demander." Plus tard, je me suis rendu compte que, comme la plupart des médecins, on m'avait sous-éduqué en matière d'endométriose, et que j'avais eu raison de ne jamais considérer que "souffrir pendant ses règles, c'est normal !" 

Alors le meilleur moyen de ne pas voir revenir sans arrêt les patients qui présentent des plaintes « incompréhensibles », c’est de les élucider ! C’est seulement après avoir pris la plainte dans tous les sens (y compris ceux qui ne sont pas martelés à la faculté) qu’on pourra, de temps à autre, envisager que cette plainte est seulement « dans la tête ».

Et quand bien même serait-il certain que la plainte existe seulement « dans la tête » que le travail du médecin ne serait pas terminé : tout simplement parce que dans le fond, toutes les souffrances sont dans la tête : c’est notre cerveau qui nous dit que nous souffrons.

Les amputés qui souffrent de douleurs dans leur « membre fantôme » ne délirent pas. Ils souffrent. Les patients qui souffrent de douleurs inexpliquées doivent, eux aussi, être si possible soulagés et toujours écoutés. Car écouter, c’est signifier à l’autre « Je suis là, je suis avec vous, je vous crois. » 

Ce n’est pas une « posture », c’est la seule attitude moralement acceptable pour un professionnel de santé, celle qui permet d’apporter au moins réconfort et consolation.

Soulager, souvent. Consoler, toujours.

Marc Zaffran/Martin Winckler








[1] Marc Zaffran, « Douleurs abdominales : il faut aussi savoir palper superficiellement », La revue Prescrire, 1985, n°47