Nous sommes en 2015 et je suis
remontée comme une horloge.
Tout a commencé un dimanche soir
avec le texto d’une amie « le stérilet ça rend pas stérile ? ».
Reprenons depuis le début. Non ça
ne rend pas stérile si le gynéco fait correctement son travail. Non ça ne rend
pas stérile si tu ne le plantes pas dans un terrain infecté. Non ça ne rend pas
stérile et il en existe même de tout petits pour ne pas traumatiser ton
innocent utérus de nullipare. Il existe des sites internet pour t’aider à
choisir ta contraception…
Si cette amie, diplômée après 5
ans d’études supérieures et ayant un accès libre à internet me demande mon avis
sur la question (pas que je sois contre le donner bien entendu) alors qu’en
est-il des filles à qui on ne parle pas de leurs corps ni de leurs
droits ? Qui ne savent pas à qui s’adresser ni comment ?
J’ai douze ans. Ma maman, qui
s’en fout un peu du féminisme, m’emmène chez un gentil monsieur aux lunettes
rondes et au crâne chauve. Elle me laisse avec lui. Et là… Ce Monsieur,
gynécologue de profession, pendant une heure va m’expliquer tout de mon corps.
Il m’a même laissé une BD sur les différents moyens de contraception et qui
aborde aussi la question de l’avortement. Merci cher monsieur dont j’ai oublié
le nom de m’avoir donné ce que j’ai de plus précieux dans ma vie :
l’information. Impossible de remettre la main sur cette précieuse BD qui, à mon
sens, devrait être disponible dans toutes les salles d’attentes de France.
Si ma mère avait fait du sexe un
tabou, aurais-je osé aller me renseigner sans craindre un quelconque
châtiment ? Ma mère a fait de moi une féministe malgré elle, en
m’apprenant dès mon plus jeune âge que mon corps m’appartenait et que j’étais
libre. Libre de lui poser des questions (à ma mère, pas à mon corps !) de
m’informer, de réfléchir, de choisir.
Je suis remontée comme une
horloge.
Tout le monde n’a pas eu ma
chance et devant la montagne de préjugés à démolir, parfois je perds courage.
La contraception, le rose bonbon, les qualités féminines, les réflexions
déplacées au travail…
Tiens, parlons-en du
travail ! Entendu dans la vraie vie a propos de la patronne de
Yahoo : « mais elle est pas jolie en plus ! ». Je veux bien
être moche comme elle si c’est le prix à payer pour accomplir ce qu’elle a
fait. En attendant, pas assez de crèches collectives dans les entreprises ni de
réunion à des horaires décents pour éviter aux femmes (à qui on laisse encore
trop souvent de fait la responsabilité des enfants) d’avoir à faire un choix
sous la contrainte.
Les préjugés partout qu’il faut
dévisser un par un. Recommencer encore et toujours. Je me décourage souvent en
me disant que cela ne sert à rien. Parfois, j’ai envie de tout lâcher, de me
dire que rien ne va changer.
Mon téléphone vibre. T*** me
répond (quant à son stérilet, si vous avez bien suivi ce que je raconte) :
« je vais en parler à mon gynéco » (qui d’ailleurs le lui a posé sans
sourciller). Alors je me dis que tout n’est pas perdu, qu’à mon échelle j’ai
fait avancer le droit des femmes à disposer de leur corps avec trois textos.
Des lettres envoyées avec une telle facilité. Elles ont pourtant un poids
immense sous mes doigts : j’ai donné à une femme le droit d’avoir le
choix.
Justine L.
Justine L.