Ce texte est le premier volet d'une série consacrée à l'obésité.
Il a été écrit par Catherine Grangeard, psychanalyste qui s'intéresse depuis longtemps à la question.
(Elle précise "d'où elle parle" après l'article, dans les commentaires. )
(Elle précise "d'où elle parle" après l'article, dans les commentaires. )
Le volet 2, rédigé par Marc Zaffran/Martin Winckler, sera consacré à la maltraitance des personnes en surpoids.
Nous espérons que ces textes susciteront réactions, commentaires et - pourquoi pas ? - de nouvelles contributions.
MW
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The Journal of the
American Medical Association (JAMA) publie le 2/01/2013 l’analyse des données d’une analyse
d’une centaine d’études regroupant 2,88 millions de personnes. C’est du lourd,
du sérieux. Conclusion : un surpoids modéré peut favoriser la longévité.
L’examen du risque de décès, quelle que soit la cause met en
évidence une réduction de 6% pour les personnes en surpoids (IMC entre 25 et
30) par rapport à celles à IMC dit normal (18,5 à 25).
Katherine Flegal montre aussi qu’une réduction de 5% demeure
pour celles qui ont un IMC de 30 à 35, qui sont donc en obésité modérée par
rapport aux personnes en IMC normal…
L’obésité massive est accompagnée de comorbidités,
statistiquement il y a surmortalité. Maispas le surpoids…
Notre surprise ne s’arrête pas là. Les conclusions de cette étude
portant sur près de 3 millions de personnes (excusez du peu !), financée sur
des fonds publics avec des auteurs qui ne déclarent aucun conflits d’intérêts,
eh bien, ces conclusions ne sont pas inédites… elles sont cohérentes avec 2
études précédentes (2005, 2007).
Mais, alors direz-vous ? 10 ans après on croit pourtant
lire un scoop.
Cherchez l’erreur…
OK, cherchons ensemble.
A qui profite le crime ? Les enquêteurs posent cette
question pour démarrer.
Pas aux personnes qui s’escriment à perdre des kilos qu’elles
estiment en trop pour atteindre l’IMC dit normal. Ça leur coûte, à tous
niveaux.
Humainement, que d’efforts pour se contraindre à un autre
poids que celui vers lequel elles tendraient naturellement mais qui a été
décrété comme trop important. Par qui, pourquoi… On croyait que c’était pour
être en pleine forme et vivre longtemps. Mais, non… Katherine Flegal montre,
2,88 millions de personnes à l’appui, qu’il n’en est rien.
Mais que fait la police ? (pardon, les médecins).
Pourquoi se serre-t-on la ceinture ? Ou plus exactement pourquoi introduire
dans les esprits cette conviction qu’hors la minceur, pas de salut ?
Cette méga-analyse est bien peu diffusée alors que tant de
médecins-stars occupent les écrans. Pourquoi cet assourdissant silence ?
Le Professeur Patrick Tounian avançait une hypothèse sur
« la ribambelle de réactions négatives, notamment de ceux qui vivent de
l’obésité et ont intérêt à ce que leur gagne-pain ne soit pas relativisé et
soit considéré comme un terrible fléau ».
Qu’en dit Hippocrate ? Il se retourne dans sa tombe une
fois encore.
Examinons alors la fabrication de l’obésité.
Présentée comme un fléau, la peur du siècle, un
conditionnement façonne les populations. Si quelques kilos s'installent, il
s’agit de les faire disparaître.
Se surveiller… et s’empêcher.
Les sociétés occidentales vivent dans l’abondance de
nourriture, les publicités invitent à consommer en permanence, au- dessus de
ses moyens… Mais les modèles qui sont utilisés, les top models, n’ont sans
doute pas ce mode de vie. Leurs corps sont minces, très, très minces même.
Ces injonctions paradoxales sont sources de stress. Le stress
appelle les compensations. Au secours !
Heureusement, le système est si bien fait… Les régimes
fleurissent de partout. Coaching, est leur nouvelle dénomination.
En novembre 2010, le rapport de l’ANSES accable tous les
régimes, quels qu’ils soient, et il prouve leur inutilité. Et leur nocivité. A
5 ans, 95% sont des échecs. Tous les kilos perdus ont été repris, avec un bonus
plus ou moins légers selon les personnes.
Pratiquer le yoyo mène à
l’obésité !
Plutôt que mettre en corrélation les résultats de ce rapport
et la méga-analyse, sur près de 3 millions de personnes, le marché minceur a
pratiqué la politique de l’édredon. Etouffer ce qui pourrait sonner l’arrêt du
jeu.
Car tout cela rapporte gros… Près de 4 milliards d’euros en
France, par an !
Le titre « Les marchés de la minceur, horizon 2016. Vers
un écosystème numérique et interconnecté »
(étude vendue plus de 2000 euros pour une version papier et atteignant
5000 euros si la diffusion se fait au sein de votre entreprise…par Precepta,
groupe Xerfi) indique la tendance…
Voyons donc les sites minceur, puisque c’est de ce côté que
se situe l’horizon.
Centrons même notre viseur sur les sites des médecins.
Sont-ils encore médecins ou uniquement commerçants ?
Un article tout neuf (Capital, 17 juillet 2015) est
fascinant ! Sur fond d’embrouilles entre (je cite toujours) Dukan, le roi
du régime et Simoncini, le pape de la rencontre sur Internet (ancien patron de
Meetic). En 2007, ils s’associent pour créer Régime coach, société de coaching
minceur comme son nom l’indique clairement, régime et coaching c’est du pareil
au même… Succès fulgurant, 18 millions de CA en 2010. Ensuite, l’embrouille, mais
ça ne nous intéresse pas vraiment ici. Comme dans tout polar qui se respecte,
l’intrigue est tordue. Diet Mafia blues…
Si cette histoire est ici relatée, c’est pour d’autres
raisons. Déjà, fournir un ordre d’idées du rapport financier. Et, le célèbre
ex-docteur Dukan n’est pas le seul à vendre du coaching minceur en ligne. Le
Docteur a fait des petits…
Le massacre est de masse, alors ça se complique…
Soit on demande au Conseil de l’Ordre de jeter un œil vers
l’horizon et de faire respecter un peu d’Ordre. Soit, on ne s’intéresse pas
seulement aux cas individuels des Dr A, C, … Z… et on se tourne vers le
Ministère de tutelle, le Ministère de la Santé. (Pourquoi, « soit »,
l’un exclut l’autre ?)
Une expertise s’imposerait peut-être …
Pire que la canicule, cette affaire !
La sécurité routière fait diminuer les morts sur la route en
limitant la vitesse, en contrôlant l’alcool au volant… et que sais-je, en
distribuant les bons points du permis, en faisant appliquer le Code de la
route.
Pourquoi pas un Code des sites minceur ?
Ah, parce que ça n’existe pas ?
Ben, non. Rien.
Vous vous frottez les yeux ? D’autres, c’est les mains…
les petits malins. Oui, les 29 euros mensuels que vous coûtent ces formules,
ces petits programmes rebaptisés coaching… ça se chiffre en millions d’euros au
final !
Tout cela parce que la peur de grossir a été vendue comme la
peur du siècle !
C’est comique. C’est tragique.
Oui, pourquoi acheter la poudre de perlimpinpin ou les
formules A… C… Z ?
La peur de ne pas être aimé-e.
Parce que c’est la peur de l’humanité. Rappel : tout
bébé arrive sur terre incapable de se débrouiller tout seul. Il est dépendant
du bon vouloir de l’autre pour le nourrir, le tenir propre, à la bonne
température, le protéger, lui permettre de se reposer, lui assurer son bien-
être, sa sérénité, sa sécurité, etc… TOUT.
La dépendance a cette origine.
La peur de ne pas être aimé, d’être maltraité, abandonné, … est
enracinée dans cette réalité humaine d’arriver sur terre en ayant besoin de
l’autre pour survivre.
Ainsi, créer une adéquation entre cette peur ontologique et
le fait que pour être désirable, il faut avoir tel corps, est ……….. grave.
Ce n’est peut-être pas un total hasard que les médecins se
doivent d’avoir une certaine éthique, une éthique certaine. Science sans
conscience, etc…
Faire du commerce est-ce préjudiciable ?
En soi, certes non.
La confusion des genres en revanche, oui.
Notre enquête avance à grand pas finalement.
Les sites minceur prospèrent dans un vide juridique total.
C’est impensable alors que l’horizon est indiqué de ce côté. Visiblement à
juste titre, vu le CA indiqué par la revue Capital.
La casse du côté des gens qui s’adonnent à ces coachings est
catastrophique.
Pour le moment, l’auto évaluation des sites par eux-mêmes n’a
aucune fiabilité. Pour le moment, une personne se rendant une fois sur le site,
sans même s’inscrire à un programme se voit relancée et pas n’importe quand… A
des dates clés, Noël, début janvier pour les bonnes résolutions de l’année
nouvelle, à la St Valentin, à la fête des mères, début juillet pour aller à la
plage… Un certain Joseph en a fait l’expérience. Le site s’adressait même à lui
au féminin, tant le formatage est fort.
Le journaliste Patrick Wassef montre bien le lien entre le
sexisme souterrain et le commerce de ces médecins sur leurs sites minceur.
« Il faut
souffrir pour être belle »… Il faut être belle !?? Cette oppression est
l’envers de l’obsession de minceur comme ces féministes le montrent (https://www.infokiosques.net/IMG/pdf/Oppression_Et_Liberation_De_La_Grosseur.pdf)
Conclusion : les femmes
doivent se soucier de leur ligne.
Le professeur Tounian avait bien touché du doigt le
gagne-pain mais il s’arrêtait au seuil des raisons profondes, tout au moins en
ce qui concerne les femmes, public visiblement privilégié puisque Joseph est
féminisé par le site de coaching en ligne
Un autre site http://duketik.blogspot.fr
nous apprend beaucoup de choses
sur le fonctionnement en interne d’un site minceur. La formation des chargés de
clientèle serait un point à mettre en lumière par l’expertise. Puisque le
prétexte de certains médecins est qu’il leur est impossible de répondre à la
demande (sic) en consultations, les sites y répondent… mais les imagine-t
on derrière chaque écran prenant Joseph en charge ?
En France, le PNNS actuel s’achève en 2015. Très bonne
occasion pour que le prochain mette sous son égide ce travail d’enquête.
La nôtre, d’enquête, arrive à son terme… la diffusion de la
bonne nouvelle en ce qui concerne le surpoids n’a pas besoin d’attendre plus
longtemps… Inutile de se faire maigrir, et souffrir, en engraissant les sites
minceur, enfin, ceux qui en profitent. Et sortons de l’édredon certains
scandales !
Pour le bien de tous, partagez au plus vite…
Catherine Grangeard