En guise
d’introduction, une mise en situation personnelle
Quand,
à la fin des années 90, j’ai commencé à écrire Contraceptions
mode d’emploi (1), je
croyais tout connaître sur mon sujet, ou presque : je travaillais dans un
centre de planification et d’IVG depuis 1983, j’avais lu presque tout ce qui
était publié en France, je demandais
régulièrement conseil à plusieurs gynécologues de ville ou de la maternité voisine, soucieux
du bien-être des patientes et disposés à partager ce qu’ils savaient. (Jacky, Jackie, Didier, Catherine, Philippe, encore merci !)
Mais
à partir de 1995-1996, à mesure que l’internet naissant me permettait d’élargir
mon champ de recherche, j’ai découvert que j’ignorais l’essentiel des notions
utiles, et surtout que je n’avais pratiquement pas eu accès à beaucoup de
travaux scientifiques qui venaient, selon le cas, valider mes notions
théoriques ou discréditer mes idées reçues.
La
littérature en langue anglaise ne manquait pas : on la trouvait sur des
revues spécialisées destinées aux professionnels comme la (désormais disparue) revue
en ligne Contraception Report » du
Baylor College de Houston (Tx), mais aussi dans des bulletins d’organismes
internationaux de planification familiale (IPPFEN) ou encore sur des sites consacrés à la santé des
femmes (Our Bodies, Ourselves).
Sur
le site de l’IPPF, sur celui de The Population Report de l’université Johns
Hopkins, sur les sites canadiens de l’époque et bien sûr sur celui de l’OMS, on
trouvait des informations en français. Si vous voulez télécharger les
recommandations actuelles (en français) de l’OMS en matière de santé
reproductive, il suffit de cliquer ICI.
Les
livres médicaux sur le sujet ne manquaient pas non plus. Ceux dont je me suis
le plus souvent servi à l’époque (et encore aujourd’hui) étaient l’énorme
traité Contraception de David Serfaty
et son Abrégé (Ed. Masson, le seul ouvrage complet en
français), le Clinical
Guide for Contraception de Speroff (Lippincott) et Contraception : Your Questions Answered du Britannique John Guillebaud, que je
considère comme le plus pratique pour tous les professionnels. C’est de ce
dernier que je me suis le plus inspiré pour écrire mes propres livres sur le
sujet.
Je
me suis senti honteux en découvrant que je donnais des conseils souvent rigides
et parfois inefficaces ; que je
défendais mordicus des principes qu’on m’avait inculqués en faculté, répétés par
livres et revues sans l’ombre d’une discussion ; que je refaisais de manière
mécanique des gestes pénibles pour les patientes et pour certains, parfaitement
inutiles. J’ai commencé à changer de discours et de comportements.
Soucieux
de ne pas garder ce nouveau savoir par-devers moi, j'ai résolu de le partager dans un
ouvrage qui soit lisible aussi bien par les femmes curieuses de savoir, de
comprendre et de choisir leur méthode, que par les enseignant(e)s, les
travailleurs sociaux et les professionnel(le)s de santé concernés. Ce que
j’avais envie de faire, c’était à la fois un ouvrage de référence en langue
française ET un guide pratique tel Contraception Today,
(Guillebaud encore) ou
le très chouette Mon Guide Gynéco d’Agnès Ledig (sage-femme) et Teddy
Linet (gynécologue) qui sera publié en janvier 2016 chez Pocket. Bref, je
voulais écrire le bouquin que j’aurais aimé trouver en librairie au moment où
je m’étais mis à faire des remplacements.
Je
pensais, naïvement, que tout le monde - à commencer par mes confrères - serait ravi de voir un tel livre enfin disponible.
Je me trompais.
Contraceptions
mode d’emploi a connu un beau succès : il s'en est vendu entre quinze et vingt mille exemplaires en trois éditions. (En même temps que la
troisième en 2007, j’ai publié deux livres de plus petit format : Choisir sa contraception et Tout
ce que vous avez toujours voulu savoir sur les règles (éd. Fleurus), également destinés au
grand public.)
Le
livre a été largement couvert par la presse grand public et a même fait l'objet d'une émission de télévision. Son caractère polémique n'est pas passé inaperçu : L’Express relevait à l’époque ma critique vigoureuse de la
prescription excessive de « Diane 35° » - sans pour autant que le
fabriquant porte plainte. Des magazines féminins en ont parlé. Bref, l’accueil
a été très positif. Sauf dans le monde médical.
En
effet, alors que les médecins anglo-saxons n’hésitent jamais à chroniquer un
livre médical destiné au plus large public, Contraceptions mode d’emploi n’a pratiquement fait l’objet d’aucun compte-rendu dans les journaux médicaux
français. Pas même pour en critiquer le contenu scientifique (même si j’avais
apporté beaucoup de soin à son écriture, on pouvait certainement y relever des
approximations ou des manques). On m’a certes rapporté de vive voix ou par
écrit les commentaires défavorables de professionnels qui me reprochaient mon
« manque de rigueur » (sans précision), des
« informations fausses » (sans dire lesquelles), l' "absence de bibliographie" (ils n'avaient pas lu le livre jusqu'à la fin) et ma
« démagogie » (sans doute pour avoir écrit un livre destiné au grand
public). Mais je n’ai pas reçu de mise en demeure du syndicat des gynécologues
obstétriciens ou d'avertissement du Conseil de l'Ordre.
Pour une grande partie de la profession médicale française, ce livre n'a jamais existé.
Pour une grande partie de la profession médicale française, ce livre n'a jamais existé.
De certains discours médicaux en France en
2015
Depuis, heureusement, beaucoup d’eau est passée sous les ponts. L’internet s’est développé en France,
les forums se sont multipliés, le site (officiel) de l’INPES donne des informations fiables sur la
contraception et les pages consacrées à la gynécologie et l’obstétrique
abondent aujourd’hui sur les réseaux sociaux. Autant dire que les femmes
françaises sont beaucoup mieux informées.
Et
pourtant, beaucoup de médecins semblent toujours ne pas l’être. Il ne se passe
pas de jour sans que je lise, dans mes courriels, sur des pages FB ou via
Twitter, le récit de femmes françaises à qui l’on refuse l’accès à la
contraception de leur choix sous des prétextes divers.
Parmi les prétextes invoqués par les professionnels pour refuser une contraception on entend les bêtises suivantes :
« Vous êtes trop jeune » (à
des jeunes femmes qui ont déjà des rapports sexuels ou sont susceptibles d’en
avoir)
« Vous n’en avez plus besoin » (à des
femmes qui ne sont pas ménopausées)
« Tabac et pilule sont
incompatibles » (à des femmes de moins de 35 ans)
« Les DIU sont interdits aux femmes
sans enfant »
« La prise d’anti-inflammatoires inactive
l’efficacité des DIU »
« Les DIU favorisent les grossesses
extra-utérines et la stérilité. »
« Il ne faut pas porter de
« cup » avec un DIU, ça facilite leur expulsion. »
« L’implant provoque de l'ostéoporose. »
« La prise de pilule compromet la fertilité. »
« La prise de pilule en continu (pour ne pas avoir de "règles") est
dangereuse pour la santé »
« La loi interdit aux femmes de moins de 35 ans qui ne veulent pas d'enfant de se faire stériliser. »
« La loi interdit aux femmes de moins de 35 ans qui ne veulent pas d'enfant de se faire stériliser. »
Et
j’en passe.
Or, toutes ces affirmations sont fausses, et les preuves scientifiques, les directives professionnelles et les réglementations et lois de la République ne manquent pas pour le prouver.
Or, toutes ces affirmations sont fausses, et les preuves scientifiques, les directives professionnelles et les réglementations et lois de la République ne manquent pas pour le prouver.
Qu'en 2015, alors que les
usagères ont accès à de multiples sources d’information qui leur disent le
contraire, bon nombre de professionnels de santé continuent à proférer sans honte ces affirmations erronées c'est, pour le moins, problématique.
Ces
jours-ci, une journaliste m’écrit :
« Je suis très intriguée par le retard des médecins français sur leurs confrères anglo-saxons, s'agissant de la prescription d'une pilule en
continu.
Est-ce juste une question de dogmatisme (et dans ce cas comment expliquer ce dogmatisme?) ou y a-t-il aussi d'autres raisons, par exemple la pression de certains lobbies (les marques de serviettes hygiéniques feront faillite si les femmes décident de ne plus avoir leurs règles !)?
Est-ce juste une question de dogmatisme (et dans ce cas comment expliquer ce dogmatisme?) ou y a-t-il aussi d'autres raisons, par exemple la pression de certains lobbies (les marques de serviettes hygiéniques feront faillite si les femmes décident de ne plus avoir leurs règles !)?
Je
serais curieuse de savoir ce qui est enseigné aujourd'hui dans les facs de
médecine françaises à ce sujet. J'ai l'impression que les plus jeunes
générations de gynécologues sont plus ouvertes. »
La
question soulevée est effectivement de taille : pourquoi tant de membres
d’un corps professionnel qui affirme œuvrer pour la santé des femmes sont-ils
encore si en retard dans leurs connaissances ? Pourquoi s’ingénient-ils à opposer des fins de
non-recevoir à des demandes courantes et satisfaites sans problème hors des frontières de
l’hexagone ?
(Quelques exemples : Les DIU au cuivre de petite taille - donc, pour femmes sans enfant - sont commercialisés dans le monde entier, y compris en France, depuis au moins quarante ans. Aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne ou au Canada, on pose sans discussion un DIU au cuivre ou hormonal à la femme qui le demande, quel que soit son âge. La prise de pilule en continu est depuis plusieurs décennies une pratique courante et des marques de pilules à prendre 3 ou 6 mois d’affilée existent aux États-Unis et en Angleterre depuis dix ans au moins, etc.)
(Quelques exemples : Les DIU au cuivre de petite taille - donc, pour femmes sans enfant - sont commercialisés dans le monde entier, y compris en France, depuis au moins quarante ans. Aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne ou au Canada, on pose sans discussion un DIU au cuivre ou hormonal à la femme qui le demande, quel que soit son âge. La prise de pilule en continu est depuis plusieurs décennies une pratique courante et des marques de pilules à prendre 3 ou 6 mois d’affilée existent aux États-Unis et en Angleterre depuis dix ans au moins, etc.)
Comprenons-nous
bien : un médecin n’est pas un robot qui inscrit quelque chose sur une
ordonnance à la moindre demande d’un patient ; sa profession et l'indépendance qu'elle requiert l'obligent certes à diagnostiquer,
éclairer, informer, guider, conseiller et prescrire de son mieux, mais certainement
pas à répondre à toutes les demandes sans discrimination. Cependant, son autonomie professionnelle ne l'autorise pas non plus à
défendre des positions scientifiques erronées, ou à opposer une fin de
non-recevoir à des demandes légitimes.
Une
profession qui se dit scientifique doit se maintenir à jour des connaissances
scientifiques. Or, souvent, le type d’arguments que certains médecins, en particulier des gynécologues (2) opposent aux femmes ne
sont pas des arguments scientifiques, mais des dogmes.
Le
TLFI (Trésor de la langue
française informatisé) définit le dogme comme étant une « proposition théorique établie comme vérité
indiscutable par l'autorité qui régit une certaine communauté. »
(C’est moi qui souligne.)
Les
affirmations énumérées plus haut ne reposent pas sur des faits scientifiques et
ne peuvent pas être discutées avec beaucoup de celles et ceux qui les martèlent - pas même, souvent, au moyen d’arguments scientifiques. A leurs yeux, ce sont donc des dogmes. En tant que tels, ils sont incompatibles avec l’éthique
et la déontologie médicale. Rappelons que le code de déontologie des médecins
français affirme : (Article 32, article R.4127-32 du CSP, et premier des
« Devoirs envers les patients ») : Dès lors qu’il a accepté de répondre à une demande, le médecin s’engage
à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés
sur les données acquises de la science, en faisant appel, s’il y a lieu, à
l’aide de tiers compétents.
Malgré le Code de déontologie, parmi bon nombre de médecins français, les dogmes sont légion, et ils ont la vie dure.
D’où viennent-ils, ces dogmes, et comment sont-ils inculqués à tant de praticiens ?
La réponse tient en une phrase.
Ces dogmes naissent d'une structure pyramidale et d'un enseignement paternaliste, contraires à l'éthique du soin, qui écartèlent les étudiants entre des loyautés contradictoires, et les transforment en médecins phobiques et dépendants .
D’où viennent-ils, ces dogmes, et comment sont-ils inculqués à tant de praticiens ?
La réponse tient en une phrase.
Ces dogmes naissent d'une structure pyramidale et d'un enseignement paternaliste, contraires à l'éthique du soin, qui écartèlent les étudiants entre des loyautés contradictoires, et les transforment en médecins phobiques et dépendants .
***
Démonstration
Structure pyramidale…
Le
dogmatisme médical français est directement lié aux conditions de la formation, paternaliste
et profondément élitiste, que subissent les étudiants. (Oui, on voit
ça aussi ailleurs qu’en France, mais dans ce texte, il s’agit de balayer devant la porte de l'Hexagone.)
La
médecine est une discipline qui nécessite simultanément l’acquisition d’un très
grand nombre de notions scientifiques théoriques et un apprentissage pratique
difficile et émotionnellement éprouvant. En principe, cet apprentissage
« au lit du malade », qui fonctionne comme un compagnonnage, devrait
venir compléter les notions théoriques et scientifiques acquises auparavant,
les nuancer, les relativiser, les mettre en situation. Il devrait aider les
étudiants à utiliser le savoir comme un outil au service du soin, et non comme
une entrave. Il devrait aussi contribuer à aider le médecin à affronter les
difficultés morales du soin.
De
même qu’un professionnel de santé soucieux d’éthique considère le patient comme
son égal, le formateur soucieux d’éthique doit considérer l’étudiant comme l’égal
de l’étudiant qu’il a lui-même été, à savoir un futur collègue, un sujet en
formation pensant et agissant, non une éponge qu’il s’agit de gorger jusqu’à
ce qu'elle dégoutte. Aujourd’hui plus qu’hier, étudiants hospitaliers et résidents
entrent à l’hôpital avec un bagage incomplet et encore hésitant, mais déjà très
important. Sur certains points, ils ont des notions plus fraîches que celles
des cliniciens à qui ils auront affaire.
Dans
l’idéal, la relation entre enseignant et étudiant est une relation de partage
et d’échanges réciproques. Dans la réalité, les relations entre enseignants et
étudiants varient énormément selon la société, le milieu considéré et la
personnalité des individus.
Quand
société, milieu et individus tendent vers la réciprocité, la relation est horizontale
et dynamique : l’apprenti s’enrichit de l’expérience du formateur et en retour soulève les questions que son aîné ne se pose pas (ou plus) et le pousse
à réexaminer sa pratique.
Quand la société et le milieu sont autoritaires et paternalistes, la relation est verticale, descendante et unilatérale.
Depuis la réforme de 1958, le monde hospitalo-universitaire français est structuré de manière pyramidale ; tout chef de service règne en monarque absolu dans "son" service : dans les départements de CHU voués au soin, à l’enseignement et à la recherche, le « Patron », comme son nom l’indique, décide de tout.
Ce pouvoir considérable a bien entendu de lourdes conséquences sur le
fonctionnement des services en matière de soin et de recherche, mais je vais me cantonner ici à ce qui concerne
l’enseignement. Le Patron a en effet tout pouvoir sur les médecins en formation – et en particulier, celui de favoriser, de ralentir, voire de mettre un terme à leur carrière.
… enseignement paternaliste…
Pendant
longtemps (et c’est encore le cas dans de nombreuses facultés), l’enseignement
médical français était fondé sur un certain nombre de prémisses non
dites, mais parfaitement intégrées par la majorité de ses membres :
Certaines
de ces prémisses concernent la relation de soin :
« Un
médecin sait, les patients ne savent pas. » (Et même si on leur
expliquait, la plupart ne comprendraient pas.)
« Le
médecin acquiert son savoir en observant des patients et en écoutant ses
maîtres. Jamais en recevant ce savoir
des patients eux-mêmes. »
« Les
patient(e)s ont des attentes inappropriées (puisque c'est le médecin qui sait) et donc tantôt excessives, tantôt insignifiantes. »
« Le
patient n'est jamais rationnel ; le bon médecin, lui, l'est toujours. » (Ou,
en tout cas, toujours plus que le patient.)
« Le
patient qui prend une décision contraire à ce que le médecin a recommandé court de
grands risques. » Et, par conséquent, « Il est parfois nécessaire
d'imposer au patient ce qu'il ou elle ne veut pas, pour son bien. »
D’autres
prémisses concernent la relation entre formateurs et étudiants :
- Héritage direct de la société monarchique, l’autorité d’un « Maître » en médecine et sa compétence découlent exclusivement de son titre et de son statut dans la hiérarchie hospitalo-universitaire. (Le fait qu'il soit totalement incompétent n'y change rien.) Ladite hiérarchie étant pyramidale, le « Patron », s'il est "Professeur en chaire" est l’autorité pédagogique suprême dans sa spécialité.
- Bien entendu, seuls les médecins peuvent former les médecins et leur servir de « modèle ». Une infirmière, une sage-femme, une orthophoniste ne le peuvent pas. Et, à une poignée d’exceptions près, les « Maîtres » sont des hommes. (La féminisation de la profession médicale semble à peine modifier les choses, puisque le sommet de la hiérarchie reste majoritairement masculin.)
- Enfin, l’autorité d’un « Maître » vient toujours du fait qu’il est Patron ou que le Patron lui a délégué son autorité. Tout « Maître » est donc, peu ou prou, une extension du Patron.
D'autres prémisses, enfin, ne sont pas spécifiques de l’hôpital : on les
retrouve dans d’autres environnements d’apprentissage, universitaires ou non,
en France ; mais ils témoignent d’une mentalité féodale et quasi religieuse, fondée sur l’idée d’un pouvoir suprême, transmis par
cooptation et s’exerçant exclusivement de haut en bas.
Ainsi :
- « Ce
que le Patron sait, l’étudiant ne peut pas le savoir avant que le Patron le lui ait inculqué. Il n’a
pas le droit de contester ce savoir, ou de le questionner.
- « Ce
que le Patron enseigne aujourd’hui comme vrai ne peut pas être faux demain. »
- « Ce
que le Patron tient pour faux ne peut pas être vrai. » (Et ce dont il
n’a pas connaissance n’existe pas.)
- « Le Patron n’a pas à (s')expliquer. S’il le fait, c’est par faveur, non par obligation. Et il appartient à l’étudiant d’assimiler à tout moment, de comprendre s’il en est capable et d’appliquer sans discuter ce qu' a dit le Patron.
- « Le Patron n’a pas à (s')expliquer. S’il le fait, c’est par faveur, non par obligation. Et il appartient à l’étudiant d’assimiler à tout moment, de comprendre s’il en est capable et d’appliquer sans discuter ce qu' a dit le Patron.
- « Ce
que le Patron fait, l’étudiant doit le faire comme lui. Il ne peut
pas envisager de le faire autrement sans son autorisation. » (Mais suggérer de faire autrement, c’est insultant pour le
Patron. Donc, irresponsable, indigne de la profession, etc.)
- « Les
interdits du Patron ne doivent jamais être transgressés, sous peine de
mort » (celle du patient, bien entendu).
Le conformisme, auquel tous les êtres humains sont prédisposés, même pour les tâches les plus anodines ou les plus absurdes, contribue à plonger d’emblée le nouvel arrivant dans un environnement où on ne discute pas la parole du Patron.
A maints égards, la formation médicale française illustre parfaitement l’expérience de Milgram : une figure d’autorité (le Patron ou le Maître) ordonne à un sujet « naïf » (l’étudiant, le résident) d’exécuter des ordres portant sur un tiers (le patient) sans qu’il soit possible de discuter le bien-fondé de ces ordres.
Le conformisme, auquel tous les êtres humains sont prédisposés, même pour les tâches les plus anodines ou les plus absurdes, contribue à plonger d’emblée le nouvel arrivant dans un environnement où on ne discute pas la parole du Patron.
L’expérience de Milgram laissait les sujets libres de rejeter les ordres de la figure d'autorité. Dans les facultés de médecine françaises fonctionnant sur ce modèle, l’obéissance est assurée par le fait que la figure d’autorité a tout pouvoir pour expulser le sujet du service, voire l'exclure du cursus, s'il se rebelle contre elle.
Dans
ces conditions, le Patron et ses extensions
peuvent, de fait, pratiquer un enseignement, fondé sur l’argument d’autorité (« Moi, le Patron, je dis
que… »), lequel fait alors figure de vérité indiscutable et donc, de dogme. Or, l’enseignement dogmatique est l’inverse
de la réflexion scientifique, qui repose sur la confrontation et la mise en
commun des expériences, le questionnement des « vérités » d’antan,
l’énoncé d’hypothèses nouvelles, la recherche de preuves tangibles ou
chiffrées pour les étayer - et donc, pour remettre en cause les notions dépassées.
Un
exemple caricatural d’argument d’autorité : l’interdiction de prescrire
des anti-inflammatoires à une femme portant un DIU au cuivre. Ce dogme,
strictement franco-français, découle d’une hypothèse formulée dans les années 80 par un Patron, et promue par la suite comme une Vérité alors qu’elle a été
maintes fois démentie par des études cliniques.
Aux
prémisses citées plus haut, ajoutons une dernière, qui n'est pas spécifique du
monde médical, mais tout à fait représentative de la culture française, très
cloisonnée, très fermée sur elle-même, très ethnocentrique, à savoir :
« Ce
qui s'écrit et se fait en médecine hors de France est au mieux douteux, au pire
sans intérêt ; si c'est écrit en anglais, ça ne peut pas être de la bonne
médecine car les médecins anglo-saxons sont essentiellement motivés par l'argent ; tandis que les médecins français, eux, sont mus par le souci des patients. »
(Si, si, je vous assure que c'est souvent aussi caricatural que ça.)
… contraires à l’éthique de la
formation et des soins...
Hiérarchie
pyramidale, arguments d’autorité et isolationnisme intellectuel ont des conséquences
incontournables et désastreuses.
D’abord,
ils interdisent toute communication entre les facultés, qui se comportent comme
des écoles de pensée (je devrais dire « des clochers ») aux valeurs contradictoires, parfois jusqu'à l'absurdité.
Ensuite,
ils contribuent à répandre et pérenniser des valeurs moralement discutables, des notions
erronées et des comportements opposés aux intérêts des patients :
lorsqu’un Patron de gynécologie est idéologiquement opposé à l’IVG ou à la
stérilisation volontaire, personne dans "son" service n’a le droit d’en
pratiquer, alors que la loi le permet et que l'hôpital public doit appliquer la loi.
Aucun des étudiants qui y sont formés ne peut apprendre à pratiquer les interventions "interdites". Même s'ils n'ont pas les mêmes objections que leur Patron, ils auront donc beaucoup de difficultés plus tard à offrir ces interventions à leurs patients. Si le même Patron est convaincu qu’un DIU provoque des infections, il enseignera aux étudiants à ne pas en poser à des femmes qui en ont besoin. S'il est convaincu que l'implant est une "mauvaise contraception", ses élèves n'en prescriront jamais. S'il est séduit par l'anneau vaginal, il leur en fera prescrire à tire-larigot.
L’impossibilité d’interpeller le Maître et l’absence de diversité de points de vue interdisent tout apprentissage comparatif et critique, de sorte que les étudiants n’apprennent que selon des « lignes de pensée » étroitement balisées. Et ceci peut s'observer dans des départements de toutes les spécialités médicales, dans toutes les facultés de médecine françaises.
Aucun des étudiants qui y sont formés ne peut apprendre à pratiquer les interventions "interdites". Même s'ils n'ont pas les mêmes objections que leur Patron, ils auront donc beaucoup de difficultés plus tard à offrir ces interventions à leurs patients. Si le même Patron est convaincu qu’un DIU provoque des infections, il enseignera aux étudiants à ne pas en poser à des femmes qui en ont besoin. S'il est convaincu que l'implant est une "mauvaise contraception", ses élèves n'en prescriront jamais. S'il est séduit par l'anneau vaginal, il leur en fera prescrire à tire-larigot.
L’impossibilité d’interpeller le Maître et l’absence de diversité de points de vue interdisent tout apprentissage comparatif et critique, de sorte que les étudiants n’apprennent que selon des « lignes de pensée » étroitement balisées. Et ceci peut s'observer dans des départements de toutes les spécialités médicales, dans toutes les facultés de médecine françaises.
Enfin,
cette situation favorise la manipulation intellectuelle et morale de plusieurs
générations de médecins. En effet, puisque nul ne peut discuter la
parole du Patron dans une spécialité donnée, il suffit de convaincre
celui-ci d’adhérer à un traitement (un hypertenseur, une insuline, une pilule
plutôt qu’une autre) pour que l’immense majorité des médecins qui seront
formés dans "son" service prescrive le même traitement.
Et, pour mettre un Patron dans sa poche, il n’est pas nécessaire de lui donner directement de l’argent (ce serait grossier). Il est plus efficace de le flatter en lui proposant de publier dans des revues prestigieuses, en lui conférant un statut d’"expert" (conférencier-vedette dans un congrès national, par exemple), ou en le chargeant d’ « expérimenter » un traitement nouveau sur les patients de "son" service. Ce mode de manipulation, couramment exercé par les industriels et très bien décrit dans le livre de Christian Lehmann, Patients, si vous saviez (Laffont), est particulièrement efficace dans les services où l'on ne pratique ni la critique scientifique ni le débat contradictoire.
Et, pour mettre un Patron dans sa poche, il n’est pas nécessaire de lui donner directement de l’argent (ce serait grossier). Il est plus efficace de le flatter en lui proposant de publier dans des revues prestigieuses, en lui conférant un statut d’"expert" (conférencier-vedette dans un congrès national, par exemple), ou en le chargeant d’ « expérimenter » un traitement nouveau sur les patients de "son" service. Ce mode de manipulation, couramment exercé par les industriels et très bien décrit dans le livre de Christian Lehmann, Patients, si vous saviez (Laffont), est particulièrement efficace dans les services où l'on ne pratique ni la critique scientifique ni le débat contradictoire.
… des étudiants écartelés entre des loyautés contradictoires...
En
principe, tout médecin doit d’abord sa loyauté au patient qu’il soigne. Or, la
formation médicale est conçue de telle manière que les étudiants sont d’abord
massivement exposés à l’influence, au charisme et à l’autorité des Patrons, qui leur dispensent des cours magistraux bien avant de leur confier les soins d’une
personne souffrante. Quand ces mêmes étudiants entrent à l'hôpital, leur regard sur le soin, la maladie et les patients a depuis longtemps été « préformaté » par les « modèles de rôle » qu’ils
ont écoutés parler en amphithéâtre.
Lorsque un Patron (comme j’ai vu le faire dans les années 70 à Tours) donne un cours sur l’alcoolisme en « présentant » aux étudiants un "patient alcoolique typique" dont il expose sans gêne les tremblements, la couperose, et le ventre distendu par l’ascite, il laisse entendre que traiter un malade comme un spécimen d'observation est une manière « normale » de se comporter. Puisque le patron le fait…
Lorsque un Patron (comme j’ai vu le faire dans les années 70 à Tours) donne un cours sur l’alcoolisme en « présentant » aux étudiants un "patient alcoolique typique" dont il expose sans gêne les tremblements, la couperose, et le ventre distendu par l’ascite, il laisse entendre que traiter un malade comme un spécimen d'observation est une manière « normale » de se comporter. Puisque le patron le fait…
Quand (autre observation personnelle) un autre Patron donne un cours sur le cancer de l’utérus en l’
« illustrant » au moyen de diapositives « humoristiques »
montrant une femme obèse, au visage couvert de poils et à la
culotte tachée de sang, il laisse entendre qu’il est « naturel » de
se moquer des femmes qui souffrent de cette maladie.
Enfin,
on continue en France à pratiquer un « enseignement au lit du malade »
en « grande visite » – comme
le montre le documentaire de Marie Agostini L’école de médecine (2007) dont vous pouvez voir bon nombre d'épisodes ICI.
En voici un extrait particulièrement parlant, je trouve.
Cette manière de procéder n’est favorable ni à la transmission de notions théoriques, ni à
l’apprentissage clinique, ni à la démonstration de comportements respectueux
envers les patients, ni même à de bons échanges pédagogiques entre
enseignants et étudiants.
En voici un extrait particulièrement parlant, je trouve.
Dans
ces conditions, il est très difficile pour les médecins en formation de se mettre du côté
de la personne malade. Comment pourraient-ils s’identifier à elle alors que les enseignants n'hésitent pas à exposer, à ignorer, à humilier et à se moquer des patients ? Et souvent, à faire de même avec les étudiants !
Comment les étudiants pourraient-ils protester contre ce type de « présentation »
et sortir du cours ou de la chambre quand on leur signifie que "c'est comme ça qu'on apprend" et que toute contestation les expose à être
punis, disqualifiés ou à devenir de mauvais médecins ?
Un petit nombre,
fascinés par le système, se conforment si bien à ses attentes qu’ils
réussissent, après s'être "coulés dans le moule", à se faire coopter par leurs aînés, à graver les échelons de la hiérarchie hospitalo-universitaires et parfois à devenir un Patron à leur tour. Pour mieux reproduire ce qu'ils ont subi. ("J'en ai bavé, et vous voyez où ça m'a amené. Alors quand je vous en fais baver, c'est pour votre bien. Vous comprendrez plus tard. ")
D’autres étudiants, très critiques mais moins nombreux, s’ils ne sont pas d’emblée exclus ou rejetés par les Patrons et par leurs camarades, n’ont qu’une hâte : en finir avec le milieu hospitalo-universitaire et aller apprendre dans le monde réel ce qu'on n'a pas pu leur apprendre en faculté. Plus tard, ils créent un syndicat dissident comme le SMG et sa revue, Pratiques ; fondent une publication dissidente et/ou multidisciplinaire comme La revue Prescrire ou Exercer ; mettent sur pied un organisme d'information critique et indépendant comme le FORMINDEP ; animent un forum sur la médecine 2.0 comme Dominique Dupagne ou un blog critique et politique comme Christian Lehmann ; organisent le partage des connaissances en gynécologie comme le font médecins et sage-femmes sur Formagyn ou témoignent de leur expérience et de leurs réflexions sur des blogs, trop nombreux pour que je puisse les citer tous (mais en voici un qui les cite régulièrement). Et leur nombre ne fait que croître, ce qui est heureux.
Tous ces militants du soin s'expriment, aujourd'hui, en réseaux virtuels, bien loin des facultés et des lieux de formation "officiels".
L'itinéraire de ces "excentriques" et leur engagement expliquent que la majorité des critiques remettant en cause le système hospitalo-universitaire sont des médecins généralistes, des infirmier(e)s, des sages-femmes ou des praticien(ne)s délivrant des soins primaires notamment en centres de planification, en santé mentale, en médecine du travail.
Malheureusement, la majorité des étudiants d'hier et d'aujourd'hui, des médecins d'aujourd'hui et de demain ne font partie ni des ultraconformistes ni des dissidents. Ils se plient au modèle dominant, puisqu’il n’y en a pas d’autres et poursuivent leur formation sans perspective de pouvoir changer les choses de l'intérieur. Faute d'avoir acquis l'autonomie et l'esprit critique qui leur permettraient d'exercer hors de la sphère d'influence de la Faculté, ils deviennent des marionnettes entre les mains des industriels du médicament. Mais ont-ils jamais eu le choix ?
D’autres étudiants, très critiques mais moins nombreux, s’ils ne sont pas d’emblée exclus ou rejetés par les Patrons et par leurs camarades, n’ont qu’une hâte : en finir avec le milieu hospitalo-universitaire et aller apprendre dans le monde réel ce qu'on n'a pas pu leur apprendre en faculté. Plus tard, ils créent un syndicat dissident comme le SMG et sa revue, Pratiques ; fondent une publication dissidente et/ou multidisciplinaire comme La revue Prescrire ou Exercer ; mettent sur pied un organisme d'information critique et indépendant comme le FORMINDEP ; animent un forum sur la médecine 2.0 comme Dominique Dupagne ou un blog critique et politique comme Christian Lehmann ; organisent le partage des connaissances en gynécologie comme le font médecins et sage-femmes sur Formagyn ou témoignent de leur expérience et de leurs réflexions sur des blogs, trop nombreux pour que je puisse les citer tous (mais en voici un qui les cite régulièrement). Et leur nombre ne fait que croître, ce qui est heureux.
Tous ces militants du soin s'expriment, aujourd'hui, en réseaux virtuels, bien loin des facultés et des lieux de formation "officiels".
L'itinéraire de ces "excentriques" et leur engagement expliquent que la majorité des critiques remettant en cause le système hospitalo-universitaire sont des médecins généralistes, des infirmier(e)s, des sages-femmes ou des praticien(ne)s délivrant des soins primaires notamment en centres de planification, en santé mentale, en médecine du travail.
Malheureusement, la majorité des étudiants d'hier et d'aujourd'hui, des médecins d'aujourd'hui et de demain ne font partie ni des ultraconformistes ni des dissidents. Ils se plient au modèle dominant, puisqu’il n’y en a pas d’autres et poursuivent leur formation sans perspective de pouvoir changer les choses de l'intérieur. Faute d'avoir acquis l'autonomie et l'esprit critique qui leur permettraient d'exercer hors de la sphère d'influence de la Faculté, ils deviennent des marionnettes entre les mains des industriels du médicament. Mais ont-ils jamais eu le choix ?
… des médecins phobiques et
dépendants.
La formation d’un médecin dépend beaucoup de
ce à quoi on l’expose ou le soumet, mais aussi bien sûr de sa personnalité propre.
La plupart des étudiants en médecine français, jeunes et juste sortis de l’enseignement secondaire, sont très sensibles à la pression des pairs et à l’influence des Patrons. Or, l’apprentissage du soin à l’hôpital – au contact de malades atteints d’affections graves, invalidantes et souvent mortelles est très éprouvant, émotionnellement parlant. Il favorise une vision très clivée de la réalité : les soins délivrés à l’hôpital sont toujours une question de vie ou de mort ; à l’opposé, les problèmes de santé qui ne méritent pas l’hospitalisation sont négligeables et ne méritent pas les efforts des médecins, puisqu’ils ne méritent pas de leur être enseignés. L’exceptionnel est survalorisé par rapport au quotidien : dans un service de gynécologie, par exemple, on parle beaucoup plus de cancer (du sein, de l’utérus, de l’ovaire) que de contraception ; la grossesse et l’accouchement sont toujours traités comme des situations à risque, alors même que dans un pays développé comme la France, l’immense majorité se déroule sans aucun problème…
La plupart des étudiants en médecine français, jeunes et juste sortis de l’enseignement secondaire, sont très sensibles à la pression des pairs et à l’influence des Patrons. Or, l’apprentissage du soin à l’hôpital – au contact de malades atteints d’affections graves, invalidantes et souvent mortelles est très éprouvant, émotionnellement parlant. Il favorise une vision très clivée de la réalité : les soins délivrés à l’hôpital sont toujours une question de vie ou de mort ; à l’opposé, les problèmes de santé qui ne méritent pas l’hospitalisation sont négligeables et ne méritent pas les efforts des médecins, puisqu’ils ne méritent pas de leur être enseignés. L’exceptionnel est survalorisé par rapport au quotidien : dans un service de gynécologie, par exemple, on parle beaucoup plus de cancer (du sein, de l’utérus, de l’ovaire) que de contraception ; la grossesse et l’accouchement sont toujours traités comme des situations à risque, alors même que dans un pays développé comme la France, l’immense majorité se déroule sans aucun problème…
Cette survalorisation des dangers contribue à convaincre les futurs médecins que leur métier consistera avant tout à « combattre la mort » (ou à "sauver des vies").
Or, la plupart des médecins, une fois diplômés, exercent hors de l’hôpital. Ils
ont affaire en majorité à des patients qui consultent parce que quelque chose
leur complique la vie, non parce qu’ils sont susceptibles de mourir du jour au
lendemain. Cette médecine-là est très différente de celle qu’on leur a
inculquée : elle est beaucoup moins spectaculaire et consiste surtout à dédramatiser,
à proposer des gestes préventifs, à prescrire des traitements au long cours et
en assurer le suivi, à écouter, expliquer, rassurer, soutenir moralement… Bref, à délivrer des soins. Cela, leurs Patrons
ne le leur ont pas enseigné, car ce n’est
pas la médecine qu’ils pratiquent. Mais, comme ils ne connaissent que cette médecine-là, ils continuent à s'y référer, parfois longtemps après avoir fini leurs études.
Mal préparés à la réalité du soin, beaucoup de
médecins deviennent (et restent longtemps) phobiques : ils voient des cancers ou des maladies graves
partout, multiplient explorations, consultations spécialisées, hospitalisations
et traitements lourds. Incapables de critiquer leurs Patrons pendant leurs
études, ils sont aussi très défensifs, une fois diplômés, devant tout ce qui remet en question la
façon dont ils ont été formés. Certains se déferont de leurs phobies et se
mettront à poser des DIU aux femmes sans enfant. D’autres continueront à
affirmer mordicus que c’est « dangereux », sans voir que leur refus expose
les femmes ainsi privées de contraception à des grossesses non
désirées.
La peur qui cantonne un médecin à prescrire de manière « conforme » et sans discussion critique compromet toujours profondément ses obligations envers les patients, et par conséquent la qualité des soins.
Or, les patients ont besoin de professionnels de santé courageux.
La peur qui cantonne un médecin à prescrire de manière « conforme » et sans discussion critique compromet toujours profondément ses obligations envers les patients, et par conséquent la qualité des soins.
Or, les patients ont besoin de professionnels de santé courageux.
***
Un
système immuable - même pour ceux qui tentent de le réformer
Le fonctionnement des facultés de médecine
françaises, dont les coutumes sont ancrées dans la médecine du XIXe siècle, et dont
la structure féodale a été transformée en administration rigide par la réforme de
1958, est un système fermé qu’il est très difficile, voire impossible, de réformer.
Bien entendu, il y a des départements et des services, partout en France, où l'on pratique autrement. Mais ces lieux tranchent le plus souvent sur les départements qui les entourent et on ne les montre pas à la télévision.
Et dans certaines facultés, les doyens (cela arrive régulièrement, je pense à Brest, en particulier) tentent de changer les choses, mais ils sont vite bloqués dans leur démarche, voire mis en échec par les Patrons les plus soucieux de maintenir le statu quo. Modifier les conditions de formation nécessite en effet de penser la médecine comme une activité fondée sur le partage des expériences à l’aune des connaissances scientifiques, le débat démocratique et le dialogue, l’interdisciplinarité via l’établissement de relations horizontales entre tous les professionnels de santé, la collégialité, le soutien aux étudiants, la participation active et constante des patients aux décisions qui les concernent.
Ce qui exigerait, pour commencer, de remettre en question les statuts et prérogatives des personnes installées, torse gonflé et cul vissé, au sommet de la pyramide...
Bien entendu, il y a des départements et des services, partout en France, où l'on pratique autrement. Mais ces lieux tranchent le plus souvent sur les départements qui les entourent et on ne les montre pas à la télévision.
Et dans certaines facultés, les doyens (cela arrive régulièrement, je pense à Brest, en particulier) tentent de changer les choses, mais ils sont vite bloqués dans leur démarche, voire mis en échec par les Patrons les plus soucieux de maintenir le statu quo. Modifier les conditions de formation nécessite en effet de penser la médecine comme une activité fondée sur le partage des expériences à l’aune des connaissances scientifiques, le débat démocratique et le dialogue, l’interdisciplinarité via l’établissement de relations horizontales entre tous les professionnels de santé, la collégialité, le soutien aux étudiants, la participation active et constante des patients aux décisions qui les concernent.
Ce qui exigerait, pour commencer, de remettre en question les statuts et prérogatives des personnes installées, torse gonflé et cul vissé, au sommet de la pyramide...
« ... Et voilà ce qui fait que votre fille est muette. »
Molière, Le médecin malgré lui (1666)
Cela dit, si certains lecteurs ont connaissance ou participent à des expériences novatrices de formation dans une faculté de médecine française, je les invite à temoigner de ces expériences sur ce blog. Ils y seront les bienvenus.
Marc Zaffran/Martin Winckler
ecoledessoignants@gmail.com
(1) 1e
éd Le Diable Vauvert, 2001, 2e éd. Le Diable Vauvert, 2003, 3e
éd. J’ai Lu, 2007
(2) Non,
bien sûr, pas tous les gynécologues, et pas seulement les gynécologues. Mais beaucoup trop de gynécologues, certainement, puisqu’on voit passer
beaucoup de protestations sur les réseaux sociaux, les forums, les sites, et
aussi, à présent, dans les organes de presse en ligne. Et, venant de "spécialistes" de la santé des femmes, c'est très irritant...