Quand vous avez perdu un ou plusieurs touts petits avant leur naissance, vous êtes sommée de vous en remettre au plus vite, de ne pas manifester trop ou trop longtemps une souffrance mal comprise, presque illégitime et qui peut pourtant consitituer un vrai deuil. Il y a un tabou réel, et en meme temps on banalise votre expérience. C’est vrai, une grossesse sur quatre n’aboutit pas, mais la statistique, quand ça tombe sur vous vous, n’allège en rien votre peine. Quant à la fausse couche en elle-même, elle peut être traumatisante.
J’ai écrit ces lignes durant la semaine comprise entre l’annonce de la mort in utero de mon fœtus et son expulsion. Je n’ai rien repris, rien retouché.
Si je tiens à témoigner, ce n’est ni par complaisance, ni par narcissisme, ni par envie d’attirer sur moi l’attention ou la compassion. Je n’ai jamais tenu de blog ou autres, et je ne suis pas du genre à m’étaler. Je suis simplement persuadée que plus on témoigne, plus la spécificité du deuil périnatal sera prise en compte, et mieux l’entourage saura réagir et ne pas ajouter de la détresse malgré lui à la douleur de celles qui ont perdu l’enfant qu’elles portaient. Voici donc ce que j’avais écrit, au fil de l’eau, pendant que je vivais ma cinquième fausse couche.
J’avais déjà fait deux fausses couches, plus jeune. Je ne souhaitais pas être enceinte, je prenais la pilule, j’ai découvert mes grossesses quand mon corps les a rejetées. C’était un soulagement. Je choisis donc de n’évoquer que celles concernant mon couple actuel.
Il a été question assez vite d’avoir un enfant ensemble. Quand nous avons emménagé ensemble, nous avons fait des travaux tout de suite pour ajouter une chambre, pour transformer notre T2 en T3, même si nous nous disions que nous ferions cet enfant dans un an ou deux. Cette pièce existe depuis plus de trois ans à présent, c’est une très jolie chambre, très vide aussi.
Je me suis retrouvée enceinte très rapidement. La première fausse couche a suivi de très peu la bonne nouvelle. Nous étions alors dans un pays qui n’est pas exactement connu pour la qualité de ses hôpitaux dans le but de visiter un parc naturel. J’ai misdes serviettes, ignoré la douleur, j’ai pleuré un peu mais j’ai profité de mon voyage et je suis passée à autre chose étonnamment rapidement. Nous nous sommes dit que cela prouvait au moins que nous étions fertiles malgré notre âge qui commence à être avancé pour un premier enfant.
Quelques mois après, j’étais à nouveau enceinte. Buvant un thé avec une amie, j’ai constaté des saignements légers et inhabituels, très dilués. Ceux-ci vont peu à peu s’accentuer jusqu’à tourner en grosses pertes et en caillots. Deuxième fausse couche, un peu plus tardive. Je suis restée trois jours dans mon lit à pleurer. J’ai perdu beaucoup de sang. Il m’a paru naturel de ne pas aller à l’hôpital, de laisser mon corps faire. On m’a expliqué après coup les risques que j’encourais, mais sur le moment je n’y ai même pas pensé, je voulais juste rester dans mon terrier comme un animal blessé en attendant que ce soit terminé. J’ai écouté mes besoins, je me suis isolée quelques jours, j’ai mangé de la courge et du roquefort parce que c’est ce que mon corps réclamait, je suis allée faire l’ascension du mont Thou sous la pluie parce que j’ai eu d’un coup un besoin frénétique d’activité. La douleur est passée tout doucement. C’était difficile mais assez doux de pouvoir faire les choses à mon rythme, de respecter le temps dont j’avais besoin.
Un an après la première tentative, je retombe enceinte. Les symptômes sont bien plus forts cette fois : je suis épuisée, je termine toutes mes nuits à deux heures du matin mais je suis portée par une sorte de sérénité qui frappe mon entourage. Je suis très heureuse de ce nouveau début de grossesse. Ma vie était trop centrée sur mon travail, qui me prend trop de temps, depuis des années : là mon axe bascule brusquement. Je suis toujours très investie professionnellement, mais ce qui me satisfait profondément est cette petite vie que je sens pousser et qui est devenur, cette fois, ma priorité. Je me sens mère, profondément, dès que mon test est positif, et ce changement me rend intensément heureuse.
La galère médicale commence. Ma médecin traitante refuse de suivre ma grossesse. Je trouve une gynécologue obstétricienne mais qui termine son contrat dans trois semaines. Ma sage-femme ne veut pas me suivre avant les trois mois en raison de mon désir d’acouchement naturel. J’ai fait deux fausses couches en un an et personne ne suit vraiment ce début de grossesse qui est donc à risque. Personne n’aura jamais analysé mes analyses sanguines et urinaires, par exemple.
La gynécologue qui sera la mienne juste pour l’échographie des sept semaines, que je réclame étant donné mes antécédents, me reçoit. On me fait l’échographie endovaginale. J’entends son cœur ! Je suis submergée d’émotions et je prends à la légère le rendez-vous posé par la gynécologue pour la semaine suivante pour vérifier le développement du fœtus qui est trop petit. Sur Internet, je lis des témoignages de femmes à qui c’est arrivé mais qui avaient simplement ovulé plus tard que d’habitude, et dont la grossesse s’est bien déroulée. Le son de son cœur me porte pendant toute la semaine. Mon enfant est vivant, bien accroché, son cœur bat, il a des membres et même des paupières. J’ai fait deux fausses couches, je ne vais quand même pas être du mauvais côté de la statistique une troisième fois. Je commande des tonnes de vêtements de grossesse d’occasion sur Internet, nous organisons un repas pour les trois mois avec nos deux familles pour annoncer la bonne nouvelle, nous réfléchissons à la plus jolie manière de l’annoncer au parrain, nous parlons énormément de notre enfant qui doit naître en mai. Nous sommes comblés.
Deux jours avant la nouvelle échographie, j’ai un mauvais pressentiment. Je ne sens plus les petits tiraillements en bas de mon ventre. Je rejette cette pensée en me disant qu’il n’a que deux mois, que je ne peux pas tout sentir, alors même que j’ai su que j’étais enceinte bien avant de faire le test, quelques jours seulement après la conception. Nous nous rendons à l’échographie. Nous demandons à la gynécologue s’il sera possible d’enregistrer le cœur de notre enfant. Elle installe la sonde, et je vois à son visage que quelque chose ne va pas. Je n’ose même pas regarder l’écran. Elle allume le son : on entend un bruit blanc, comme une fréquence radiophonique inoccupée. Mon utérus est silencieux. L’activité cardiaque s’est arrêtée. Elle m’a fait entendre la mort que je porte. Ce bruit horrible m’a poursuivie durant quelques jours : pourquoi me l’a-t-elle fait écouter alors que l’on peut vérifier l’activité ou l’absence d’activité cardiaque sur le moniteur ? Première violence d’une très longue journée. J’arrive à faire bonne figure le temps qu’elle m’explique que nous devons nous rendre aux urgences pour obtenir le cytotec, que celui-ci n’est pas délivé en pharmacie. Elle marmonne un « bon courage » et je quitte son cabinet.
Dehors, il fait très beau. Le monde n’a pas bougé d’un iota mais le mien vient de s’effondrer. Je m’assois sur un banc et je compose un texto que j’envoie à toutes les personnes au courant de ma grossesse : « Plus d’activité cardiaque. Je dois aller aux urgences faire une IVG. Je n’ai pas envie d’en parler pour le moment ». Et puis je réalise ce que je viens d’écrire, que c’est vrai, que mon enfant est mort et que je dois faire une IVG, et je fais une crise d’angoisse terrible. Mon compagnon est impuissant et inquiet en me voyant littéralement m’étouffer. Je n’ai plus d’air, je suffoque, je m’étrangle dans mes pleurs.
Nous rentrons chez nous manger avant d’aller aux urgences. Nous annulons l’inscription à la maternité, le rendez-vous pris auprès d’une nouvelle gynécologue pour l’échographie du premier trimestre. J’enlève de mes favoris Internet le calendrier de grossesse. Je cache les premiers vêtements de grossesse qui sont déjà arrivés. J’en attends plein d’autres. Je charge mon compagnon de les ouvrir et de les cacher au fur et à mesure, ils me font trop mal.
Nous partons aux urgences gynécologiques. Je ne réalise toujours pas complètement ce qui m’arrive.
On attend longtemps. Normal. Une infirmière me fait une prise de sang. J’oublie pourquoi je suis là, je plaisante avec elle sur les prénoms bizarres que certains enfants portent, et ça me retombe dessus quand je retourne en salle d’attente : j’ai un enfant mort dans le ventre et je suis là pour qu’on me l’enlève. On attend longtemps. Une interne nous reçoit. Je pensais que j’étais tranquille avec mes photos de l’échographie du matin, mais faut en refaire une. Je tombe des nues. Elle m’explique que parfois c’est une erreur et que les bébés sont encore vivants. Je passe de l’abattement à l’espoir en quelques secondes. Elle examine mon col, m’introduit la sonde. Toujours pas d’activité cardiaque. Le bébé ne vit plus. Oui, je sais.
Le fœtus peut être évacué par voie médicamenteuse, elle le vérifie en prenant des mesures. Elle me dit soudain « Je n’aime pas ça ». Un de mes ovaires a un aspect suspect. Elle dit que je fais peut-être, en plus du reste, une grossesse extra-utérine pour un second embryon et que si c’est le cas il faudra l’opérer. Là, c’est trop. J’éclate de rire. J’éclate en sanglots. Je sature, je veux qu’on me donne le médicament, qu’on me laisse rentrer chez moi expulser la mort que je ne veux pas porter.
Elle a besoin d’un second avis et nous renvoie en salle d’attente. On attend très longtemps. Finalement, la personne apte à donner ce second avis arrive. Au lieu de vérifier simplement l’ovaire, elle me refait toute l’échographie, reprend des mesures. On me reconfirme l’absence d’activité cardiaque. Mon bébé est mort. Oui, je sais. J’avais compris dès la première fois. Ce n’est finalement pas une grossesse extra-utérine mais un kyste hémorragique dont on ne me dira pas si c’est inquiétant ou non.
La cheffe de service qui ne m’a ni vue ni examinée refuse, au téléphone, à l’interne, qu’on me laisse partir avec le cytotec. On me planifie une IVG pour quatre jours plus tard et on me laisse rentrer chez moi en espérant que je ferai une fausse couche naturelle d’ici là. Raison invoquée : je suis trop ébranlée pour subir l’IVG. On me refuse ce que je demande : en finir au plus vite. On m’oblige à porter la mort plus longtemps. On ne respecte en rien mes besoins.
Les quatre jours sont un enfer. Je ne supporte pas de croiser mon reflet où je vois l’arrondi du bas de mon ventre. Je suis encore enceinte même si mon enfant est mort. Je ne comprends pas pourquoi on m’impose ce délai durant lequel je ne peux me détacher de cette pensée : mon enfant est mort dans mon ventre. Je ne dors presque pas. Je pleure énormément. J’en viens à espérer cette fausse couche pour l’éviter l’IVG et l’éventuel curetage. Et en même temps, je n’arrive pas à pleinement concevoir que ma grossesse s’est arrêtée.
Les autres fois, il n’y a eu aucun délai entre la mauvaise nouvelle et la fausse couche. Là, on me laisse vivre une véritable torture. J’aurais été apte à subir l’IVG dans la continuité de la journée. C’est ce que je souhaitais. Les journées sont d’une longueur insupportable. Je ne savais pas que je pouvais pleurer autant.
J’étais pleinement la mère de cet enfant à naître qui avait un prénom, une chambre, une marraine, un parrain et sur lequel nous projetions tant d’espoirs et de joie. Et je n’ai plus le droit de l’être. Je suis en deuil de ma parentalité. Ma vie me semble terriblement vide. Je n’arrive à rien. Je ne veux voir personne. La maladresse de certains proches me blesse. Et en même temps je suis terriblement en colère. Cette cheffe de service, sans doute bien intentionnée pourtant, a rajouté de la douleur à la douleur en m’imposant une décision absurde. Je voudrais hurler et écrire des tribunes et en même temps creuser un terrier, m’y blottir et hiberner.
Et j’ai peur. C’est la troisième fausse couche. Celle qui concerne 2% des femmes qui veulent procréer. Celle qui implique qu’on a sans doute un problème médical, ou alors qu’on a vraiment fait n’importe quoi. Je lutte contre la culpabilité. J’aurais dû lever le pied sur le travail. J’aurai dû prendre des comprimés de calcium. J’ai mangé de la muscade. J’ai bu deux verres de liqueur de verveine en étant enceinte de deux jours. J’ai forcément fait quelque chose. Ou mon inconscient me refuse la maternité. Mon corps ou mon esprit me trahissent. Je suis inapte à la maternité. Je lutte contre ces pensées obsédantes mais j’ai beaucoup trop de temps pour réfléchir. Et le bas de mon ventre est toujours gonflé de mon enfant mort.
Mon compagnon est très silencieux. Il encaisse et sa tristesse me fait mal. J’essaie de lui laisser de la place, de lui dire que ce n’est pas parce que je pleure qu’il doit être fort, que ce n’est pas parce que c’est dans mon corps que sa douleur n’est pas légitime. Nous sommes très soudés dans cette épreuve. Nous essayons de penser à la suite : je l’encourage à aller passer son permis, nous planifions la visite d’un appartement. Je me renseigne sur les examens que je vais devoir passer. Je suis découragée d’avance : combien de temps ça prend, l’analyse du caryotype par un généticien ? Je n’ai pas envie que l’on scrute encore mon utérus sous toutes les coutures. Je me renseigne sur l’adoption : cinq ans en moyenne. Et mon enfant est toujours aussi mort dans mon ventre.
Je retourne à l’hôpital le quatrième jour pour qu’on me donne de quoi faire mon IVG à la maison : trois comprimés de misoone pour faire trois tentatives en neuf heures, avec un retour aux urgences en cas d’échec. On me refait une échographie : votre bébé est toujours mort. Oui, je sais, au bout de quatre fois j’ai très bien intégré cette information. Il a réduit de taille, il se nécrose, il faut procéder à l’IVG. Faire le geste de porter à ma bouche le comprimé, comme si j’étais d’accord avec l’idée de perdre mon enfant, a été très difficile. La première tentative ne donne rien, j’ai mal mais rien ne se passe. La deuxième fonctionne aussitôt. Malgré les antalgiques assez forts que l’on m’a donnés (lamaline), je me tords de douleur. Je perds une quantité impressionnante de sang. Etant donné que l’on change mes serviettes toutes les 30 minutes, à un moment toutes les 10 minutes, on se pose la question de retourner aux urgences. Pendant une heure, mon sang coule en filet, comme un robinet ouvert. Je vois des caillots ignobles, et par malchance, je vois aussi la partie inférieure de mon embryon, à moitié sorti. Je saigne pendant une semaine pleine.
Sur le coup, je suis presque soulagée : c’est fait. Mais la tristesse ne passe pas. Ma première pensée en me réveillant n’est plus « Je suis enceinte » mais « Je suis vide ». Je ne sais même pas si tout cela est terminé, j’attends encore la visite de contrôle pour savoir si je vais encore devoir subir un curetage et donc une anesthésie générale. J’ai dans la journée des élans de deux heures durant lesquels je suis efficace, où j’arrive presque à bien faire des choses, et puis je retombe dans des états apathiques.
Au moment où je termine ce texte, ma fausse couche est toujours en cours et je suis en colère. J’ai lu qu’une femme sur trois, et j’en fais partie selon les médecins, est en état de stress post-traumatique encore un mois après sa fausse couche, une sur dix encore neuf mois après. Un grand nombre souffre encore d’anxiété et de dépression des mois après. Et l’entourage peut les aider dans ce moment difficile, mais aussi accentuer ces symptômes en se montrant agacé par leur persistance ou indifférent, encore une fois, non par insensibilité mais parce qu’il ne prend pas la mesure du traumatisme qu’une fausse couche peut engendrer, en fonction de l’histoire des femmes concernées et de la manière dont les choses se sont déroulées.
Avec ce silence imposé des trois premiers mois, peu de personnes ont su que j’étais enceinte. Cela implique, au travail, de faire comme s’il ne s’était rien passé, en s’écroulant en rentrant, avec un sentiment de solitude terrible. Cela implique que l’on parle peu de fausses couches et encore moins de deuil périnatal. C’est tabou. L’entourage ne sait donc pas ce qu’on traverse. Certes, il y a des fausses couches bien vécues ou facilement surmontées, j’en ai eu sur les cinq, mais parfois, la souffrance est là, réelle, vive, et les proches ne savent pas comment réagir par manque d’information. Moi aussi, je n’ai pas été assez vigilante avec des femmes qui ont traversé cela autour de moi avant de le vivre. Un message « Oh non ! Je suis avec toi, bisous », et quand je les voyais deux semaines après, je ne me doutais pas qu’elles souffraient encore autant et je parlais de ma petite vie : je comprends maintenant combien j’ai dû paraître insensible. Ce n’est pas la perte d’un embryon, c’est celle d’une parentalité : mon très petit devait naître le 15 mai, je comptais les jours avant le repas durant lequel on l’annoncerait à nos deux familles, on parlait énormément de lui, on cherchait une crèche, on avait trouvé une jolie manière de l’annoncer à son parrain, cela devenait un casse-tête de m’habiller pour camoufler mon petit ventre, je lui parlais : je l’aimais déjà, moi, ce gosse. Me dire « Ce n’était pas un bébé mais un embryon » me renvoie juste au sentiment d’être incomprise, voire illégitime avec mon deuil périnatal. Me dire « Tu es encore jeune » ne change rien au fait que mon bébé me manque, et que nous ne sommes pas si jeunes que cela, que je ne sais pas ce que vont donner les analyses médicales que nous devons faire, que peut-être qu’en fait je ne pourrai pas avoir d’enfants, de quoi tu me parles là avec mon âge ? Me dire « Tu en auras d’autres » ne m’aide pas, c’est cette grossesse-là qui me manque pour le moment, c’est cette petite vie-là que je pleure. Mention spéciale pour la phrase : « Cela prouve que tu tombes facilement enceinte ». Super. Non parce que si c’est pour en avoir perdu cinq, il va falloir m’expliquer en quoi c’est un avantage d’être si fertile. C’est horrible pour celles qui ne parviennent pas à l’être, c’est évident, mais avouons que pour le moment le résultat est le même entre elles et moi. Et quel est le but de toutes ces petites phrases ? Elles se veulent consolantes mais j’ai juste l’impression qu’on cherche à minimiser, rationaliser ma douleur. Pardon mais je ne suis pas rationnelle pour le moment, je suis encore en train d’évacuer, je suis en pleine chute hormonale et oui, je suis aussi triste et inquiète. Je serai rationnelle plus tard, pour le moment c’est hors de propos, je suis encore en train de vivre, physiquement et moralement, la perte de ce bébé.
Votre amie, sœur, fille, collègue qui traverse cela est vulnérable en ce moment. Elle a besoin de beaucoup de soutien. Et pour ne pas commettre d’impair, vous pouvez toujours l’écouter, simplement l’écouter, et lui dire « Je te comprends, cela doit être terrible, je suis là » et la laisser pleurer dans vos bras. Et revenir aux nouvelles. Si elle a besoin de s’isoler, un simple « Comment tu te sens aujourd’hui ? » ne coûte rien non plus et peut faire des miracles. Et laissez-lui le temps. Il est possible que dans un mois, elle y pense encore. Le deuil périnatal est un deuil véritable, mais pour lequel il y a une sorte de pression : il faut s’en remettre le plus vite possible. Ne participez pas à cette pression, laissez-lui le temps dont elle a besoin. Et à sa prochaine grossesse, elle y repensera sans doute, elle sera anxieuse peut-être, ne la faites pas se sentir illégitime avec ses angoisses.
A nous qui avons perdu notre petit : nous vivons un évènement banal puisqu’il advient 200 000 fausses couches par an en France mais c’est notre fausse couche, nous ne sommes pas une statistique, et si nous sommes au fond du trou, nous en avons le droit. Parlons, soutenons-nous. Je vous envoie toute mon empathie et mes pensées de courage. On va cicatriser, à notre rythme, en espérant avoir le droit nous aussi à une grossesse heureuse la prochaine fois. Tenons bon.
Lilly