mardi 29 novembre 2016

La patiente-médecin et la maltraitance ordinaire - par M.E. (Au-delà des Brutes en Blanc, 3)



M. H. est médecin dans le Sud-Ouest de la France.
Elle m’a envoyé ce témoignage sur ses expériences de la maltraitance médicale.
Il serait bien sûr inacceptable que les médecins soient "mieux" traités que les patients qui ne sont pas médecins. Il reste inacceptable que n’importe quel.le patient.e soit maltraité.e comme elle l’a été.  
MW
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Comme beaucoup de patientes, j’ai été confrontée à des attitudes, qui m’ont d’autant plus interpellée et choquée, que je suis médecin. Quelques lignes pour en parler, et remercier tous les soignants respectueux de leurs patient.e.s, bien heureusement j’en ai rencontré beaucoup et j’espère en faire partie.
Problème de communication ? Je pense qu’aucun des médecins dont je vais vous parler n’est conscient de ce que leur attitude peut avoir de non adaptée, voire délétère, certains pensent même être bienveillants…
Nos études médicales manquent cruellement de psychologie, d’empathie et de vision globale du patient, pour ma part j’ai appris tout cela bien plus tard, grâce à mes patients, et aux formations que j’ai faites.

"Stérilet" :

Mon sympathique gynécologue, après mon second accouchement, me propose un stérilet magique : j’adore le concept, hormonal, je n’aurai presque plus mes règles. Dommage, alors que mon visage est constellé de boutons d’acné post-partum, il n’a pas pensé à me prévenir, que cela risquait de l’aggraver.
Je l’achète en pharmacie, et c’est un nouveau gynécologue, car nous venons de déménager qui me le pose. J’ai fait du forcing auprès de la secrétaire, les délais sont à plus de six mois, j’obtiens un rendez-vous entre deux patientes parce que je dis que je suis médecin, le gynécologue me reçoit, m’interroge à peine, me pose le stérilet, puis une fois rhabillée m’explique que cela ne va pas arranger l’acné que j’ai déjà : je suis décomposée ! Ce n’est pas grave, certes ce n’est que de l’acné, mais j’ai 33 ans, j’aurai dû lire la notice c’est sûr ! Mais zut, quoi !!!
Jusque là, cela peut nous arriver à tous, moi la première.

"Amniocentèse et trisomie 21" :

Je ne lancerai pas de débat sur le sujet, juste mon vécu, en 2009. Je suis enceinte de mon quatrième enfant, suite à mon bilan sanguin rassurant concernant le risque de T21, mon gynécologue m’appelle, me rassure en m’annonçant un risque de 1/700, il me conseille de me rendre au CHU afin de bénéficier d’une échographie fœtale de pointe par le Professeur réputé, car le taux sanguin d’alphafoetoproteine est deux fois supérieur à la normale. Le protocole est de vérifier qu’il n’y a pas de mauvaise fermeture du tube neural.
Je suis d’accord, il m’a gentiment pris le rendez-vous pour le lendemain, je m’y rends seule mon mari ne pouvant pas se libérer, et il s’agit pour moi d’une échographie pour nous rassurer , j’y vais confiante.
A mon arrivée je suis accueillie gentiment par une infirmière qui m’explique comment peut se dérouler une amniocentèse, les risques et le suivi. Surprise, et polie, je ne l’interromps pas , je lui précise tout de même que je ne viens pas pour une amniocentèse, elle m’explique que c’est au cas où elle me serait proposée.
Le professeur pratique l’échographie, très bien, tube neural parfait, mon bébé ne présente aucune anomalie, et j’apprends que c’est une fille !!!
Au comble du bonheur, nous avons 3 charmants garçons, je clame haut et fort, du fait de l’accueil : pas de besoin d’amniocentèse !
Et là : la douche froide, « pas du tout ». Et moi de répliquer en me rhabillant : « l’échographie est normale, aucun signe mineur de T21, mon risque calculé est de 1/700 »,
Mais j’ai bientôt 40 ans, et nous sommes à 15 jours de l’application de la nouvelle loi, plus de remboursement pour amniocentèse systématique pour recherche de T21 au prétexte d’être âgée de plus de 38 ans, cette dernière ne le sera plus que lorsque le risque parait très élevé.
Et là, alors que j’étais confiée par mon gynécologue pour vérifier la fermeture du tube neural, ce charmant professeur, que je respecte sincèrement pour avoir travaillé avec lui, je n’en sais pas s’il m’a reconnu, se met en tête de me prouver que j’ai tort : il me demande mon âge, les dosages de biologie, et me donne avec son logiciel un risque à 1/135 !
Peut-être, je ne veux pas prendre le risque, même faible de 1/1000, de perdre mon bébé, et en plus c’est une fille, et je m’entends dire «  Oui mais un enfant trisomique c’est pour la vie, des enfants vous pouvez en avoir d’autres » !
Je travaillais depuis 7 ans dans ce CHU, je soignais des patients souffrants de mucoviscidose, de myopathie de Duchenne, et tout plein de patients souffrants de maladies plus rares et invalidantes les unes que les autres, qu’il n’est pas possible de dépister avant la naissance, alors : oui je suis enceinte et tout à fait consciente que mon enfant peut ne pas être « normal », et je ne ferai pas cette amniocentèse !
J’en suis d’autant plus ulcérée, que le risque de T21 à 40 ans est en théorie de 1/50, donc ce 1/135 aurait du être considéré comme rassurant, que j’avais déjà mon opinion, une autre patiente se serait peut être laissée convaincre de pratiquer une amniocentèse qui n’était pas au programme. Étrange et choquant.
Notre fille, née en mai 2010, est superbe, et pour le moment est en excellente santé, merci, et si elle avait une T21 nous l’aimerions tout autant qu’avec n’importe qu’elle autre « anomalie » ou pathologie.

"Hystérectomie" :

Plus récemment, suite à un résultat anormal de frottis cervical de dépistage fait pas mon nouveau gynécologue, nous avons déménagé, il s’avère que la biopsie cervicale retrouve un adénocarcinome in situ, multifocal, il m’est proposé une hystérectomie totale sans annexectomie. 

Ne connaissant pas les chirurgiens de la ville dans laquelle je vis et travaille depuis 3 ans alors, je demande conseil à mon adorable gynécologue. Toujours plein de tact et de délicatesse, il me conseille un des trois praticiens, je lui demande lequel est le plus sympa, il me dit le Dr X.
Je prends donc rendez-vous, et lorsque j’y suis, je réalise que j’ai oublié le courrier et les résultats que j’avais si bien préparés qu’ils étaient restés sur mon bureau. Confiante, je lui expose le plus doctement possible mon cas. Il me demande de m’installer sur la table d’examen, me retire mon stérilet en vue de l’intervention, et m’explique qu’il ne pourra pas programmer l’intervention tant qu’il n’aura pas tous les documents en main. Je lui promets de les lui déposer le lendemain même, mais pour programmer l’intervention, peine perdue.
En tant que consœur, me dit la secrétaire, je n’ai pas à régler la consultation. Mais me voilà contrainte à repartir sans contraception, et de reprendre un rendez-vous, et de perdre 1 mois, parce que je n’avais pas la lettre et les résultats de la biopsie : je dis à la secrétaire que j’aurais préféré payer la consultation et même plus pour avoir une date de chirurgie.

Mais voilà, je me plie à la décision, il m’est déjà pénible de savoir que je ne serai plus jamais mère, même si j’ai déjà 43 ans, 4 enfants, même si à chaque retard de règles je me demande qu’elle décision nous prendrions si j’étais enceinte malgré le stérilet, c’est réellement plus difficile à vivre que l’annonce de l’adénocarcinome, car j’ai conscience que ma vie n’est pas en jeu.
L’accueil et le contact glacial, pour une intervention qui pour une femme est un bouleversement, j’en suis abasourdie, et je me demande comment sont ses confrères s’il est le plus « sympa ».

Je n’en parle pas à mon gynécologue, des collègues me conseillent un autre chirurgien, c’est plus loin, pour mon mari, les enfants encore petits, je préfère me faire opérer au plus près. Je retourne en consultation avec les documents, la date est arrêtée, et j’ai eu tellement peu de renseignements, que j’ai passé des heures sur les forums, pour savoir comment les autres femmes avaient vécu cette intervention. C’est un bon chirurgien, techniquement parlant, allons-y, d’ailleurs, il a fait le job, et je n’ai rien à redire de ce côté-là. Avec le sourire, de l’empathie, et une attitude rassurante, cela aurait parfait.

Je demande à l’anesthésiste que je vois en consultation si je peux être opérée sous rachi anesthésie et hypnose, car je souhaite éviter l’anesthésie générale avec des molécules que je connais ; j’ai toujours mieux vécu sans cela. Ce dernier m’explique que le chirurgien refusera tout net, que ce n’est pas confortable pour moi, qu’il vaut mieux être sous AG. Encore une fois, j’obéis bien que déçue, il me faut déjà m’organiser professionnellement, je dois organiser les consultations afin d’être en convalescence un mois, faire venir ma mère pour nous aider, je n’ai pas l’énergie de me renseigner sur des pratiques différentes.

Me voici opérée, et la pire nuit de ma vie, pire que mes quatre accouchements dont trois sans péri durale, et cette douleur qui ne cède à rien de ce que m’administre les sympathiques infirmières de nuit, me laisse un souvenir amer, d’autant qu’une d’elles m’avoue : « Je ne comprends pas ;  d‘habitude les patientes remontent du bloc avec une pompe à morphine, pour vous je ne sais pas pourquoi vous n’en avez pas. » Alors je souffre et elles me donnent tout ce qui est prescrit sans effet ou presque. C’est la nuit, elles ne vont pas appeler et réveiller quelqu’un pour une patiente douloureuse et je suis trop fatiguée pour le demander.

Finalement, l’infirmière le lendemain matin, avant le passage du chirurgien, me propose un suppositoire d’anti-inflammatoires, de sa propre initiative car je suis réveillée, j’ai demandé et fais le calcul qu’en PCA (analgésie auto-contrôlée par les patients), les patientes habituellement peuvent bénéficier d’une dose d’anti-douleurs quatre fois supérieure à celle qu’on me donne ! Je propose de faire la prescription moi-même !

Le lendemain, le chirurgien me dit que je peux reprendre le travail dans quinze jours, je n’en crois pas mes oreilles, j’espère qu’il n’est pas sérieux, j’ai besoin de ce mois de repos, même s’il trouve que tout se passe pour le mieux, c’est ce qu’il m’avait dit en pré-op et ce n’est pas du luxe, car même avec ce mois de repos , j’ai mis 6 mois à me remettre totalement d’aplomb, enfin il m’a fait l’arrêt d’un mois.

A ma sortie de l’établissement, je croise l’anesthésiste, je lui demande pourquoi je suis remontée sans PCA, et là il me répond avec un grand sourire « Au bloc on vous a demandé si vous aviez mal, vous avez répondu non, alors pour vous éviter de vomir, on a décidé de ne pas mettre de PCA »*. Je n’ai jamais eu de morphine, personne ne pouvait savoir si j’allais bien ou mal toléré mais ils savent que c’est douloureux, et si j’avais vomi il était toujours temps d’essayer autre chose ! J’en suis restée sans voix ! En 2013……

M. H. 

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* Trois remarques explicatives :

·       En raison du mode d'action des anesthésiques, et  d'une fréquente amnésie post-opératoire, les conversations qui ont lieu juste avant l'intervention et au réveil sont le plus souvent oubliées par les patients. Tous les anesthésistes savent ça. En principe.

·       En post-opératoire immédiat, les patients peuvent certes répondre à des questions simples et ils peuvent certes ne pas avoir mal parce que l’anesthésie est encore efficace ; mais ça ne veut pas dire qu’ils n’auront pas mal plus tard, quand ladite anesthésie aura cessé d’agir. S’assurer qu’un.e patient.e ne souffre pas dans les heures qui suivent une intervention, c’est le b-a ba de l’anesthésie. 

·       L’anesthésiste a invoqué le « souci » de ne pas provoquer de vomissements par la prescription de morphine. Mais le souci de « prévenir » un effet secondaire possible et hypothétique justifie-il de NE PAS soulager la douleur ? L’argument de cet anesthésiste me fait penser à celui qu’on opposait jadis aux cancéreux au stade terminal qui réclamaient de la morphine : « Je ne vous en donne pas car vous risquez de devenir accro… »

MW




jeudi 24 novembre 2016

De but en blanc - Lettre d'une interne en médecine générale (Au-delà des Brutes en Blanc, 2)


6 nov. 2016

De but en blanc

C’est avec intérêt que j’ai lu votre livre « Les Brutes en blanc »,  M. Winckler. J’ai d’abord cru à une trahison, un coup de couteau par un membre de ma propre famille professionnelle. Et Dieu sait si c’est blessant. Touchée en plein coeur, j’ai eu mal.

Je crois que ces propos sont entrés en résonance d’une part avec une vérité nue que je n’ai jamais souhaitée (suis-je tombée si bas? suis-je si loin de mes convictions initiales?), d’autre part à ma propre souffrance en tant que membre d’un corps médical à l’agonie. Si cet écho sonne comme une vérité blessante, elle est aussi le reflet, la preuve tangible de notre propre souffrance nous professionnels de santé et de ses conséquences dramatiques. Et si nous osions nous l’avouer?

Cependant, il me semble qu’un pavé dans la mare est vain lorsqu’il ne produit pas d’ondulations à la surface de l’eau. Une vérité (qui plus est douloureuse) n’est bonne à dire que lorsque l’on espère qu’elle produira un quelconque changement. Et c’est là que je vois poindre une once d’espoir quant aux membres du corps médical que vous décriez tant, M. Winckler. Oui, ce livre serait vain et j’ose croire qu’il ne serait jamais sorti si vous ne pensiez pas qu’un changement soit possible. Si vous ne voyiez pas en ces brutes, des agneaux défigurés par un système inadapté. Je le vois donc comme un appel à accepter de regarder et panser ses blessures afin de pouvoir mieux s’occuper de celles des autres.

Je n’ai que 27 ans, quoique 9 ans d’études derrière moi, mais pas encore mon diplôme de docteur en médecine. L’on ne m’avait pourtant jamais prédestinée à devenir une brute… Je suis sûre de l’avoir pourtant déjà été, un peu, parfois, et pourtant…bien malgré moi. J’ai vu au cours de ces 9 années, s’effriter cet idéal qui m’a permis de franchir tant de caps difficiles. Un métier humain, me donnant jusqu’à une raison d’être au monde. Cette conception du métier s’est vu confrontée puis rapidement écrasée par une pratique uniformisée de la médecine générale avec des consultations de 15 minutes, les yeux rivés sur les aiguilles de la montre. 


Médecin impatient que le dit « patient » dégaine sa carte vitale, avant de débiter son motif de consultation (d’une traite si possible) en l’espace de quoi j’ai bon espoir qu’il commence à se déshabiller (dans le même temps si possible) pour que je l’examine, afin de différer l’explosion de ma salle d’attente puis ma propre destruction au travers d’un sentiment 
d’inachevé et de désespoir, j’ai passé quelque temps dans ces sombres méandres et ce désespoir déjà si jeune, j’y retourne parfois.

Mais j’ai, grâce à « des brutes formidables », vu que la laideur incarnée n’est pas forcément très loin des plus beaux chefs d’oeuvres humains, qu’il s’en faut peu pour passer du pire… au meilleur. Le désespoir et l’impasse ne se trouvent-ils pas dans l’incapacité à créer une nouvelle voie, un nouveau chemin ? J’invite donc toutes les brutes que vous avez mises en colère, à user de leur créativité. 

Après la brute, le bon ou le truand ?

Elodie-Mathilde Fossembas

(Interne en médecine générale, Paris VII)


vendredi 18 novembre 2016

Un "Module d’Humanisme Médical Transdisciplinaire", pourquoi faire ? - (Au-delà des "Brutes en Blanc", 1)

La publication des Brutes en blanc a suscité beaucoup de réactions. Certaines ont été très violentes, très sonores, et centrées presque exclusivement sur le titre (le communiqué de l'Ordre des médecins daté du 7 octobre 2016), mes intentions supposées ("régler des comptes") ou les conséquences néfastes du livre sur la relation de soin. 

Mais il n'y a pas eu que des réactions négatives, et de loin. 
Je compile actuellement les dizaines de témoignages reçus de patients qui ont subi des maltraitances et m'ont écrit à la suite de la publication ou de sa mention dans la presse. Je les publierai (anonymisés) dans les semaines qui viennent). 
J'ai reçu aussi beaucoup de témoignages de soutiens de professionnels de santé - médecins, infirmier(e)s, sages-femmes, psychothérapeutes, orthophonistes, et bien d'autres. 

Je vais eux aussi les publier au fil des semaines. 

Commençons par un long texte, qui m'a été adressé par trois enseignants en faculté de médecine. 

Dans un courrier daté du 17 octobre 2016, le Docteur Gérard Ponsot, professeur honoraire des universités et ancien chef de service de pédiatrie à l'hôpital Saint Vincent de Paul m'écrit : 

"J'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre dernier livre Les Brutes en blanc et vous remercie de votre vigoureux cri d'alarme sur les différentes formes de déshumanisation que l'on rencontre en France chez beaucoup trop de médecins. 

(...) 

Permettez moi de vous faire parvenir le texte du "Module d'Humanisme Médical Transdisciplinaire". Son but est d'apporter dans des siguations où l'humanité des soignants est particulièrement sollicitée des réflexions éthiques et humaines à tous les internes, au moment où ils sont confrontés à ces situations et se posent des questions. 

Je me bats avec d'autres depuis plus de 2 ans pour que ce module fasse partie du cursus des études médicales et soit obligatoire. Il a été présenté à de nombreuses personnalités universitéaires et en particulier à la Commission Nationale des études de maieutique, médecine, odontologie et pharmacie qui est en charge de la réforme du troisième cycle. 

Il reçoit un bon accueil mais comme on dit familièrement, la "mayonnaise" n'a pas encore pris. Je sais que le combat sera difficile."  

J'ai proposé à Gérard Ponsot de publier le module sur ce blog. Il m'a demandé d'y associer le nom de deux de ses collègues, eux aussi très impliqués dans sa conception - et dans le combat pour le faire adopter : le Professeur Bernard Golse et le Docteur Pierre Canaoui, tous deux pédopsychiatres et enseignants à l’Hôpital Necker et à Paris Descartes. 

En voici le texte. 

Je ne doute pas qu'en France, d'autres enseignants tentent de proposer - et de diffuser - des modules similaires, destinés à pallier les manques de la formation médicale. Je serais heureux de publier ici des compte-rendus ou descriptions de leurs projets ou des formations déjà en cours. 

MW. 


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Un    "Module d’Humanisme Médical Transdisciplinaire"  pourquoi faire ?
" La Médecine n’a de sens que si l’Homme y est mis au premier plan" 
(Professeur François- Bernard Michel)


I)              Argumentaire
Il y a un décalage, déjà ancien, mais qui risque de s’aggraver chez beaucoup de médecins, entre leur "accaparement " pour apprendre et maitriser les nouvelles technologies biologiques et médicales, acquisitions bien sûr tout à fait indispensables, et celles leur permettant de communiquer avec les malades, de les écouter, de soutenir leur autonomie souvent compromise par la maladie, le déni, la douleur et la dépression
L’Homme avec l’acquisition de ces nouvelles technologies, "contrôle et contrôlera" de plus en plus "Lui-même et son Environnement" ce qui est souhaitable, mais n’y a-t-il pas un risque de "déviation grave" si ce "contrôle" n’est pas "constamment accompagné" par une réflexion éthique et humaine ?

II)  Objectif du Module

Le but du module est d'apporter, dans des situations ou l’humanité des soignants (voir plus bas) est particulièrement impliquée, des réflexions éthiques et humaines à tous les internes en début d’internat ou au cours de celui-ci au moment où ils sont confrontés à ces situations et où ils se posent des questions.
Ce Module ferait partie du cursus des études médicales et serait obligatoire. Il serait organisé par les Facultés de Médecine car ce sont les médecins qui sont en responsabilité dans ces situations de vulnérabilité Humaine, mais transdisciplinaire - sciences humaines et sociales, juridiques, politiques en fonction des thèmes. 
Cet enseignement traiterait sept Thèmes (Voir plus bas) correspondant à des situations ou l’humanité et l’éthique des soignants sont particulièrement impliqués. Il pourrait être ouvert aux autres médecins, ville, EPHAD, instituts médico-sociaux mais aussi aux infirmières, aides-soignantes, psychologues, aidants- professionnels en activité  car tous ces professionnels sont  appelés à travailler ensemble dans toutes ces situations complexes, douloureuses comme celle de  la fin de vie. Il pourrait s’adresser également  aux citoyens en tant qu’auditeurs libres, car beaucoup  d’entre eux (8 à 10 millions en France) sont ou seront des Aidants proches ou familiaux, des Aidants bénévoles dont le  rôle est essentiel dans l’accompagnement des personnes atteintes  d’affections graves, des personnes âgées ou handicapées, des personnes en fin de vie ».

Les enseignants appartiendraient  aux différents spécialités indiquées plus haut, médecins, urgentistes, réanimateurs, médecins des soins palliatifs, médecins de ville et des EHPAD, professeurs d’éthique, psychiatres , soignants non médecins infirmières, psychologues etc., chercheurs, sociologues, philosophes, enseignants des différentes religions (Catholiques, Protestants, Juifs et Musulmans), juristes et politiques, sans oublier les patients, les parents, les familles  dont les témoignages sur plusieurs sujets indiqués plus haut, n’ont pas d’équivalent sur le plan de l’Humanité.

A ce niveau de compétences, d’expérience et de formation des participants, le module doit proposer des modalités d’enseignement adaptées, très peu de cours , surtout des échanges ,débats, tables rondes contradictoires ou non et des témoignages qui doivent occuper une place importante.

Il  est  essentiel dans ce module d’humanité médicale de donner une grande place aux témoignages, de médecins hospitaliers, de ville, d'EHPAD, d’Instituts médico-sociaux pour relater les difficultés qu’ils rencontrent dans toutes ces situations complexes et proposer des solutions, d’infirmiers ou infirmières qui ont une « proximité particulière »avec les patients dans ces situations complexes et douloureuses, de personnes ayant une maladie grave, de parents, de familles ayant accompagné un fils, une fille, un frère, une sœur lors de leur phase de fin de vie, de parents ayant été confrontés à l’annonce d’un handicap, d’aidants proches ou familiaux, de bénévoles accompagnant une personne atteinte d’une maladie grave ou en fin de vie etc …
      
          III  Description du module
Sept Thèmes :
  1) La relation de confiance Médecin /patient : derrière  ce corps  à soigner, il y a une « personne », une « Famille » un « environnement ». La relation de confiance permet d’avoir une vision globale de la personne, essentielle pour la soigner et l’accompagner avec compétence et humanité. Elle permet aussi d’envisager avec le patient au cours de « discussions anticipées » les différents aspects de sa maladie, les thérapeutiques à employer son évolution et, d’aborder progressivement  des situations douloureuses comme la fin de vie  ce qui pourrait permettre de faciliter la rédaction conjointe  Médecin /Patient  des « directives anticipées » ou en cas de personne en situation de grande vulnérabilité (personne qui ne peut pas donner son avis) de « recommandations anticipées » avec la famille, les proches ,le tuteur  (1/2 Journée)

2) La mort, son accompagnement, les soins palliatifs  avec ses différents aspects, médicaux, psychologiques, éthiques, philosophiques, sociétaux, spirituels, juridiques et politiques .
 (2 Journées)

3) Prendre soin de ceux qui ne guériront pas : Les maladies et  affections chroniques .Le Médecin, les soignants, les autres accompagnants   confrontés à «l’incurabilité» (1 Journée)

 4) Les personnes différentes : Les Personnes âgées, les Personnes très vulnérables (Handicapées, états de conscience minimale), les Personnes dyscommunicantes (Troubles du spectre de l’autisme) Leurs spécificités physiques et surtout cognitives, communicatives et affectives .Comment les accompagner au cours de leur vie jusqu’à leur  fin de vie ?  L’annonce d’un handicap et l’accompagnement des familles. Leur accueil dans des milieux qui les connaissent pas ou mal et qui sont souvent « hostiles » pour ces personnes très fragiles : Hôpital, Urgences etc .. . (2 Journées)

5) Les nouvelles technologies : ciseaux génétiques (technique CRISPR-Cas 9), les cellules souches, le numérique avec en particulier les algorithmes, la robotique, l’intelligence artificielle qui vont pouvoir aider voire réparer l’homme mais qui, s’ils ne sont pas constamment encadrés par des réflexions scientifiques, éthiques, philosophiques, spirituels, peuvent être déviés dans leur utilisation pour "modifier" ou "transformer" l’Homme avec des conséquences imprévisibles d’une grande gravité.  .
(2 Journées)

6) Optimisation de l’organisation du système de santé en France pour obtenir un accompagnement plus efficace et plus humain des personnes malades

Quelle coopération entre les différents secteurs de santé, services publiques, cliniques privées, médecins de ville, soins à domicile, instituts médico-sociaux, EHPAD, pour améliorer la répartition des tâches, l’accueil, la circulation des informations dans et entre ces différents secteurs indispensables à l’Humanisation de l’acte Médical ? 

Mieux discerner les indications des examens complémentaires, éviter les examens inutiles, leur répétition (Les Internes sont souvent en première ligne pour les prescriptions +++) .Eviter, les thérapeutiques couteuses  et souvent à risque sans bénéfice pour le patient, les hospitalisations abusives, en faisant en sorte que les malades soient soignés et accompagnés, dans la mesure du possible, dans les lieux de leur choix, comme le domicile.

Cette optimisation des soins permettrait non seulement d’améliorer l’accompagnement des personnes malades mais aussi de diminuer le découragement, l’épuisement, les souffrances des Personnels de santé que l’on perçoit trop souvent dans les différents secteurs de soins sans entrainer un emballement des dépenses de santé au contraire. (2 Journées)

7) Etat de la Formation et des réflexions  sur les thèmes 2,4, 5 et 6  dans les pays d’Europe y compris Scandinaves, les Etats unis et le Canada. (1/2 Journée)

Ce Module serait en continuité et en complément  de tous les enseignements qui existent déjà sur ces sujets de soins et  d’humanité, lors des  1 er et  2émé cycle des études médicales, dans les enseignements et formation des soins palliatif ,des ateliers d’éthique, des formations continues, des DIU etc… Il  ne pourrait qu’inciter un plus grand nombre de médecins et paramédicaux à compléter leur formation sur ces grands thèmes de soins et  d’humanité en suivant ces enseignements essentiels (soins palliatifs, ateliers d’Ethique, formations continues, DIU etc…)
Mais  il serait fait à un moment ou  les médecins (Internes) sont confrontés à ces situations et où ils se posent des questions.

IV)          Organisation du module  (propositions)

Ce Module ferait partie du cursus des études médicales et serait obligatoire. Les internes ne pourraient pas passer leur thèse sans l’avoir suivi.

Ce module comprend 10 Journées. Il pourrait être organisé de la façon suivante :

 - Soit  entre la réussite au concours et le début de la prise des fonctions d’interne

 - Soit plutôt durant les 2éme et  3éme années d’internat (deux à trois thèmes par an), car durant la première année les internes sont accaparés par leurs nouvelles fonctions et responsabilités et durant la dernière année par leur DES, leur mémoire, la recherche d’un poste de clinicat etc ..

Ce module pourrait d’abord être organisé dans deux ou trois Facultés de Médecine (Deux à Paris et une en Province ?) et évalué avant d’être éventuellement étendu.


Gérard Ponsot, Bernard Golse, Pierre Canaoui 

Contact : gerardponsot@orange.fr