jeudi 5 juillet 2018

Est-ce que les examens gynécologiques sont « forcément » douloureux ? - par Marc Zaffran/Martin Winckler



Un soir de l’été 2001, sur France 2, j’ai entendu M. Cymès déclarer
« Hors de la pilule, il n’est point de bonne contraception ».
J’étais en train de mettre la dernière main à Contraceptions mode d’emploi, près de 500 pages qui disaient le contraire. Ça m’a un tantinet agacé. Mais M. Cymès n’était pas spécialiste de la contraception. Il ne venait pas de lire un paquet de références scientifiques sur le sujet. Il n’avait pas lu mon livre non plus. Il n’était donc pas surprenant qu’il profère des contre-vérités en ce domaine. (Les deux gynécologues assis à la même table n’ont pas relevé, ce qui est en revanche regrettable, mais c’est un autre débat.)

Cette semaine, en 2018, c’est à dire dix-sept ans plus tard, j’apprends que Madame la Dre Paganelli, gynécologue et secrétaire du Syngof (Syndicat national des gynécologues et obstétriciens français) a - parmi beaucoup d’autres bêtises que le Bétisier officiel de l’obstétrique a parfaitement soulignées -, déclaré dans un entretien :

« On nous reproche beaucoup la douleur des actes gynécologiques, mais on n'a pas de solution par rapport à ça, on n'a pas d'autres techniques. Cela reste douloureux et invasif. Sinon, on arrête de soigner. »

Or, il se trouve que, avec mon collègue, ami et co-auteur Alain Gahagnon, algologue au Mans, je suis en train de mettre la dernière main à un livre consacré à la douleur, sa prévention et son traitement. (Tu comprendras ta douleur – à paraître fin 2018 chez Fayard.)
La phrase de Mme Paganelli m’a donc beaucoup agacé.

Car contrairement à M. Cymès,  Mme la Dre Paganelli, gynécologue et secrétaire du Syngof, devrait savoir de quoi elle parle : il s’agit de sa propre spécialité.

Sa déclaration est doublement malheureuse. D’abord parce que même si aucun geste médical n’est agréable,  « D’abord ne pas nuire » est l’une des premières règles auxquelles une médecin doit se plier ; en s’assurant, d’abord de provoquer le moins de désagrément possible (douleur, en particulier) lors de TOUT geste pratiqué.

N'ayant pas reçu de super-pouvoirs, les médecins n’ont pas d’obligation de résultat (on ne peut pas s'attendre à les voir toujours tout guérir et de sauver tout le monde), illes ont une obligation de moyens : illes doivent toujours mettre en œuvre les méthodes disponibles pour accomplir leur mission de soin. En fait, illes peuvent commencer à soigner avant même de faire le moindre geste... En ayant du respect pour les personnes qui ont besoin de soin. 
On sait que la réalité n’est pas nécessairement conforme à nos désirs. Est-il pour autant légitime, comme Mme la Dre Paganelli, de déclarer que les examens gynécologiques sont forcément douloureux et invasifs ?
Non. Et voici pourquoi.

La prévention de la douleur

Chez une personne en bonne santé, le principal facteur accentuant la perception de la douleur est bien connu : c’est la peur. La peur d’avoir mal augmente la douleur, de même que l’absence de peur la réduit.   
La prévention de la douleur (dans n’importe quelle situation) commence par des actes simples, mais extrêmement efficaces, qui ont tous pour objet de rassurer la personne à qui on va faire le geste (potentiellement) désagréable.

Notion n° 1 : tout geste médical peut être désagréable parce que se mettre entre les mains d'un médecin, ça peut inquiéter. 

Le simple fait d’être touchée par une inconnue l’est déjà ; être touchée par une personne d’autorité, susceptible de vous faire mal ou de poser la main sur une zone intime de votre corps l’est encore plus. Les patientes ne le savent que trop bien. Les médecins le savent aussi. En principe.

Lever (au moins en partie) l’anxiété liée à cette perspective n’exige pas d’avoir une formation en neurobiologie. C’est à la portée de tout le monde : il suffit de décrire et d’expliquer le geste, en répondant à toutes les questions que cette explication déclenche, et de demander l’autorisation de le faire.
(Scoop : pour un médecin, demander l’autorisation à une personne de la toucher ou de faire le moindre geste sur son corps est AUSSI une obligation déontologique et légale.)
Evidemment, pour faire ça, il faut s’adresser à la personne en la regardant dans les yeux, sourire (sans moquerie), l’écouter, lui parler, la rassurer. En prenant son temps car la hâte est source de stress, et donc d’inquiétude.

Règle n°1 de la prévention de la douleur : aborder avec bienveillance, avertir, expliquer, rassurer, demander la permission. Prendre son temps.

- Et si la personne dit non ?
- Eh bien, on ne fait pas le geste. Comme ça, on est sûr qu’il ne sera pas douloureux.
- Mais comment je vais pouvoir faire mon métier si les gens ne veulent pas que je les touche ?
- Mmmh… Vous avez fait dix ans d’études et vous n’avez pas plus d’imagination et de ressources que ça ? Triste. Mais puisque vous semblez en avoir besoin, j’écrirai un autre article pour vous donner quelques pistes.

***

Notion n°2 : Les gestes pratiqués en consultation gynécologique sont plus désagréables que les autres gestes médicaux.

Là encore, pas besoin d’un diplôme d’études supérieures pour le savoir.
En plus des précautions et prévenances sus-mentionnées, une soignante peut diminuer ou limiter l’inconfort d’un examen des seins ou d’un examen gynécologique (lorsqu’ils sont faits, voir plus bas) en respectant la pudeur de la personne – c’est à dire, après avoir obtenu son consentement pour les faire, en n’exigeant pas qu’elle se déshabille entièrement, en ne se précipitant pas d’emblée sur les zones les plus intimes, en la touchant avec délicatesse et en limitant le contact au strict temps nécessaire. Ça s’apprend. Et le meilleur moyen de ne pas faire mal, c’est d’être attentif à ce que les femmes disent, à ce qu’exprime leur visage, à leur langage corporel. Ça s’apprend aussi.

Il va sans dire – mais ça va encore mieux en le disant – que les soignantes doivent s’abstenir de tout commentaire « qualitatif » sur l’anatomie des personnes qu’illes examinent. Illes peuvent dire : « Je ne vois rien d’anormal ou d’inquiétant ». Illes ne peuvent pas dire : « Vous avez de jolis seins » (par exemple).   
Car ces commentaires sont eux aussi source de malaise – donc, susceptibles de rendre douloureux les gestes pratiqués.


Règle n°2 : Respecter la pudeur de la personne examinée. Ne pas faire de commentaire déplacé ou inapproprié.

***

Notion n°3 – Les examens « systématiques » pratiqués par les gynécologues sont le plus souvent inutiles. En particulier quand c'est pour prescrire une pilule contraceptive.

Chez une femme qui ne se plaint de rien, l’examen des seins ne sert à rien.
Chez une femme qui ne se plaint de rien, l’examen gynécologique (« toucher vaginal ») n’a pas non plus d’intérêt. (Il n'en a pas non plus chez une femme enceinte qui va bien.) 

Pour que vous vous en convainquiez, je vous suggère simplement de réfléchir à ceci : les testicules sont aussi facilement accessibles que les seins ; la prostate est aussi facile à examiner que l’utérus, alors pourquoi ne fait-on pas d’examen annuel des testicules et de la prostate aux hommes avant 50 ans ?

(Pour l'absence de conditions à la prescription de pilule, je ne reviens pas là-dessus en détail, c’est décrit très précisément ici.

Quant au frottis de dépistage des anomalies du col de l’utérus, il est inutile de le faire avant l’âge de 25 ans.

Par conséquent, si vous avez moins de 25 ans, et si vous allez bien, vous n’êtes pas tenue d’aller voir un gynécologue chaque année pour « vérifier que tout va bien » : si vous allez bien, tout va bien. Un.e gynécologue ne constatera rien d’autre que ce que vous savez déjà vous-même. En fait, si vous n'avez besoin que d'une prescription de pilule, d'implant ou de DIU ("stérilet"), vous pouvez toujours vous passer de gynécologue : un généraliste, une sage-femme peuvent vous prescrire votre contraception. Si vous êtes l'heureuse utilisatrice d'un DIU posé entre les âges de 15 et 18 ans, et si vous vous portez comme un charme, vous pouvez même vous passer de revoir un.e professionnel.le de santé jusqu'à l'âge de 25 ans. (On peut porter les DIU marqués "5 ans" pendant au moins 7 ans, et ceux qui sont marqués "10 ans" pendant deux ans de plus. Chouette, non ?) 

Quand est-il utile qu’un médecin vous examine les seins visuellement et avec ses mains ?
Essentiellement, si vous-même avez constaté quelque chose qui vous inquiète sur ou à l’intérieur d’un de vos seins. En dehors de ces circonstances, c’est inutile et injustifié.

Quand est-il utile qu’un médecin examine visuellement la région vulvaire (grandes lèvres, petites lèvres, vulve) ?
Essentiellement, si vous avez constaté une anomalie (rougeur, gonflement, démangeaisons, écoulement) ou si vous avez mal. En dehors de ces circonstances, c’est inutile et injustifié.

Quand est-il utile qu’un médecin vous fasse un examen gynécologique (« toucher vaginal ») ?
Essentiellement, si vous ressentez des symptômes (douleur, brûlures, gêne, démangeaisons pesanteur du bas-ventre, crampes, saignements, écoulements inhabituels, fièvre) évoquant une affection du vagin, de l’utérus, des trompes, des ovaires, et qui surviennent spontanément ou pendant des rapports sexuels avec pénétration. En dehors de ces circonstances, c’est inutile et injustifié.
A noter que l’échographie permet de recueillir des informations plus précises que le « toucher vaginal », dont la précision varie beaucoup avec la personne qui le pratique, et qui contrairement à l’échographie, ne permet ni photos ni mesures.  

Quand est-il utile de vous faire un examen au spéculum ?
L’examen au spéculum sert essentiellement à examiner l’intérieur du vagin et à accéder au col de l’utérus.
Il est utile, en gros, dans trois circonstances :
- vous avez des symptômes situés dans le vagin (douleurs, démangeaisons, brûlures)
-  vous allez vous faire faire un frottis de dépistage ou poser un DIU (« stérilet »)  
- le médecin doit pratiquer un geste précis sur le col de l’utérus (recueillir des secrétions avec un long coton-tige pour analyse ; faire une biopsie ou un traitement sur le col ; procéder à une IVG).

En dehors de ça, il n’y a aucune raison de vous faire un examen au spéculum ; pas même « pour s’assurer que tout va bien ».

Tous ces examens sont désagréables. Pour autant, comme on l’a dit plus haut, un médecin doit tout faire pour qu’ils ne soient pas douloureux. En commençant par ne pas les faire quand ce n'est pas justifié. 

Règle n°3 : Un geste inutile n’est jamais douloureux quand on ne le fait pas.

***
Notion n°4 : Un médecin doit tout faire que les gestes potentiellement douloureux ne le soient pas.

D’abord, ille doit vous prévenir avant chaque geste.
Ensuite, s’ille est amené.e à utiliser des instruments, ille doit vous les montrer et, si possible vous laisser les examiner (il y en a sûrement qui ne servent qu’à ça dans le tiroir de son bureau).
Enfin, ille doit se donner les moyens de faire ces gestes sans douleur.

L’examen des seins doit être indolore
L’examen visuel des seins (la peau, la forme, la symétrie) se fait en position debout ou assise, le médecin vous demande de lever les bras, et regarde de face et de profil. S’il n’y a pas d’anomalie franche (que vous aurez déjà constatée), ça ne doit pas durer plus de quelques secondes, et ça ne doit susciter aucun commentaire. Un examen visuel des seins, ça n’est pas pour le médecin une occasion de se rincer l’œil. Si vous avez le sentiment qu’ille le fait pour ça, il y a un problème.

Pratiqué correctement, l’examen des seins est indolore. (Même s’il peut rester gênant.) En l’absence d’anomalie (un gonflement, une inflammation), si l’examen est douloureux c’est parce que le médecin appuie comme une brute ou serre le sein entre ses doigts – ce qui est non seulement inacceptable, mais inadéquat : un sein doit toujours être examiné du bout des doigts de la main posée à plat, de préférence quand la personne est allongée sur le dos. Si les doigts ou la main « pincent » le sein, on sent forcément des « boules » (Faites l’expérience sur vous-même, vous verrez) et ça fait mal !

L’examen de la région vulvaire doit être indolore
C'est un examen presque toujours gênant, en raison même de la position dans laquelle il se fait. Ça peut aider d’être installée en position semi-assise (et non allongée sur le dos) et de pouvoir choisir d’avoir un drap tendu sur les cuisses (et vous ne verrez pas la tête du médecin quand ille se baissera pour vous examiner) ou au contraire de ne pas en vouloir, afin de voir ce qui se passe. Le médecin peut être amené.e à rechercher une zone douloureuse avec le bout de son doigt ganté ou avec un coton-tige. Ille ne doit pas avoir d’instruments métalliques inquiétants entre les mains. Et, encore une fois, s’ille vous touche, ille doit vous prévenir.

L’examen gynécologique et l’examen au spéculum peuvent se faire en position latérale (dite « à l’anglaise »). La pose de DIU (« stérilet ») également. C’est moins confortable pour le médecin, mais si c’est ce que la femme préfère, c’est mieux !
Evidemment, pour ça, il faut que la table soit assez large pour que la femme puisse s’allonger confortablement sur le côté, les cuisses repliées (en chien de fusil), ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas dans toutes les salles d’examen médicales…

- Mais y a des femmes qui ne voudront pas !
- Certes, mais il y en a qui veulent déjà, et d’autres qui voudront essayer. Si on leur propose les deux positions, elles pourront toutes choisir.
- Mais y a des médecins qui sauront pas le faire !
- Quelqu’un qui a  fait plus de dix ans d’études ne peut pas apprendre à examiner en tournant la tête à 90° ?!!! J’ai de la peine à le croire.

L’examen gynécologique doit être indolore
Si vous vous plaignez d’une douleur de la vulve et du vagin, et si le médecin ne voit rien à l’examen visuel, ille peut être amené.e à palper l’entrée du vagin en introduisant le bout de l’index. Cela doit toujours être fait de manière précautionneuse et délicate, en appliquant du lubrifiant (de l’eau ou un liquide antiseptique non irritant, par exemple) sur le gant d'examen. Ça sera désagréable mais (à moins qu’il n’y ait une anomalie), ce sera indolore.
Il arrive que le contact déclenche une brûlure ou une douleur s’il y a une inflammation de la vulve, ou provoque une contracture réflexe douloureuse des muscles qui entourent l’entrée du vagin.
Si le contact déclenche une douleur, le médecin doit cesser son geste immédiatement.

Lorsque le « toucher vaginal » est destiné à explorer l’utérus et les ovaires, le médecin introduit l’index et le majeur (mais il peut aussi choisir de n’introduire que l’index) et pose l’autre main sur le bas-ventre de la femme. L’examen consiste à maintenir l’utérus et les ovaires (grâce à la main posée délicatement sur l’abdomen) pour que le majeur et l’index introduit dans le vagin les « touche » à bout de doigt.

Avant l’échographie, le toucher vaginal servait essentiellement
- à évoquer une grossesse (de par la taille de l'utérus) ou à un accouchement imminent (de par la dilatation du col) ;
- à évoquer une tumeur de l’utérus (fibrome) ou d’un ovaire ;
- à évoquer une infection (le toucher vaginal déclenche une douleur) ou une grossesse extra-utérine (grosseur + douleur sur une trompe).
Tout ça peut être diagnostiqué aujourd’hui grâce à l’échographie et à divers examens sanguins.

Autant dire qu’en dehors des situations où il n’y a ni pharmacie (pour les tests de grossesse) ni échographe ni laboratoire ni hôpital (pour le reste) à moins de cinquante kilomètres, et si vous n'appelez pas le médecin en urgence, de nuit, alors que les routes sont coupées par la neige ou une inondation, un "toucher vaginal" n’a pas d’utilité.

- Certains médecins font mal, d’autre non. A quoi ça tient ?
- Essentiellement, à la manière dont illes procèdent. Et au fait qu’illes appuient comme des brutes sur des zones sensibles. 

Un examen gynécologique ne doit pas durer plus de 60 secondes. Oui, vous avez bien lu : une minute. (Et c'est long, une minute  !!!) Il n’en faut pas plus ; s’il dure plus longtemps, c’est excessif. Et quand le médecin ne sent aucune anomalie, ça doit durer encore moins longtemps.

Mais comme vous l’avez déjà compris le meilleur moyen pour qu’un examen gynécologique soit indolore, c’est de ne pas le faire !

L’examen au spéculum doit être indolore




Et c’est toujours possible, à condition :
- d’utiliser un spéculum qui ne soit pas trop grand ; un médecin qui examine souvent les femmes de tous les âges doit avoir des spéculums de trois ou quatre tailles différentes ; s’il est nécessaire, par exemple, d’examiner le vagin d’une femme qui a mal en raison d’une vaginite ou d’une inflammation  il peut parfaitement utiliser un tout petit spéculum pour pratiquer prélèvements ou frottis ;
- de réchauffer les spéculums métalliques ; pas besoin d’appareillage complexe pour ça, il suffit que le médecin tienne le spéculum dans sa main gantée une vingtaine de secondes et le métal ne sera plus froid ;
- d’utiliser des spéculums en plastique (jetables) de bonne qualité ; quand ils sont de mauvaise qualité, le plastique peut s’ébrécher pendant le transport…
- de toujours enduire le spéculum d’un lubrifiant (qui peut être encore une fois un antiseptique non irritant ou tout simplement de l’eau stérile) ;
- de le faire pivoter de 90° avant de l’introduire délicatement (la vulve a une forme verticale, et non horizontale) ; de le pousser doucement dans l’axe naturel du vagin (à 45° vers le bas, et non à l’horizontale), de le refaire pivoter délicatement de 90° dans l’autre sens avant d’écarter ses branches tout aussi délicatement ;
-  de le laisser se refermer au moment de le retirer, toujours délicatement !

La femme peut insérer le spéculum elle-même !

Une internaute m’a écrit tout récemment : 

L’avant-dernière fois que j’ai eu un examen au spéculum, la médecin a commencé à l’insérer avec un angle si mauvais que j’ai sursauté et le lui ai enlevé des mains pour le mettre moi-même. Aucune douleur (évidemment), contrairement à ... toutes les fois précédentes dans l’histoire de ma vie de femme ! Elle a sursauté aussi et n’a pas osé trouver à redire, mon geste était trop spontané et assuré. Lors de l’examen suivant, c’était un médecin différent et j’y ai pensé, mais n’ai pas osé dire que je préférais l’insérer moi-même. J’ai regretté quand lui aussi m’a blessée, comme tous les autres avant. Depuis, je me suis juré que j’exigerais toujours l’insérer moi-même. Il est absurde de constater que cela demande une force de caractère et une préparation mentale. D’autant plus que je me suis rendu compte, en me parlant intérieurement, que je formulais des phrases comme « Si ça ne vous dérange pas, je préférerais... » Ma question : y a-t-il une contre-indication médicale à ce qu’une femme mette en place un spéculum elle-même ? Et si non, pourquoi diantre l’offrir n’est-il pas la norme? C’est tellement simple et efficace...

Non, il n’y a aucune contre-indication à le faire. Il n’y a aucun inconvénient à ce qu’une femme place elle-même un anneau contraceptif, un diaphragme, une cape cervicale, un tampon ou des « boules de geisha ». Il n’y a aucune contre-indication à ce qu’elle retire elle-même son stérilet en tirant sur le fil.
Il n’est donc pas scandaleux (et il n’y a aucune contre-indication à ce) qu’elle pose elle-même le spéculum. On peut le lui suggérer au moment de l’entretien où l’examen est proposé et accepté, et si elle désire le faire, l’inviter à se savonner les mains juste avant de monter sur la table. Bien entendu, elle peut le retirer elle-même également.

- Maaaaiiiis !!!! Ya des femmes qui ne voudront jamais !
- Certes, mais c’est pas une raison pour ne le proposer à aucune. La liberté, ça consiste à avoir le choix.

La femme ne doit pas être contrainte à poireauter, le médecin doit donc être organisé.
Une personne inquiète et allongée longtemps dans une position pénible aura mal. Un médecin désorganisé fera mal. Le stress (des deux) et la hâte (du médecin) feront mal. Tout ce qui prolonge l’examen au spéculum est susceptible d’augmenter la gêne ou de provoquer une douleur (au niveau de la vulve, en particulier). Ce qui veut dire que le médecin doit avoir tout préparé (lampe et tabouret ; antiseptique, gants, compresses et instruments posés sur une table roulante près de lui) avant de demander à la personne de s’installer sur la table (pour qu’elle n’y poirote (1) pas dans une position inconfortable) et seulement après cela, lui proposer de s’allonger et insérer le spéculum.

L’insertion d’un DIU peut être indolore
Les deux premières mesures de prévention de la douleur sont simples : l’explication précise du geste et la prise d’ibuprofène.

D’abord, si vous optez pour un DIU, il est légitime de demander au médecin ou à la sage-femme de vous montrer un DIU en taille réelle ; il mesure moins de 4 cm. La boîte d’un DIU, elle, mesure 30 cm de long ! La différence tient au fait fait que le DIU est enveloppé dans son tube d’insertion, lequel mesure environ 20 cm de long.




Comme vous le verrez, un DIU est un tout petit objet en plastique souple, qu’on ne sent pratiquement pas quand on le tient dans son poing serré – a fortiori à l’intérieur de l’utérus.
Vous pouvez aussi lui demander de vous décrire exactement la manière dont il sera inséré (au moyen de planches anatomiques ou d’un croquis, ou d’une vidéo).

Avant la pose, il est recommandé de prendre un anti-inflammatoire (ibuprofène ou autre), pour éviter les contractions de l’utérus, qui peuvent être douloureuses si elles sont brutales et intenses. Le Spasfon° n’est pas aussi efficace (il a surtout un effet placebo).

Il n’est pas recommandé, en revanche, de prendre du misoprostol (Cytotec°). 
Certain.e.s praticien.ne.s prescrivent un comprimé de misoprostol, médicament de l’ulcère gastrique (également utilisé dans le cadre de l'IVG médicamenteuse sous le nom de Gymiso°) pour « dilater le col » et « faciliter l’insertion du DIU ». Or, la prise de misoprostol avant insertion d’un DIU n’est pas seulement inutile, mais fortement déconseillée : le misoprostol provoque de vives contractions de l’utérus ; le risque d’avoir mal avant, pendant et après la pose de DIU est donc élevé, avec , qui plus est, celui d’expulser le DIU dans les heures qui suivent la pose !

A quel moment du cycle faut-il poser un DIU pour que ça soit indolore ? Beaucoup de gynécos disent « au moment des règles ».

C’est faux ; et je défie quiconque d’obtenir un rendez-vous chez un médecin pile au moment de ses règles. Donc en plus d’être faux, dire ça, c'est un peu bête.
Un DIU au cuivre peut être inséré à n’importe quel moment jusqu'au 19e jour du cycle. C’est même le principe de l’utilisation du DIU au cuivre comme contraception d’urgence. (S'il est posé après le 19e jour, le risque existe de le poser alors qu'une grossesse a déjà commencé.)
Un DIU hormonal peut être inséré sans souci pendant les 10 premiers jours du cycle. (S'il n’est pas possible de se le faire poser dans ces délais, il est recommandé d'utiliser une autre méthode – pilule ou préservatifs – jusqu'au moment de la pose.)


Le col de l'utérus n’est pas « plus ouvert » pendant les règles qu’il ne l’est en dehors des règles. Il ne s’ouvre (largement) que pendant un accouchement. Les femmes ayant déjà accouché par voie basse ont un col en permanence un col plus « ouvert » (relativement) que les femmes dont ce n’est pas le cas. Mais ça n’empêchera pas une femme de 15 à 45 ans n’ayant jamais été enceinte de se faire poser un DIU sans douleur le jour où ça lui chante…

Comment faire pour que la pose de DIU soit indolore ?
L’insertion d’un DIU peut déclencher des douleurs à trois moments : à la pose du spéculum (voir plus haut) ; lorsque (et si) le médecin ou la sage-femme utilise une pince de Pozzi (pince qui se termine par deux crochets - ci dessous) pour maintenir le col en place ; lors de l’insertion du DIU à proprement parler. 




Cependant, en prenant quelques précautions, la pose d’un DIU peut être quasi indolore.

Le premier temps de la pose de DIU peut être indolore si on utilise une technique de pose de spéculum délicate. (Voir plus haut)

Le deuxième temps de la pose de DIU peut être indolore si on n’utilise pas de pince de Pozzi, ce qui est possible dans neuf cas sur dix, voire plus souvent encore. Malheureusement, beaucoup de praticiennes semblent incapables de s’en passer. Quand on est obligé de le faire (parce que le col n’est pas dans l’axe, par exemple), l’utilisation d’une Pozzi peut être relativement indolore si :
- on fait tousser la femme au moment où la pose la pozzi sur le col ;
- on ne la serre pas comme un malade (la pince est crantée ; le plus souvent, un seul cran suffit) ;
- si la femme concernée a déjà souffert de la pose d’une Pozzi, on peut lui faire une anesthésie locale du col.

Le troisième temps de la pose peut être indolore si l’on adopte une technique d’insertion indolore.

Le DIU est le plus souvent en forme de « T » et mesure environ 35 mm de long. Avant la pose, ses branches horizontales sont repliées le long de la branche verticale à l’intérieur d’un tube d’insertion du diamètre d’une paille en plastique. Après avoir posé le bout du tube sur col, deux techniques sont possibles : pousser le tube jusqu’au fond de l’utérus avant d’y faire glisser le DIU, ou bien faire glisser le DIU à l’intérieur de l’utérus sans pousser le tube d’insertion jusqu’au bout.
La première technique peut être douloureuse : en effet, le tube d’insertion est rigide et peut provoquer une contracture douloureuse du col (s’il est serré) ; et, comme la cavité utérine n’est pas rectiligne, mais coudée, le tube peut aussi perforer la paroi utérine s’il est introduit « en force ». (C’est malheureusement plus fréquent que beaucoup de gynécologues ne veulent le reconnaître.)
La deuxième technique, que l’on nomme « méthode d’insertion en floraison » (ou encore « méthode de Cristalli-Bonneau », ou « de la torpille ») n’est pas traumatisante : le tube d’insertion est introduit seulement à l’entrée du col et on pousse le DIU ensuite ; comme il est moins large que le tube d’insertion, et peut glisser à travers le col sans provoquer de contracture. Comme il est souple, une fois dans l’utérus, il ne risque pas de perforer la paroi.

La pose « en floraison » est indolore. Cette méthode a déjà été adoptée par de nombreux médecins et sages-femmes. Y’a pas de raison qu’elle ne le soit pas par tou.te.s. Votre gynéco peut la comprendre en deux minutes (à peine plus qu’il ne faut pour faire un toucher vaginal). En regardant cette vidéo par exemple.




« Indolore », ça ne veut pas dire « qu’on n’a rien senti ». Même quand l’insertion d’un DIU est faite avec précaution, il peut arriver qu’une femme sente au passage du DIU, une crampe ou une contraction qui ressemble à celles de ses règles. Le plus souvent, ça dure une fraction de seconde, et beaucoup de femmes disent que ça n’était pas (ou à peine) douloureux. Beaucoup de femmes ne sentent rien du tout. 

L’échographie abdominale
L’examen des organes par les ultrasons est un progrès phénoménal : il ne remplace pas les rayons X de la radiographie et du scanner, mais il permet de voir d’autres choses, ne soumet pas le corps à des rayons nocifs, et son utilisation est indolore. Avant l’échographie, on ne pouvait pas identifier l’existence d’un « calcul » (caillou) dans la vésicule ou dans un rein sans procéder à des examens longs, pénibles et invasifs. Il en va de même pour l’examen des organes reproducteurs ou de leur contenu ; grâce à l’échographie, on peut désormais « voir » les ovaires, l’utérus, une grossesse dans une trompe ou suivre le développement d’un fœtus – et ceci, de manière rapide et simple, en consultation.
Il existe deux méthodes d’échographie gynécologique : l’une recourt à une sonde posée sur l’abdomen. L’autre à une sonde introduite dans le vagin. La première est indolore. La seconde ne l’est pas toujours – car la douleur peut être liée non seulement à la sonde elle-même, mais aussi à la personne qui s’en sert. Et puis, il n'est pas agréable de voir quelqu'un introduire nonchalamment ce machin dans son vagin puis se tourner vers un écran et commenter ce qu'il/elle voit de manière pas toujours respectueuse... 




Dans la vie d’une femme, les traumatismes vulvo-vaginaux sont parfois nombreux. Les douleurs à la pénétration – parfois à la pose d’un simple tampon hygiénique – sont des phénomènes fréquents dont souffrent beaucoup de femmes. L’utilisation d’une sonde endovaginale n’est donc pas un geste anodin, « de routine », à faire – et encore moins à imposer – sans discussion à toute femme à qui on propose une échographie.

Ici encore, il faut rappeler qu’une femme n’est jamais obligée d’accepter une échographie endovaginale. Les arguments selon lesquels « les images sont plus précises » ne sauraient suffire à transformer un examen en contrainte. N’importe quelle personne majeure peut refuser une prise de sang ou une radiographie. Une femme peut donc, de manière tout aussi légitime, refuser une échographie endovaginale. Les médecins ont certes une « obligation de moyen » - autrement dit, illes doivent mettre en œuvre tout ce qui est à leur disposition pour faire un diagnostic et traiter les personnes qui leur confient leurs soins, mais illes n’ont pas le droit de mettre ces moyens en œuvre contre la volonté des personnes.

Une femme peut parfaitement refuser une échographie endovaginale sans avoir à le justifier. La raison la plus fréquente est qu’elle en a déjà subi une, et qu'on lui a fait mal. Le médecin n’a pas lieu de douter de ce qu’elle dit, il doit donc éviter de reproduire la douleur en question – et il le peut, puisqu’il dispose de sondes abdominales qui permettent tout à fait de remplir les mêmes missions ; en effet, l’utérus (organes creux) et les ovaires (organes pleins) ne sont pas différents des autres organes abdominaux que sont la vésicule biliaire (organe creux) ou les reins (organes pleins)… que l’on n’examine pas avec une sonde endovaginale.

L’insertion d’un implant contraceptif
Elle ne nécessite ni examen gynécologique ni examen au spéculum, mais qui peut tout à fait être douloureuse quand il n’est pas bien fait.




L’implant est un réservoir d’hormones de la longueur d’une allumette, fin comme un fil de scoubidou, que le médecin glisse sous la peau du bras, en général au-dessus du coude, au moyen d’un dispositif spécial (ci-dessous). 





Une fois inséré, l’implant peut être repéré facilement (on le sent rouler sous les doigts). La procédure d’insertion n’est guère plus compliquée qu’un piercing, mais doit être systématiquement être précédée par l’application de crème anesthésique (Emla°), au moins une heure avant la consultation. Il en va de même quand l’utilisatrice désire qu’on lui retire l’implant. Ce retrait est facile mais nécessite que le médecin pratique une minuscule incision au bistouri sur la peau à l’endroit où est inséré l’implant. Il est donc nécessaire d’anesthésier la peau, au moyen de crème Emla une heure avant et parfois aussi, d’une injection de xylocaïne (anesthésique local) juste avant le retrait. Cela veut donc dire que le médecin doit avoir prescrit l’Emla° à l’avance (sur la même ordonnance que l’implant, par exemple, pour le jour de l’insertion).

Cette anesthésie locale est obligatoire et non facultative ou soumise au bon vouloir du médecin. Toute femme est en droit de les exiger. Et aucun médecin n’a le droit de la refuser. Même si ça lui fait « gagner du temps ».

Règle n°4 : Quand on est médecin, si on ne veut pas faire mal, souvent, on peut...

Conclusion :

Contrairement à ce que prétend Mme la Dre Paganelli, gynécologue et secrétaire du Syngof (non, j'ai vérifié, elle a pas été démise de ses fonctions depuis que vous avez commencé à lire cet article), la plupart des gestes de gynécologie courante peuvent être pratiqués sans douleur. Encore faut-il que, conformément à leur obligation déontologique, les praticien.ne.s concerné.e.s s’en donnent les moyens. 


Marc Zaffran/Martin Winckler
Médecin généraliste et secrétaire... de ce blog.  


Post-scriptum :
Je me suis cantonné à la gynécologie courante, mais les principes énoncés ici sont valables pour l’obstétrique. Pour ne pas faire mal, les règles sont toujours les mêmes : décrire les gestes et répondre aux questions des femmes (pendant les neuf mois qui précèdent l’accouchement, on a le temps) ; respecter leurs choix ; n’imposer aucun geste (par la contrainte, la peur ou le chantage) ; mettre en oeuvre toutes les méthodes de prévention de la douleur ; éviter les procédures inutiles et d’intérêt non démontré : les touchers vaginaux répétés, la position allongée sans bouger sous monitoring, la rupture des membranes, les forceps, l’épisiotomie, l’expression abdominale…


(1) oui, on peut écrire indifférement "poireauter" ou "poiroter"

***

Erratum : dans une version précédente, j'avais écrit que Mme Paganelli était secrétaire du CNGOF (société savante), c'était une erreur, elle est secrétaire du SYNGOF (syndicat). Toutes mes excuses aux internautes, à Mme Paganelli et aux deux institutions. 



10 commentaires:

  1. Bonjour, je vous remercie pour votre article. J'ai une question: est-ce que le fait d'avoir un DIU au cuivre peut s'accompagner de l'apparition de l'acné sur le visage?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ce n'est pas le DIU lui-même qui provoque l'apparition de l'acné. Mais quand on passe d'une pilule (qui, souvent, atténue une acné préexistante) au DIU, l'effet de la pilule disparaît, et l'acné refait surface.

      Supprimer
  2. Bonjour,
    Merci pour votre article complet et rassurant !
    J'ai également une question, dans quels cas (s'il en existe) une échographie endovaginale est-elle obligatoire ?
    J'ai plusieurs exemples en tête : l'échographie de datation ? le cas d'un personne en surpoids ou obèse ? Le cas d'une personne ayant un utérus rétroversé ?
    Merci pour votre réponse et pour ce que vous faites pour les personnes ayant un utérus,

    Bonne journée,

    Chloé

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Chloé,
      Il n'y a pas de réponse absolue sur ce point : vous évoquez des situations qui peuvent tout à fait justifier une échographie endovaginale. La question n'est pas de savoir si elle est justifiée ou non. La question est que pour la pratiquer, le médecin doit expliquer en quoi elle apportera plus d'informations qu'une échographie abdominale (qu'on peut toujours commencer par faire, puisque ça n'est pas invasif). Et, après l'avoir expliqué, demander le consentement de la personne. Qui peut très bien choisir de l'accepter ou de la refuser. En dehors de situations d'extrême urgence (soupçon de grossesse extra-utérine, par exemple), je ne vois pas de situation qui EXIGE une écho endovaginale - au point que ne pas la faire mette la femme en danger.

      Supprimer
    2. Bonjour,
      Merci beaucoup pour votre réponse !
      Je me demande parfois comment avoir assez d'assurance et de réactivité pour faire preuve d'esprit critique face à certains soignants, surtout quand on est inquiet.e pour sa santé.
      Dans certains cas comme lors d'un accouchement (malgré ce que pense le Dr Israël Nisand) il est impossible de se lever et de partir pour avoir un autre avis...
      Il reste encore un long chemin à parcourir ...

      Bonne journée,

      Chloé

      Supprimer
  3. Biologiquement parlant, je pense qu'affirmer qu'une pénétration (faite par un pénis, une sonde endovaginale, un spéculum, etc.) est "supposée" être indolore (et/ou non invasive!) est faux. S'il y a contact direct avec le corps (et, qui plus est, par une pénétration dans les parties intimes et délicates), il y a fort à parier que les douleurs et le sentiment d'envahissement risquent également d'y être présents.

    Une pénétration (examen gynécologique ou pénis) n'est pas comme une radiographie, par exemple, où il n'y a AUCUN contact direct avec le corps et où le terme indolore et invasif est, dans ce cas précis, tout à fait approprié. L'acte de pénétration, quant à lui, constitue tout le contraire et ce contact direct dans les parties intimes d'une femme peuvent forcément provoquer de la douleur et/ou une impression d'agression et ce, peu importe la gentillesse du/de la praticien.ne ou du/de la partenaire en question.

    Affirmer le contraire consiste, selon moi, en une forme de maltraitance puisqu'ainsi, les douleurs et le sentiment d'envahissement des femmes sont banalisés, avec souvent comme conséquence un pseudo-diagnostic automatiquement associé, soit le "vaginisme (certainement bien à tort, dans plusieurs cas!), lorsqu'une femme ose parler des inconforts qu'elle vit et qui sont bien réels, ne dépendant pas d'elle mais plutôt et bien de "l'objet" pénétrant.

    À quand donc l'arrêt des pénétrations imposées coûte que coûte, possiblement trop souvent sans tenir compte des volontés réelles des femmes, en supposant, en plus, que la douleur et le sentiment d'envahissement ressentis par celles-ci sont tout simplement des fausses perceptions..?

    Doit-on avoir un pénis pour se faire respecter dans cette sphère intime et pour que l'on comprenne que la pénétration, en plus de pouvoir être douloureuse et envahissante pour les femmes, tout comme pour les hommes dans le rectum (d'ailleurs, le mot rectumisme existe-t-il..?), n'est pas nécessairement souhaitable et la meilleure option pour toutes celles-ci, que ce soit au niveau intime ou gynécologique/obstétrical???

    Le mot vaginisme, fortement utilisé (probablement et souvent, à tort) et qui met l'accent sur le "soi-disant" problème des femmes serait-il en train de remplacer insidieusement le mot agression qui lui, met plutôt en lumière "l'objet" pénétrant en cause et ne rejette pas le blâme sur les femmes qui ont mal et/ou se sentent envahies par les pénétrations, surtout lorsque celles-ci ne les désirent pas nécessairement et pour lesquelles le consentement (ou l'absence de consentement) est, trop souvent, non véritablement respecté ou obtenu de façon inadéquate, en utilisant, par exemple, la menace, le chantage ou les contraintes..?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Il est indiscutable que seule la perception d'une personne compte pour dire si un examen est indolore ou douloureux. On ne peut pas le décréter de l'extérieur. Loin de moi l'idée de prétendre à la place d'une femme qu'une échographie vaginale est TOUJOURS indolore. Et je suis d'accord avec vous : il est temps de cesser de considérer l'introduction de quoi que ce soit dans le corps d'autrui (et d'abord le corps des femmes qui demandent des soins) comme "normal", ou "médicalement justifié". Là encore, c'est aux femmes de dire ce qu'elles acceptent ou refusent, et il appartient aux professionnel.le.s de s'incliner devant leurs décisions. Toute pression en santé, sur ce point ou n'importe quel autre, est inacceptable.

      Supprimer
  4. Bonjour Dr. Winckler,

    Je vous remercie d'aider les femmes dans la reconnaissance de leurs droits, particulièrement au niveau de la sphère gynécologique-obstétricale (qui me semblent trop souvent bafoués). Considérant que les femmes (et toutes autres personnes) ont le droit de disposer librement de leur corps, à l'autonomie décisionnelle, à l'inviolabilité et au respect de leur intégrité physique et psychique (ce qui a d'ailleurs conduit au droit à la contraception et à la légalisation de l'avortement), pouvez-vous me dire, dès lors, pourquoi est-ce que certaines femmes qui ne désirent PAS accoucher par voie vaginale mais préfèrent plutôt opter pour une césarienne à la demande maternelle comme mode d'accouchement semblent être, trop souvent, dans l'obligation de débattre sans fin leur demande avec certain.e.s praticien.ne.s qui semblent vouloir contourner ces droits, pourtant reconnus comme étant fondamentaux?

    Imposer à une femme un accouchement par voie vaginale CONTRE SON GRÉ semble assez étroitement relié à une violation du corps humain (nudité imposée de force, intrusion indésirée douloureuse dans les parties intimes d'une personne SANS son consentement, atteinte à la pudeur et à sa dignité, etc.) alors en tenant compte de toutes ces variantes et du principe qu'en médecine, on ne doit, avant tout, pas nuire (respect du bien-être GLOBAL, tant physique QUE psychique) et respecter autant que possible, humainement et avec empathie, les limites de chaque personne, leur ressenti, leur bien-être global ainsi que leurs volontés (tout comme le droit de fonder une famille et d'enfanter dans le respect de la dignité propre à chaque), pouvez-vous me dires sur quels autres aspects une femme pourrait-elle bien se baser (s'il y en a d'autres...) afin que son choix de mode d'accouchement (césarienne à la demande maternelle, dans ce cas-ci) soit effectivement respecté sur les plans légaux et humains?

    J'ai bien l'impression que malheureusement et en 2019 encore, les femmes doivent souvent se battre pour voir leurs choix et leurs décisions concernant leur propre corps (le foetus n'ayant pas encore de statut juridique) être écoutés, pris en considération et respectés, après avoir pourtant analysé les avantages et inconvénients reliés aux différentes options à choisir, comme pour une chirurgie esthétique, par exemple (consentement ÉCLAIRÉ et LIBRE). J'ai également l'impression que si une femme ne désire pas entrer dans les moules de la pénétration "obligatoire" (par un pénis, un spéculum, une sonde endovaginale, etc.) ou de l'accouchement vaginal imposé comme norme absolue et ultime, elle risque fort bien de se faire traiter de "vaginique" ou encore, de "tokophobe" pour la "forcer" à réintégrer les rangs prévus pour elle tout en restant "docile" et "obéissante", n'offrant pas trop de résistance, en tentant de masquer certains de ses droits, pourtant fondamentaux et énumérés plus haut...

    Quels conseils avez-vous donc à donner, s'il-vous-plaît, Dr. Winckler, aux femmes qui tentent tout simplement de faire respecter leurs droits, leurs choix, leurs limites et leurs volontés en matière de consentement (ou non) à toute pénétration (quelle qu'elle soit) ainsi qu'au choix de leur mode d'accouchement, même s'il s'agit d'une césarienne à la demande maternelle? Je vous remercie grandement pour tout!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je ne sais pas très bien comment vous conseiller. Je respecte tout à fait votre demande, et elle naît d'une motivation parfaitement légitime. Ce que vous soulevez est important : le corps d'une femme n'appartient qu'à elle-même et si elle préfère une césarienne à un accouchement vaginal, nul n'a le droit de porter un jugement sur ce point. Mais la difficulté ne vient pas seulement de résistances idéologiques, elle vient aussi des résistances de type scientifique : la plupart des médecins voient la césarienne comme une procédure plus dangereuse qu'un accouchement vaginal. A juste titre : c'est un geste invasif et chirurgical, qui s'accompagne de risques supplémentaires et parfois imprévisibles. Et cela mobilise un bloc opératoire ( en principe réservé aux interventions vitales ou en urgence). Dans le contexte actuel de l'hôpital, cela suffit pour qu'un obstétricien dise non. Sans même remettre en question la validité morale (indiscutable) de votre demande.
      Et nous nous trouvons devant un paradoxe : certains praticiens (les moins scrupuleux) décident d'imposer unilatéralement des césariennes pour "gagner du temps" (ou faciliter leur propre confort), en faisant fi des risques pour les femmes et les grossesses concernées. Les plus attentifs, eux, ne verront pas avec la même nonchalance la perspective de faire courir un risque important à une femme qui semble aller très bien -- et avoir beaucoup de personnalité et d'exigence.
      Le seul moyen de négocier un geste de ce type est d'en parler au tout début de la grossesse, et de le faire avec un.e praticien.ne exerçant dans le privé. Et attendez vous alors à ce qu'il ou elle vous demande de le payer très cher.
      Vous risquez donc de voir votre demande refusée par des gens bienveillants (qui ont autant le souci de vous que celui des équipes surchargées auxquelles ils appartiennent) mais acceptée par des personnes sans scrupules, contre monnaie sonnante et trébuchante. Et c'est désespérant.

      Supprimer
  5. Ce que je comprends de notre système, c'est que si une femme désire obtenir une césarienne à sa demande et qu'elle ne peut l'avoir en privé, le bien-être de celle-ci ne sera pas pris en compte ainsi que son autonomie décisionnelle et ses autres droits en raison de la "possibilité" de coûts reliés à sa demande puisque le système est surchargé et que "détruire" une femme est moins important pour une mobilisation de salle d'opération que d'autres cas "jugés" plus utiles. Peut-être que c'est le système de santé qu'il faut revoir. Pourtant, une césarienne programmée à la demande maternelle avec prophylaxie ne devrait pas avec l'obstétrique moderne comporter plus de risques qu'un accouchement vaginal qui en comporte également mais dont on parle peu, afin de convaincre les femmes que l'accouchement vaginal est LA meilleure option. Pourquoi a-t-on le droit d'obtenir une stérilisation, une chirurgie esthétique, un avortement, mais que pour la césarienne sur demande, là on parle de coûts, de patientes "exigeantes", de risques liés à l'intervention et puisque ces risques ne concernent que la femme (non le foetus), celle-ci devrait avoir le droit de choisir et de consentir pour elle-même, après avoir évalué les bénéfices-inconvénients des options. N'est-ce pas cela le consentement éclairé et libre (choisir l'option qui nous convient après avoir reçu l'information)? Encore faut-il que les médecins aient l'honnêteté de divulger les risques liés à l'accouchement vaginal (pas que ceux des césariennes effectuées en urgence ou avec indications médicales)... Concernant la technique dite plus "invasive", ne croyez-vous pas qu'une femme risque de se sentir moins envahie et agressée si, pour elle, vivre avec une cicatrice est très acceptable plutôt qu'être dans l'obligation de subir une violence CONTRE son gré et qui l'oblige à se dévêtir, à voir sa dignité et sa pudeur ne pas être respectée par une nudité imposée, à subir des contractions pendant des heures, à endurer des souffrances non désirées, à dilater à outrance, à être dans l'obligation de pousser et expulser un être sortant de sa sphère la plus intime, sensible et délicate dont jamais elle n'aurait autorisé pareille agression en-dehors de ce contexte (ni dans celui-ci d'ailleurs!) pour finalement sentir son vagin exploser tant on a forcé la nature et que physiologiquement, celui-ci n'était pas fait pour endurer une telle épreuve? Imposer ce type d'agression à une femme est, je trouve, ignoble et je crois que la "malédiction" d'enfanter dans la douleur par voie vaginale ne devrait plus s'appliquer comme norme. Ce n'est pas qu'une question de douleur (une cicatrice fait mal aussi) mais bien, de dignité, du respect des choix et de la capacité d'autonomie décisionnelle. Une femme doit-elle obligatoirement payer un prix si élevé pour désirer une naissance vivante ou doit-elle se tourner vers l'avortement pour être respectée? Pourtant, l'avortement engendre aussi des coûts pour le système mais est-ce la seule option pour voir ses droits être respectés (intégrité...)? Si une femme peut légalement refuser un spéculum dans son vagin (autrement, il y a viol), pourquoi ne pourrait-elle pas aussi refuser un foetus (BEAUCOUP plus gros) et ce, pour les mêmes raisons? En tous cas, le prix à payer pour les femmes désirant un bébé vivant par césarienne est sûrement beaucoup plus cher que le prix d'une réservation d'un bloc opératoire afin d'effectuer la césarienne programmée tant souhaitée et qui permettra à la femme d'accoucher sereinement carlla maltraitance a aussi un coût (prolapsus des organes des femmes, déchirures, chocs post-traumatiques...). C'est un pensez-y bien!

    RépondreSupprimer

Les commentaires sont modérés. Tous les commentaires constructifs seront publiés. Les commentaires franchement hostiles ou désagréables ne le seront pas.