samedi 11 février 2017

La patiente lesbienne, le médecin, le pharmacien et le système de santé français....

Voici un échange de courrier avec Emma, au sujet de la prescription de Roaccutane (isotrétinoïne). Elle me semble significative de l'attitude générale du système de santé (à commencer par les pouvoirs publics) face à la population et à ses minorités. Mais aussi, plus largement, face aux médicaments potentiellement toxiques. 

J'invite tous les internautes qui se sentent concerné.e.s, personnellement ou professionnellement, par cette situation, à apporter leur grain de sel à cet échange, soit en faisant leurs commentaires au bas de ce post, soit en écrivant à : ecoledessoignants@gmail.com 

MW/MZ

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J'ai récemment décidé de prendre du Roaccutane (après bien des hésitations) pour une acné légère à modérée, mais très persistante. Il se trouve que je suis homosexuelle, et que je n'ai donc pas besoin de moyen de contraception, et que je n'ai donc AUCUN (mais alors aucun) risque de tomber enceinte.

Or je me trouve tout de même obligée de faire des prises de sang pour vérifier le contenu de mon utérus, tous les mois, pendant 12 mois ( je prends le Roaccutane à petites doses, donc longtemps)...

Je m'attendais à tomber sur une médecine peu compréhensive à ce sujet, mais en y étant confrontée, j'arrive quand même à en être choquée.

Pas une seule fois sur la stupide  "brochure d'information" rose destinée aux femmes il n'a été mentionné la possibilité que la patiente soit lesbienne. Pas UNE SEULE FOIS il n'a été mentionné le fait qu'une femme n'a pas forcément besoin de moyen de contraception, tout simplement parce que toutes les femmes n'aiment pas les hommes.

J'ai tout simplement l'impression de ne pas exister pour la médecine française. D'être une sorte d'anomalie et de n'avoir pas assez de valeur pour qu'on daigne se pencher sur mes intérêts et besoins propres (alors qu'il me semble que c'est mon droit.... Et que je suis discriminée si on ne me l'accorde pas).

Il me semble aussi que j'ai le droit d'être soignée sans qu'on me renvoie perpétuellement à mon utérus, surtout que cela n'a aucun sens dans cette situation.

Je suis de plus en plus en colère face à cette surveillance obligatoire des femmes qui n'a aucun sens dans mon cas, et je sens que je vais très mal vivre cette contrainte injuste de prises de sang tous les mois (assorties de questions intrusives de l'infirmière qui réalise les prises de sang). Je sais que peut-être c'est excessif, mais je me sens fliquée et renvoyée à un statut d'utérus sur pattes, ce qui est dur à supporter pour moi ( je supporte très mal l'intrusion de la médecine dans mon intimité).

J'ai donc quelques questions face à ma situation :

1) La prise de sang tous les mois est-elle réellement obligatoire ?

2) Qu'en pensez-vous ? (cela me semble doublement discriminatoire, cela contraint les femmes à payer plus cher le traitement car elles vont à plus de consultations, et cela discrimine aussi les lesbiennes par rapport aux hommes, alors qu'elles ne courent pas plus de risque de grossesse ). Il est vrai que le traitement est tératogène, mais on s'adresse à des adultes, qui peuvent tout à fait signer une déclaration de responsabilité qui les engagerait à prendre en charge elle-mêmes ce risque sans être surveillées comme des gamines. 

Si la femme ne peut pas déclarer qu'elle prend en charge ce risque elle-même, cela signifierait qu'on prend en compte les intérêts d'un enfant pas encore né et potentiellement malformé, et que ces intérêts primeraient sur le droit de la femme à disposer de son corps ? C'est éthiquement problématique, ne trouvez-vous pas ?


3) Savez-vous exactement quelles sont les institutions qui me contraignent à être surveillée de la sorte ? Les informations recueillies ne sont pas cohérentes, la dermato me dit la Sécu, la pharmacienne l'Agence du Médicament... Bref, je ne comprends pas.

4) Pensez-vous que je puisse me dispenser de cette obligation d'une manière ou d'une autre ?  En signant une décharge ?

Emma 

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NB : Lors d'un traitement par isotrétinoïne, la prise de sang sert aussi à vérifier la fonction hépatique (le médicament n'est pas très gentil avec le foie). La question ici n'est pas de savoir si la prise de sang mensuelle se justifie médicalement (c'est le cas pour la surveillance hépatique), mais si le test de grossesse mensuel est justifié. 

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Merci pour votre message, qui soulève une question très importante à bien des égards 
Je reviendrai sur trois points en particulier :  
- l'invisibilité des femmes lesbiennes (et le mépris de leurs particularités) aux yeux des médecins et de l'administration ; 
- l'attitude du système de santé à l'égard des femmes en général et le mépris de leur sens des responsabilités ; 
- les conditions de prescription des médicaments dangereux.  

L’ « invisibilité » des femmes lesbiennes.

Les témoignages ne manquent pas de comportements méprisants ou insultants de certains médecins français envers les personnes homosexuelles, transgenre ou queer. L’ignorance envers ces personnes est générale, et elle teinte les comportements de nombreux professionnels.

Le fait que la sexualité dans son ensemble et dans ses variantes ne fasse même pas l'objet d'un enseignement obligatoire dans toutes les facultés de médecine française est également en cause. A proprement parler, les étudiants en médecine ne savent rien de la sexualité. On leur parle seulement de maladies et d’ « anomalies » (de l’anatomie ou du comportement).

Il serait plus que souhaitable que les médecins français soient sensibilisés au fait que tous leurs patient.e.s ne sont pas tou.te.s hétérosexuels et cis-genre, et apprennent à recevoir et à prendre soin de chaque personne avec ses particularités.

Cela dit, d’un point de vue éthique, notez bien, rien ne justifie qu’un médecin interroge une femme ou un homme sur ses préférences ou son orientation sexuelles. On peut informer les personnes et les soigner sans violer leur intimité, je suis tout à fait d’accord avec vous.

Cela, c’est en théorie. Certains médecins sont parfaitement respectueux. D’autres, pas du tout. La question du respect des patient.e.s, encore une fois, est loin d’être abordée dans ces termes dans toutes les facultés de médecine françaises.


Dans la réalité (paternaliste), les règles dites « de bonne pratique » énoncent que, lorsqu'un médecin prescrit un médicament problématique à une femme susceptible d'être enceinte (à ses yeux de médecin, pas aux yeux de la femme elle-même…) il doit s’appliquer à : 

- 1° en expliquer les dangers (c'est à lui de le faire, pas à la patiente de les deviner) ; 
- 2° lui prescrire - si elle en a besoin - la contraception qui lui convient. 

(C’est à ce moment que la femme peut ou non lui expliquer pourquoi elle n’a pas besoin de contraception. Mais rien ne l’y oblige. Si la femme déclare : "Je n’ai pas besoin de contraception", cette réponse devrait suffire. En principe.)

Une fois que les deux conditions ci-dessus ont été remplies, tout médecin devrait (dans l’idéal) considérer que cette patiente est autonome et responsable de ses actes et qu'elle sait à quels risques elle s'expose. 

Il en va d'ailleurs déjà ainsi lorsqu'ils prescrivent des anxiolytiques à n'importe quel patient en indiquant que la conduite automobile (ou la manipulation de machines) est déconseillée pendant la prise. Ils ne vont pas sortir dans la rue pour vérifier que le patient ne conduit pas. Ils ne vont pas le contraindre à une recherche de toxique avant qu'il prenne le volant. C'est le patient qui est responsable de lui-même sous anxiolytiques, pas le médecin. De même, c'est la patiente (enceinte ou non) qui est responsable de son corps et de ce qui se passe dedans, pas le médecin. 

A condition, encore une fois, d’admettre que tout patient est une personne responsable…

Dans le cas qui nous occupe (la prescription d’isotrétinoïne par voie orale), la réglementation est discriminatoire : elle ne tient pas compte des femmes qui ne risquent pas d’être enceinte, et elle n’envisage pas qu’on puisse les croire sur parole.

De plus, parce que c’est une réglementation discriminatoire, elle empêche toute adaptation : même si vous avez affaire à un médecin qui trouve ça aussi absurde que vous, il ou elle est tenu.e de vous prescrire un test de grossesse mensuel et de vérifier sa négativité pour vous prescrire l'isotrétinoïne chaque mois - en effet, on ne peut pas vous le prescrire plus d'un mois à la fois. Le test est la condition de la prescription, dans tous les cas, à toutes les femmes – puisque, pour ceux qui ont pondu cette réglementation, les femmes qui n’ont pas de rapports sexuels avec des hommes (ou qui sont sûres qu'elles ne seront pas enceintes) n’existent pas.

Le pharmacien, lui aussi, a l'obligation, pour délivrer le médicament, de vérifier que vous avez bien eu un test négatif. Certes, vous n'avez pas à présenter le test, il suffit que le médecin mentionne qu'il est négatif sur l'ordonnance, mais un médecin qui donnerait cette indication sans avoir prescrit le test commettrait alors un faux... Et tout médecin est légitimement en droit de refuser de faire un faux.

D'un autre côté, la mention d'un résultat de test (positif ou négatif) sur une ordonnance, qui sera lue par des tiers (pharmaciens, préparateurs, fonctionnaires de la sécu) ressemble furieusement à une infraction au secret professionnel... Ce qui signifie que l'administration demande aux médecins d'enfreindre le secret pour traiter des patient.e.s. Il faudrait peut-être aller présenter cette contradiction à la juridiction appropriée (tribunal administratif ?) pour savoir si c'est conforme à la loi... J'aimerais que des juristes me disent ce qu'ils en pensent...

Mais dans l'état actuel des choses, sauf erreur de ma part, la situation est insoluble, et cela même si vous avez affaire à des médecins et des pharmaciens compréhensifs et dénués de préjugés : réglementairement parlant, ils ont les mains liées. (Si mon analyse est fausse, merci aux internautes médecins ou pharmaciens qui le peuvent de bien vouloir me corriger.) 



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« Protéger » les femmes malgré elles  

Tout se passe comme si, pour le Ministère de la Santé (qui, tout de même, est responsable de la réglementation),  toute femme "en âge de procréer" doit dans le doute être "protégée" d'une grossesse sous isotrétinoïne, quelle que soit sa perception propre du risque, et même après discussion avec le médecin.

Ce qui compte n'est pas ce que ces femmes sont ou pensent ou font de leur vie, mais leur  situation de « porteuses d'enfant en puissance ». Et (parce qu’elles sont des femmes ?) elles sont "forcément" incapables d’anticiper une grossesse et d'éviter une catastrophe…

Or, sauf erreur de ma part, l'IVG est légale en France, jusqu'à 12 semaines de grossesse quel que soit le motif, et l'IMG (interruption médicale de grossesse) l'est aussi, sans limite de délai, en cas de malformations graves. 

Il n'est pas question ici de dire qu'une IVG ou une IMG sont une décision "facile", mais il n'y a pas de raison de penser que les femmes soient moins "responsables" de leur grossesse quand elles prennent de l' isotrétinoïne que dans les autres situations de la vie. Si une femme prenant de l'isotrétinoïne se retrouve enceinte, elle est tout aussi capable d'interrompre cette grossesse que si elle prenait un autre produit, ou si l’amniocentèse a découvert une malformation chromosomique imprévisible.

L’autonomie de décision d’une femme n'est pas modifiée par la prise d'isotrétinoïne. Mais tout se passe comme cette autonomie devenait sujette à caution, non seulement quand une femme est enceinte mais aussi quand elle est « susceptible » de l’être ! 

L’infantilisation est d’autant plus manifeste que, depuis 2015, l'ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament) a mis en place un carnet de suivi (!!!) des patientes sous isotrétinoïne qui ressemble furieusement au carnet de vaccination des enfants... 
Et devinez de quelle couleur ? Oui, il est rose... 

Ce que votre expérience met en lumière n'est pas seulement une infantilisation inacceptable pour les femmes lesbiennes ; elle est inacceptable pour toutes les femmes car, comme vous le suggérez, elle laisse entendre que dans l'esprit des législateurs, les femmes sont assimilées à leur « fonction reproductrice ».

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Beaucoup de substances sont dangereuses pendant la grossesse ! 

On connaît depuis longtemps les effets du tabac, de l'alcool, ou du Distilbène (que les médecins français ont continué à prescrire jusqu’en 1977, sept ans après son retrait du marché dans les autres pays développés !). 

A quoi il faut ajouter des médicaments de consommation courante et pour certains en vente sans ordonnance, comme : 

- les anti-inflammatoires (ibuprofène ou autre) 
- les anticongestionnants qu'on trouve dans certaines "gouttes pour le nez"
- certains médicaments antiallergiques

Mais aussi et surtout des médicaments qui ne sont délivrés que sur ordonnance :

- les neuroleptiques et les antidépresseurs 
- les benzodiazépines et les barbituriques
- les amphétamines (le Médiator en faisait partie, je ne me souviens pas avoir entendu qu'on interdisait aux femmes d'en prendre en l'absence de contraception) 
certains antibiotiques et antituberculeux 
- la dompéridone (qu'on a prescrit larga manu pendant trente ans pour calmer reflux et vomissements...) 
l'acide valproïque prescrit à certaines femmes souffrant d'épilepsie, dont on a restreint la prescription de manière similaire à l'isotrétinoïne en 2015 (voir plus loin) et qui a donné lieu à un scandale récent. 

Et la liste (régulièrement mise à jour par La Revue Prescrire) n'est pas close. 

L'infantilisation des femmes est d’autant plus insupportable que c’est une réponse inadaptée et injuste à une situation grave. 

Rappelons d'abord que beaucoup de médicaments ne sont jamais testés sur les femmes... alors que, comme le rappelle l'excellente Peggy Sastre, les maladies ont un sexe... 


Ensuite, reprenons le cas de  l'isotrétinoïne  : les restrictions à sa prescription ont été accentuées ces dernières années en réponse au nombre important de grossesses exposées, et cela, malgré les informations pourtant très précises sur la toxicité de la substance diffusées auprès des professionnels. 

En 1997, la revue Prescrire (n° 173, p 344) rapportait que sur 318 grossesses exposées à l'isotrétinoïne ayant fait l'objet d'une déclaration en centre de pharmacovigilance, cette exposition était survenue pour 267 femmes en cours de traitement ou ayant arrêté depuis moins d'un mois, et 51 chez des femmes déjà enceintes au moment de la prescription !!! 

Or, il n'est pas possible de se procurer de l'isotrétinoïne sans ordonnance ; quand une femme est enceinte alors qu'elle en prend, ça veut donc dire que dans l'immense majorité des cas, un médecin le lui a prescrit. 

Depuis 2006, Prescrire communique sur l'isotrétinoïne à peu près tous les ans. C'est dire que le problème est réel et encore constant... 

(NB : La vitamine A acide, ou trétinoïne, utilisée dans des pommades pour traiter l'acné, est également tératogène et ne doit jamais être utilisée pendant une grossesse. Voir cet article de Prescrire en accès libre.)

Mais est-il vraiment le fait des utilisatrices ?

Quand une femme enceinte est exposée à un médicament toxique pour le foetus, qui est responsable ? Le prescripteur ? Le fabriquant ? La patiente ?

Tout médecin est responsable de ses prescriptions. Il est également responsable de l'information qu'il donne ou ne donne pas aux patient.e.s, et de sa connaissance des médicaments qu'il prescrit et de leurs dangers. 

Le fabriquant est responsable des informations qu'il délivre aux pouvoirs publics, aux médecins et au public. On sait ce qu'il en est quand il s'agit d'un laboratoire français comme Servier et de son produit-phare, le Médiator... 

La patiente ne peut être considérée comme responsable que si 1° elle connaît les risques du médicament ; 2° elle y expose volontairement son foetus ! Je doute que ce soit la situation la plus fréquente…

Car, même quand les patient.e.s sont soigné.e.s pour des maladies chroniques connues, l'information sur la toxicité fœtale de leur traitement ne leur est pas toujours délivrée par les prescripteurs, comme nous l'a rappelé récemment le scandale de l'acide valproïque (Dépakine).  (Lire le rapport de 2016 de l'ANSM et de l'Assurance Maladie) 

Alors que dès 2006 les effets toxiques de cette substance sur le foetus avaient fait l'objet d'une alerte nationale, entre 2007 et 2014, quatorze mille grossesses en France ont été exposées à ce médicament. Or, aucune femme ne prend de l'acide valproïque de manière « occasionnelle » : c'est un antiépileptique, pas un antidouleur ou un traitement du rhume. Si elle en prend, c'est parce qu'un (ou plusieurs) médecins le lui ont prescrit. Qui nous fera croire que quatorze mille femmes ont exposé volontairement leur foetus à un médicament toxique ? 

Plus généralement, la question se pose pour toutes les personnes, quel que soit leur genre, qu'elles soient enceintes ou non ! Quand un médicament a un effet toxique, par qui et pourquoi a-t-il été prescrit ? Et d'abord, aurait-il dû être mis sur le marché ? 

Quand un accident de voiture survient, on doit se demander s'il y a eu erreur humaine ou défaillance mécanique. 
Si le véhicule était défectueux, on s'intéresse au concessionnaire vendeur ou réparateur.  
Quand plusieurs accidents du même type surviennent, on se retourne à juste titre contre le fabriquant. 

Rien de tel pour le médicament en France, et pour de bonnes raisons : d'une part parce que l'information sur le médicament y est, de fait, secondaire aux contraintes commerciales ; d'autre part, il faut bien le dire, parce la sacro-sainte "liberté de prescription" n'est pas pour rien dans les accidents médicamenteux subis par les citoyen.ne.s, enceintes ou non. 

Dans les faits, les prescriptions médicales (et la manière dont elles sont influencées) sont pour la plupart incontrôlables... Et les praticiens qu’on soumet aux contrôles les plus contraignants (les généralistes) ne sont pas ceux qui prescrivent les médicaments les plus dangereux.

De sorte que, pour le Ministère, il est plus facile de restreindre la liberté des femmes en ignorant leurs caractéristiques ou en les traitant comme des incapables que de limiter les prescriptions inadaptées induites par l'industrie... ou de retirer du marché des médicaments toxiques. 

En terme de santé publique, ce serait pourtant la première chose à faire. Mais santé publique et industrie ont toujours eu des intérêts profondément divergents... 

Marc Zaffran/Martin Winckler


















13 commentaires:

  1. Dans le même esprit, si les gynéco commençaient toujours par demander à leurs nouvelles patientes quelle est leur sexualité (question simple qui jusqu'à présent -- j'ai 52 ans -- ne m'a pas jamais été posée lors premier rendez-vous gynéco), cela éviterait le dialogue, certes amusant, mais un peu pénible pour tout dire que je ne dois pas être la seule à avoir vécu :
    - Vous avez des relations sexuelle ?
    - Oui
    - Quelle contraception employez-vous ?
    - Aucune
    - Ah bon ? Mais comment faites-vous ??? (variante : mais pourquoi ?)
    - Je suis homosexuelle
    - Ah

    Ou bien (j'ai 22 ans...)
    - Quand vous prendrez la pilule...
    - Je ne la prendrai pas...
    - Oui alors quand vous prendrez la pilule...
    - Je ne la prendrai pas...
    - Donc quand vous prendrez la pilule...

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    1. Dans les pays anglo-saxons, ce type de question figure sur les questionnaires qu'on fait remplir (par écrit) aux patient(e)s avant une consultation. Et certain(e)s patient(e)s ne répondent pas, alors que dire qu'on est gay ou lesbienne ne fait même pas soulever un sourcil chez beaucoup de médecins : c'est une information. En France, il me semble qu'on devrait d'abord enseigner aux médecins à indiquer aux patient(e)s que ce qui sera dit ne fera pas l'objet d'un jugement - ce qui permettrait aux patient(e)s de révéler des caractéristiques intimes au moment où ça leur parait approprié. (Aux patient(e)s, pas au médecin.) Suggérer que la question soit posée de but en blanc sans former les médecins à la poser de manière et respectueuse (il y en a), c'est les conforter dans l'idée qu'ils peuvent demander n'importe quoi et qu'ils sont en droit d'exiger la réponse. Pour ma part, après une ou deux conversations maladroites similaires à celles que vous décrivez, je demandais "Est-ce que vous prenez une contraception et sinon, en avez vous besoin ?" Et la réponse "Non" me suffisait. Ce qui a permis à certaines patientes lesbiennes de se sentir suffisamment libres de préciser pourquoi tout de suite, ou d'attendre quelques consultations pour le faire. Mais il y a certainement d'autres manières de montrer son respect et d'établir la confiance, ce qui me semble le plus important ici.

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    2. Merci pour votre réponse qui effectivement soulève un point auquel je n'avais pas pensé (la forme brutale et intrusive que peut prendre la question). En fait, le fond du problème c'est qu'une femme (ou un homme, je suppose) devant un.e médecin est dans la majorité des cas réputée avoir une sexualité hétérosexuelle et que les questions posées reposent toutes sur ce présupposé. Non seulement les questions, mais aussi, ce qui est plus embêtant, certains soins ou gestes : par exemple (je ne sais pas je pose la question) les risque d'un cancer du col sont-ils les mêmes pour une lesbienne ? Et puis -- mais c'est (un peu)une autre histoire -- il y aussi l'ignorance des formes de la sexualité lesbienne : je passe sur la "confusion" entre "avoir des rapports sexuels homosexuels pour une femme" et "ne pas avoir de rapports sexuels " (j'ai entendu ça deux fois quand même!), mais j'avoue être restée un peu interloquée, voilà quelques année, quand souffrant d'une infection vaginale, ma gynéco s'est enquis de "mon" partenaire et a dit que ça "n'avait pas d'importance" quand elle a su que c'était une femme. Or il me semble que ça en avait une quand même... En tout cas, moi j'avais des questions mais devant ce "pas d'importance", j'avoue que je n'ai pas eu très envie de le poser :)... Et dans cette circonstance là, je dois dire qu'une ou deux questions posées avec respect ne m'auraient pas semblé intrusives mais plutôt rassurantes. Mais effectivement, rien de cela n'est possible sans un rapport de confiance et là, la confiance n'y était pas exactement !

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    3. Je suis d'accord avec vous. Pour ce qui concerne le cancer du col, on considère aujourd'hui que le risque est le même pour toutes les femmes, puisque les HPV (papillomavirus humains), considérés comme la principale cause de cancer du col, peuvent être transmis de peau à peau - ou par le contact des doigts. De ce fait il est inacceptable comme le rapportent plusieurs témoignages qu'un médecin dise à une femme lesbienne "Je vous fais pas de frottis, vous risquez rien"... C'est le respect de la personne qui guide la pratique. Quand un médecin ne respecte pas certain.e.s patient.e.s, il ne peut pas avoir de bonnes pratiques...

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  2. Bonjour,

    Merci Emma pour votre message, Martin pour votre article. Encore une fois, la formation des professionnels de santé, qui aime tant faire rentrer les gens dans des cases, frappe dans toute sa splendeur. Chaque case comporte son lot de préjugés et de prise en charge médicale qui en découle. Ainsi, la femme homosexuelle n'existe pas. Ainsi, la transexualité n'est même pas abordée dans le cursus de médecine. Ainsi, l'homme homosexuel est un individu à risque et implique quasi-systématiquement des sérologies virales à la recherche de virus sexuellement transmissibles, et on le suspecte larga manu d'être toxicomane tant la foulée. Parce que bon, l'homosexuel ayant une relation stable avec un autre homme, c'est inconcevable dans cette case "pédagogique".
    Concernant l'ordonnance, je ne crois pas y voir d'effraction au secret médical. Celui-ci est partagé par toute personne intervenant dans la prise en charge (ou travaillant dans l'établissement - dans le cadre d'un hôpital par exemple, l'étendant donc aux agents de ménage notamment). Le pharmacien délivrant le dit médicament est donc tenu au secret médical et peut bénéficier des informations nécessaire à la délivrance, sauf, bien sûr, opposition de la patiente. Du moins, c'est ainsi que j'interprète le droit en l'occurence, mais à vérifier par un juriste :)
    Quant au roacutane, c'est problématique. Je crois que les protocoles encadrent, cherchant à limiter les risques ou faire en sorte que les soins soient équitables. Il convient toutefois d'avoir à chaque instant l'esprit critique et la qualité de l'adaptabilité. Le test de grossesse chez la femme homosexuelle, je trouve toujours ça très surfait, et indigne, d'autant si la patiente nous assure n'avoir strictement aucun risque d'être enceinte. D'autres, craignant les conséquences d'un risque non considéré, voudront se protéger. On ne peut les blâmer, d'autant que la question de la valeur légale d'une décharge de responsabilité signée de façon libre, loyale et éclairée peut raisonnablement se poser. On entre là dans la frontière nébuleuse entre humanité, médecine, science, droit et administration. Voilà de quoi réveiller mon envie de terminer ma licence de droit...
    Merci pour cette réflexion.

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  3. Avoir un abonnement obligatoire à drugs.com ?
    Non, suis je bête, ça voudrai dire que les patient(e)s sont informés...

    C'est obligatoire aussi si la femme est stérile, ce test de grossesse pour l'isotrétinoïne?

    Autant la prise de sang sert pour surveiller le taux de cholestérol, qui est chamboulé par ce médicament, autant le test de grossesse à un coté ridicule... Si le fœtus a été exposé c'est juste trop tard pour lui et ne sert qu'à réserver sa place pour l'avortement... Quel est l'intérêt de santé ? Je ne vois qu'une aide à la gestion de la queue...

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  4. A contrario, j'ai été victime en 1992 d'un défaut d'information lors de la prescription d'un médicament apparemment teratogene. Le dermato qui me l'a prescrit me suivait depuis l'âge de 2 ans et ne m'a probablement pas vue grandir... Prescription de vitamine A acide pour un problème d'acné également. Lors de la prescription, il m'a demandé si j'avais une contraception, ce à quoi j'ai répondu que non, que j'avais même une stimulation hormonale puisque nous tentions de concevoir depuis 3 ans. Suite à cette question je suis repartie avec une ordonnance, persuadée que le traitement prescrit tenait compte de la situation. 23 ans après sa naissance ma fille aînée payé encore cette CONNERIE, du fait de problèmes urinaires nécessitant un suivi important. J'ai changé de dermato pendant ma grossesse, mais j'aurais dû changer bien avant et n'ai pas encore pardonné.

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    1. Oui, vous soulevez un problème important : la "vitamine A acide" est un rétinoïde proche de l'isotrétinoïne, mais en applications cutanées. Or, sa toxicité sur le foetus est démontrée, et on ne doit donc jamais en utiliser pendant une grossesse. Cependant, cet effet n'est connu que depuis une dizaine d'années : la Revue Prescrire le mentionne pour la première fois en 2005. Il est donc tout à fait probable qu'en 1992, votre dermatologue l'ignorait : ce n'était pas encore décrit. Et on en revient au fait que les médicaments ne peuvent pas être testés pendant la grossesse. Par principe, tout médicament récent devrait être banni pour une femme enceinte. D'autant que même les médicaments anciens (anti-inflammatoires) peuvent être tératogènes...

      Sur la vitamine A acide, un article de Prescrire en accès libre :
      http://www.prescrire.org/fr/3/31/23554/0/NewsDetails.aspx

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  5. Bien entendu je soutiens vos propos et j'ai dû faire face plusieurs fois à une forme de maltraitance médicale. Dès que cela ne me convenait pas j'ai eu la possibilité de changer de médecin ou de refuser ce qui ne me convenait pas. J'ai pris du Roaccutane et les demandes de prise de sang ont été également régulières mais pour vérifier le bon fonctionnement hépatique, m'a t-on dit à l'époque (dans les années '80) A l'heure actuelle, pour tout traitement je demande différents avis et exprime clairement au médecin ce que je souhaite et surtout ce que je n'accepte pas. Le plus important pour moi est de me sentir réellement écoutée et que cela soit un véritable échange avec mon médecin.

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  6. Par voie orale pour ma part (avibon 500), et apparemment problème connu puisqu'il m'a posé la question et lorsque je lui en ai reparlé il m'a dit "ne pas avoir intégré ma réponse car il me voyait encore toute petite avec mon cartable"...

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  7. Article intéressant mais ne correpondant pas à ce qui nous avait été dit à l'époque (malformations du SNC et du système urinaire). Dans notre cas c'est le système urinaire qui a été touché. Mais apparemment l'avibon 500 (qui n'existe plus) était de la vitamine A tout court et non de la vitamine A acide.

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  8. Le test de grossesse et une contraception sont des obligations médico légales imposés au médecin prescripteur de ce médicament chez les femmes.
    Quel contrôle a le médecin sur la vie sexuelle de la patiente à qui il le prescris : de l'adolescente qui dit ne pas avoir de rapport sexuel, à la femme célibataire qui dit ne pas avoir de partenaire ou à la femme homosexuelle qui dit ne pas avoir de relation avec les hommes ?
    La prescription d'une contraception ne signifie pas pour la patiente l'obligation de prise de celle-ci (chacun fait ce qu'il veut dans son intimité), mais le test de grossesse quelque soit la situation de la femme est une obligation pour la délivrance mensuelle du produit.
    La surveillance hépatique est tout aussi obligatoire, et bien que je conçoive que cela puisse être perturbant pour une femme qui sait pertinemment qu'elle ne concevra pas (ado, célibataire, homosexuelle) d'être obligé de faire ce test de grossesse, ce peut être aussi vu comme une simple contrainte liée à la prise du produit.
    Après tout, nous prescripteurs n'avons pas à nous enquérir pour cette prescription de la sexualité de la patiente.
    Si ces obligations médico légales ont été mises en place, c'est en raison du nombre de grossesses qui ont été observées lors de la prise du médicament.
    Ce produit ,quoi qu'en dise prescrire ou Martin Winckler, et malgré sa toxicité, a une efficacité reconnue pour des situations et des vécus difficiles face à la maladie pour laquelle il est prescris.
    Pour ma part, je répondrais à Emma, que son statut proclamé d'homosexuelle n'est pas plus un cas particulier que celui de tout autre femme, et de n'y voir aucune discrimination (ou victimisation ?) dans la contrainte imposée par ce test.

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    1. @hexdoc : Quel manque de confiance et de dialogue avec vos patientes ! Avec une mentalité comme la votre vous ne devriez prescrire absolument aucune substance car si les femmes mentent sur leur sexualité comme vous le dites, alors pourquoi ne mentiraient-elles pas sur leur éventuel usage de stupéfiants, diabète, allergies ou leurs symptômes ? Qu'est ce qui fait que vous croyez une femme qui vous dit qu'elle n'est pas allergique à une substance alors que vous ne croyez pas ce qu'elle dit de sa propre sexualité ?


      Votre dernière phrase sur le statu proclamé de la sexualité des femmes et votre parenthèse sur la victimisation sont incroyable de misogynie et d'homophobie !

      Que le test hépatique soit justifié chaque mois est une chose, mais pour le test de grossesse c'est totalement méprisant pour les lesbiennes et pour les femmes asexuelles, abstinentes ou en couple avec des hommes trans ou tout un tas de situations qu'elles peuvent avoir qui les met hors de contacte avec du sperme.

      Si vos patientes n'ont pas confiance en vous et vous mentent sur leur sexualité, c'est que vous vous ne leur donnez pas confiance. Et à vous lire, je leur donne bien raison car votre prose témoigne d'un mépris décomplexé face à elles et face à toutes les femmes et particulièrement les lesbiennes que vous accusez à demi mots de se victimisées et de ne pas connaître leur orientation sexuelles.

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