« La médecine a ses limites, dans votre cas ces
limites sont clairement atteintes, je ne vais pas pouvoir vous guérir. Vous
faire durer, un peu, peut-être… »
« Combien de temps ? »
« Un an,
peut-être deux…je vous conseille de mettre vos affaires en ordre… »
C’est comme cela qu’a débuté la relation entre
mon mari et son cancérologue, éminent professeur de province française. J’étais
présente, je l’accompagne à chaque consultation, pour le soutien, d’abord, et
puis aussi parce que sous l’effet du stress la personne malade a tendance à ne
pas entendre certaines informations, l’esprit s’échappe, parfois… (J’ai eu
moi-même un cancer du sein il y a vingt ans)
Mon mari est atteint d’un adénocarcinome du
bas œsophage avec métastases pulmonaires.
Donc, avec le professeur M., ça a commencé par
l’annonce. Avoir un cancer est violent en soi, toute annonce est forcément
traumatisante, mais là c’était carrément insupportable parce que toutes les
portes étaient déjà fermées, d’entrée de « jeu ».
La tumeur primaire a disparu en trois mois,
les nodules pulmonaires ont diminué, en quantité et en volume. Mais à chaque
consultation, tous les trois mois, ce que nous entendions c’est :
« c’est étonnant, mais faut pas rêver, ça ne va pas durer. »
Après un arrêt de chimio de six mois, une
lésion est réapparue au niveau de l’œsophage. Trois mois après, nous apprenons
que les biopsies faites sur cette lésion se sont révélées négatives. Lorsque
mon mari demande pourquoi il n’a pas été prévenu de ce (bon) résultat, le
professeur lui répond : « parce que je n’ai pas que ça à faire, les
résultats arrivent, je les classe. Et puis même si les résultats sont négatifs,
moi je les considère comme positifs, les prélèvements ont peut-être été mal
faits. »
Aujourd’hui, cela fait deux ans que mon mari
est suivi par le professeur M .
Deux ans, c’est le maximum de temps qu’il lui
accordait dans son pronostic. A chaque fois qu’il y a de bons résultats, il se
réfère aux statistiques pour en limiter la portée. Son discours est plus que
pessimiste, il est mortifère.
Nous savons que ce cancer est très grave, nous
en avons pris toute la mesure et ne risquons pas de l’oublier. Le professeur M. est techniquement reconnu comme
étant le meilleur de sa spécialité dans notre ville, c’est pourquoi mon mari a
choisi d’être son patient.
Si aujourd’hui je m’interroge sur la qualité
de ce suivi médical c’est qu’il me semble qu’un médecin peut dire la vérité dans
une parole congruente tout en accompagnant
le patient, et dire la vérité n’est pas l’assener. Dans le domaine
médical, les seules compétences techniques sont bien sûr nécessaires mais pas
suffisantes.
J’ai lu Vouloir guérir de Anne
Ancelin Schützenberger (que je recommande à toute personne atteinte d’un
cancer), à un moment elle cite un chirurgien : « L’espoir n’est pas
une donnée statistique mais physiologique. Le concept de « faux
espoir » doit être éliminé du vocabulaire médical… Cela consiste simplement à expliquer aux
malades qu’ils ne sont pas obligés de réagir conformément aux statistiques. Le
refus d’espérer n’est rien d’autre que la décision de mourir ».
Mon mari n’est pas une statistique. Mon mari
est un être humain et il est vivant, même si son cancérologue se comporte avec
lui depuis deux ans comme s’il était déjà mort.
Sylvie Kiener
Bonjour, parmi les missions du médecin, l'accompagnement et le soutien au patient occupe une place importante, autant que sa prise en charge pathologique. Je ne crois que ce professionnel soit la personne indiquée pour permettre à vous et à votre mari de vivre cette étape de vie: vous avez le droit de chercher chez un autre oncologue l'empathie, la confiance et l'engagement que vous méritez. Bon courage à vous. Giovanna
RépondreSupprimerBonjour. Votre témoignage m'appelle à rappeler qu'un médecin n'est pas qu'un technicien du corps, en fût-il un brillant exemple. Il est un humain qui a choisi de soigner ses semblables, de leur faire du bien.Celui que vous décrivez a oublié le versant simplement humain de sa fonction.Votre réponse est magnifique : votre mari est bien vivant!Pour le reste, il ne manque pas de remarquables et néanmoins bienveillants professeurs à consulter. "Courage!Fuyez!".Avec toute na sympathie.
RépondreSupprimerJ'ai une Ald depuis 1986 avec la mort au bout dans ces années là. Je suis encore vivante mais c'est pas un combat de tous les jours avec les médecins. Il faut avoir du caractère pour contrer les médecins. Courage à tous ceux qui ont une ALD.👒
RépondreSupprimerHier, nous avons rencontré l'oncologue de mon compagnon, il nous a annoncé que le cancer est inopérable, incurable.
RépondreSupprimerJe comprends qu'il y ait encore de l'espoir (et des années devant lui, je le souhaite tellement). Nous commençons la chimio dans 10 jours. Mais tout de même... Qu'est ce que cela veut dire : incurable ...? Comment accepter ça... Le docteur s’est assis et nous a dit : "Vous savez que c’est incurable?" avec une telle désinvolture !!! Je lui en veux beaucoup, même si je dois mettre cela de côté et avoir de bonnes relations avec lui, pour mon compagnon. Mais les mots me manquent pour décrire ce que je ressens. Je sais bien que c’est la routine pour lui, mais moi, c'est l'homme de ma vie alors j’aurais souhaité une autre approche.
Des témoignages comme le vôtre sont réconfortants. Merci à vous, je me sens moins seule.
Comment va votre mari ?