Je reproduis ci-dessous des extraits d'un article du Pr Bruno Py, Professeur de droit privé et sciences criminelles à l’Université de Lorraine, qui éclaire sans ambiguïté les questions légales soulevées par les examens gynécologiques subis trop souvent par de trop nombreuses patientes. MZ/MW
******
(…) L’explosion médiatique. Dès février 2014, le médecin-écrivain
Marc Zaffran [Martin Winckler] sur son blog attirait l’attention
des lecteurs sur cette pratique ancestrale utilisant les patients endormis
comme objets pédagogiques. Pourtant, c’est le journal gratuit Metronews qui
fut à l’initiative d’une violente campagne médiatique par la publication le 2
février 2015 d’un article intitulé : Touchers vaginaux sur patientes
endormies : un tabou à l’hôpital ? Cet article révélait que sur le site de
l’Université Lyon-Sud, un document officiel suggérait que les étudiants
devaient s’exercer au toucher vaginal sur des patientes endormies au bloc
opératoire. Des réponses maladroites de la doyenne de l’UFR concernée et du
président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français amplifiaient l’émotion. Toute la presse nationale s’était
alors enflammée. « Le ministre de la Santé s’apprêterait à saisir le président
de la Conférence nationale des doyens des universités de médecine ».
L’explication
sociologique. (...) Les explications fournies globalement par
les médecins qui justifient ces pratiques sont désarmantes d’anachronisme. «
C’est utile. Les patients ne s’en rendent pas compte. Si on leur demande ils
refuseront. De toute manière, ils doivent bien s’en douter »… Si nul ne
conteste l’utilité de l’enseignement du toucher rectal et du toucher vaginal,
chacun des autres arguments est facile à renverser. L’inconscience n’est pas
une raison, mais une circonstance aggravante de vulnérabilité. Le risque de
refus est le corollaire de l’exigence légale de respect du consentement. Le
consentement n’est pas un luxe, mais une nécessité
juridique absolue. Enfin, le consentement ne se présume pas.
La
qualification pénale envisageable. La
loi du 23 décembre 1980, dans sa nouvelle définition du viol, n’a pas lié la
qualification à la satisfaction d’une pulsion sexuelle. « Tout acte de
pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne
d’autrui, par violence, contrainte, menace ou surprise, constitue un viol ».
Aussi peut-on envisager que tout acte médical entraînant une pénétration des
organes sexuels, imposé par violence, contrainte, menace ou surprise puisse
être qualifié viol. Ce pourrait être le cas pour un frottis vaginal, un toucher
rectal, une échographie endo-vaginale ou une coloscopie imposés par un médecin.
Pour le droit pénal, abuser sexuellement de la femme ivre ou assoupie ou
pratiquer un toucher rectal sur un patient anesthésié constitue le crime de viol.
Conclusion.
Dès 1956, dans le Traité
de droit médical pouvait-on lire :
« Il n’est
nullement vrai que l’entrée, même volontaire du malade à l’hôpital ou dans une
clinique, implique nécessairement l’acceptation, faite par avance, des traitements
que les médecins de cet établissement jugeront bon de lui faire subir, ni que
l’anesthésie consentie comporte d’avance le consentement à une opération quelconque
».
Nul ne conteste
l’importance de former tous les étudiants en médecine à l’examen clinique qui
restera à jamais primordial, quels que soient les progrès technologiques. Mais
cet enseignement clinique, au lit du malade, suppose désormais d’associer
chaque patient, dans le respect de sa liberté d’accepter ou de refuser cette
participation passive à l’apprentissage du futur médecin. Pour la loi, le patient
ne doit plus être considéré comme un objet pédagogique, mais, s’il en est d’accord,
comme un sujet pédagogique.
Le patient, « objet » pédagogique ? - Pr. Bruno Py, Professeur de droit privé et sciences criminelles à l’Université de Lorraine (in « Mélanges en l’honneur du Professeur Claire Neirinck », 4 août 2015)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Les commentaires sont modérés. Tous les commentaires constructifs seront publiés. Les commentaires franchement hostiles ou désagréables ne le seront pas.