Agnodice (c'est un pseudo) a commencé médecine à l'âge de 30 ans, après un doctorat en philosophie ancienne sur Aristote. Elle vient de finir son internat de médecine générale et a lu le récent article de ce blog consacré à l'entretien donné par le Dr Ghada Hatem.
Elle réagit à son tour.
MW
Ci-contre : un dessin de Borée qui rappelle que les médecins peuvent parfaitement examiner les femmes (si c'est nécessaire ET si elles l'acceptent) sur le côté, et pas sur le dos...
"Tout n'est pas justifiable au nom du soin"
Vivant actuellement mes dernières semaines d’interne de médecine générale (je finis d’ici quelques semaines, toutes les bonnes choses ont une fin), je ne peux qu’être énervée et agacée à la lecture de cet entretien et je suis donc votre appel à vous envoyer par mail ce que nous pensons de cet article.
Les propos tenus par cette médecin s’appuient sur des présupposés avec lesquels je ne saurais être en accord :
(1) que toute patiente devrait être consentante à l’examen gynécologique, puisque
(2) c’est dans l’intention de soigner que cet examen est pratiqué, donc il doit être accepté et,
(3) que si les femmes ne sont pas d’accord pour cet examen c’est un manque de pédagogie
(« Il faut aussi que les femmes comprennent »)
Concernant le premier présupposé, c’est effectivement un présupposé qui a la vie dure : lors de mes stages en gynécologie j’ai eu à pratiquer les fameuses échographies endovaginales et, lorsque je mettais trop de temps à introduire la sonde, je me faisais réprimander pour ma lenteur (pas par les patientes évidemment).
Alors il faudra m’expliquer à quel moment on peut introduire un machin comme ça sans y aller avec tact et délicatesse et vouloir en même avoir la confiance de nos patientes. Moi je n’ai jamais compris. Et je ne crois pas que la pédagogie puisse en quoi que ce soit aider à ce que l’examen et ce type d’échographies se passent correctement. Pour la pose de speculum on peut aisément faire ce même raisonnement.
Concernant le deuxième présupposé, cet examen serait pratiqué dans l’intention de soigner donc il devrait être accepté. Ainsi, au nom du soin on pourrait tout faire. D’un point de vue éthique, cela est tout à fait discutable.
"Au nom du soin, tout est justifiable" : cela revient à dire que pour cette fin (le soin), on peut tout faire.
Bref, peu importent les moyens du moment que l’on soigne.
Oui, on a le droit de faire des choses au nom du soin, mais le soin ne saurait être ce concept derrière lequel on se range pour faire passer l’absence de recherche de consentement.
De la même façon, au nom du soin on pourrait tout dire : juger de la pertinence dans la vie d’une femme d’avoir un enfant à tel ou tel moment. Et enfin, de la même façon, au nom du soin, on pourrait tout décider de la façon dont nos patients mènent leurs vie : je ne peux qu’être consternée par le parcours de certaines patientes qui veulent se faire ligaturer les trompes…
Concernant le troisième présupposé, la pédagogie « il faut que les femmes comprennent ».
Non, il faut que les médecins comprennent les femmes, il faut que les médecins comprennent cette position gynécologique.
J’ai été surprise car la médecin chez qui je suis en stage a retiré les étriers de sa table d’examen et fait beaucoup de gynécologie. Et donc, par la force des choses, je fais les frottis et les examens gynécologiques sans que les patientes aient à mettre les pieds sur les étriers, et tout se passe très bien (et en tout cas je n’ai pas plus de mal à faire l’examen).
J’ai toujours été scandalisée dans nos cours de cette asymétrie entre un toucher rectal chez l’homme où les professeurs hommes nous invitent à la plus grande délicatesse, et le toucher vaginal chez la femme où absolument aucun professeur ne nous a recommandé d’être délicat et de rechercher le consentement.
Comme si une femme avait par nature les cuisses ouvertes, prête au toucher vaginal et à l’examen gynécologique. Et je ne parle pas des femmes qui ont eu des enfants, alors elles, les cuisses seraient encore plus ouvertes. Non vraiment, je n’en démords pas, les médecins doivent comprendre.
Quant à savoir si la pose d’un spéculum peut être superposée à un viol … Et bien tout dépend comment elle est faite cette fichue pose !!!
Mais avant de parler de "pédagogie envers les femmes", peut-être serait-il bon de parler de recherche du consentement de la patiente...
Agnodice
Merci Madame.
RépondreSupprimermerci merci pour ce texte. combien de femme ne sont plus suivit parce que non écouté.
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