Imaginez, si vous voulez bien, une
entreprise du médicament. Appelons-la WoPharma.
(Le « Wo » veut dire
« World ».)
WoPharma est spécialisée dans la
commercialisation de médicaments destinés à soigner les maladies
cardio-vasculaires dans leur ensemble : hypertension, infarctus du
myocarde, accidents vasculaires cérébraux. Elle n’est pas tout à fait la seule à
commercialiser ces produits, mais elle est la plus puissante dans ce domaine
particulier, en raison de son ancienneté et de sa taille.
Imaginez, par ailleurs, une entreprise
de formation que nous appellerons l’EMCV: Ecole des Maladies Cardio-Vasculaires.
Cette école propose aux médecins en
exercice un enseignement destiné à leur enseigner les fondements des maladies cardio-vasculaires
et, bien entendu, leur traitement. L’EMCV propose dans toutes la France des modules et des ateliers. En outre, le CEDH propose un enseignement sanctionné par un diplôme de « Thérapeutique
des Maladies Cardio-Vasculaires ».
Vous êtes médecin, tenté de
parfaire vos connaissances, et des confrères vous ont parlé de l’EMCV avec
ferveur. Vous décidez de vous inscrire et vous vous rendez sur son site.
Vous constatez, avec un peu de surprise, que
l’EMCV entretient un partenariat avec de nombreuses facultés de médecine en
Europe, et dans une demi-douzaine en France.
Déjà, vous vous grattez la tête.
Les enseignants de l’EMCV se
rendent donc dans les facultés de médecine française pour dispenser
(gratuitement ?) la bonne parole aux étudiants… en en même temps la
vendent à des médecins déjà en exercice ? Mmhhh... Cela veut-il dire que l'enseignement en faculté n'est pas bien fait ? Pas suffisant ? Et pourquoi l'enseignement se fait-il dans ces facultés, et pas dans les autres ?
Avant de vous engager, vous
consultez la page internet de leur site, en cliquant sur l’onglet « Qui
sommes-nous ? »
Et là, avec un certain étonnement,
vous lisez « EMCV est une filiale de WoPharma ».
En toutes lettres.
Qu’en pensez-vous ?
Que faites-vous ?
(Réfléchissez quelques minutes,
avant de lire la suite.)
Vous avez bien réfléchi ?
Bon, alors, de deux choses l’une.
1° Vous ne voyez pas où est le
problème. Les notions de conflit d’intérêts et d’influence commerciale vous sont
étrangères. A vos yeux, le fabriquant est le meilleur expert des médicaments
qu’il commercialise. Il va de soi que c’est à lui de dire comment les
prescrire. Vous ne voyez aucun inconvénient à recevoir un enseignement qu’il a
financé.
Vous téléchargez le bulletin
d’inscription pour le remplir.
2° Vous êtes conscients de
l’influence de l’industrie sur les prescriptions. Si l’EMCV est une filiale de
WoPharma, il est évident que son enseignement n’est pas indépendant de ce que
veut la maison-mère. Le conflit d’intérêts est patent : un enseignement
proposé par un fabriquant en quasi-monopole est en conflit direct avec
l’intérêt des patient.e.s
et de la santé publique. Ne serait-ce
que parce que les traitements ou attitudes thérapeutiques autres que ceux de WoPharma
seront omis de l’enseignement.
Vous vous exclamez : What the fuck ? (En français : « C’est quoi cette entourloupe ? »)
Et vous vous posez un certain
nombre de questions annexes :
- Le financement des formations
destinées aux médecins par les entreprises du médicament n’est-il pas soumis à
une réglementation très stricte ? Le financement de l’EMCV est-il conforme
à la législation en cours ? D’autres entreprises du médicament
financent-elles sur le même modèle des écoles privées destinées à la
« formation » des médecins ? Lesquelles ?
- Comment les médecins qui suivent
ces enseignements ne voient-ils pas qu’ils font l’objet d’une manipulation
(coûteuse pour eux, qui plus est) ?
- Comment se fait-il que des
facultés de médecine s’associent à une entreprise industrielle du médicament ? Que disent leur commission pédagogique et leur
comité d’éthique du « partenariat » avec l’EMCV ?
- Comment appelle-t-on une
« Ecole » qui « enseigne » aux médecins comment
prescrire les médicaments de l’industriel qui la finance ? (Si l'EMCV est une filiale de WoPHarma, ça veut dire, en effet, que WoPharma assure au moins une partie de son financement, et prélève une partie de ses bénéfices.)
Je crois vous entendre dire :
« Mais ça ne peut pas exister. C’est trop gros. Trop scandaleux. Ça ne
tiendrait pas une seconde. »
Eh bien, si !
Cette école existe.
Ce centre propose dans toute la
France des « modules de thérapeutique
homéopathique » à 350 Euros (en pédiatrie, gynécologie et oncologie !!!!
– non, vous ne rêvez pas ! ), des « ateliers
présentiels » et un « diplôme
de thérapeutique homéopathique » pour la modique somme de 2500 euros et
quelques.
Les partenariats avec les facultés
de médecine sont
détaillés sur cette page-ci. On notera qu’il y est écrit, en toutes
lettres : «
- La Faculté est responsable de l'organisation de
l'enseignement dans le strict respect de la réglementation universitaire.
- Le CEDH met à la disposition des Universités le
programme et les outils pédagogiques : documents, CDROM nécessaires à
l’animation des cours, documents pédagogiques à remettre aux élèves.
- Les cours sont effectués par les intervenants,
ayant une grande expérience pratique de l’homéopathie. Ils sont formés et
animés par le CEDH.
Enfin, sur la page « Mentions légales », on
peut lire sans aucune ambiguïté :
« La SARL CEDH, filiale BOIRON »
Vous avez bien lu.
Le CEDH, école qui se consacre
entièrement à l’enseignement aux médecins d’une « thérapeutique »
n’ayant aucun fondement scientifique, est une filiale de Boiron, principal
fabriquant de médicament homéopathiques en France.
Ce "détail", un certain nombre de
médecins qui suivent ou ont suivi les "enseignements" du CEDH l’ignorent peut-être.
Car ce lien indiqué à la page « Mentions légales » ne figure sur aucun document d'inscription.
Tout ceci me conduit à poser de
nouveau les questions énoncées ci-dessus (mais avec les vrais sigles,
cette fois) :
- Le financement des formations
destinées aux médecins par les entreprises du médicament n’est-il pas soumis à
une réglementation très stricte ? Le financement direct du CEDH par Boiron
est-il conforme à la législation en cours ? D’autres entreprises du médicament
financent-elles de la même manière des « écoles » destinées à la
« formation » des médecins ? Lesquelles ?
- Les médecins qui suivent
ces enseignements ne voient-ils pas qu’ils font l’objet d’une manipulation
(coûteuse pour eux, qui plus est) ? Ont-ils lu les mentions légales du
site ? (Peut-être pas. Après tout, certain.e.s patient.e.s
ne lisent pas les notices des médicaments.)
- Comment se fait-il que des
facultés de médecine s’associent à une entreprise industrielle du médicament ? Que disent leur commission pédagogique et
leur comité d’éthique du « partenariat » avec le CEDH ?
- Quel rôle pédagogique jouent
exactement les personnes dont le nom figure sur les pages de
« partenariat » de la
faculté de médecine de Brest, la faculté de médecine d’Angers, ou celle de Limoges ?
- Comment appelle-t-on une
« Ecole » qui fait payer les médecins pour leur « enseigner » à
prescrire les médicaments commercialisés par l’industriel dont elle est la filiale ?
Enfin, le Ministère de la santé,
le Conseil national de l’Ordre, les syndicats médicaux, la Haute autorité de
Santé, la CNAM, le CODEEM (le
« Comité de déontovigilance des entreprises du médicament ». Ne
souriez pas, ça existe !) et, last
but not least, le vertueux Syndicat national des médecins homéopathes français
sont-ils conscients de l’existence de ce « Centre d’enseignement », filiale de Boiron,
et qu’ont-ils à déclarer à ce sujet ?
J’aimerais bien pouvoir les
interroger mais je ne sais pas très bien comment les joindre.
Et je ne sais pas si j’obtiendrais
des réponses.
En attendant, je me permets de
partager les questions.
Vous aurez peut-être, de votre côté, envie de les leur
poser.
Marc Zaffran/Martin Winckler
PS : Un internaute m'écrit :
Pour en revenir à l homeo, il serait intéressant de se pencher sur les médicaments eux même. 30 % des souches homeo sont d origine animale. Apis, Lachesis, Vipera. Et la star de boiron, oscillococinum est fait à partir de foie de canard avarié. Je me suis intéressé à une souche dont le nom m a intrigué : Poumon Histamine. D après Boiron lui même, (un ami pharmacien a appelé Boiron Levallois) il s agit d un produit fait à partir d'un brave cobaye mort après un choc anaphylactique provoqué. On prélève les poumons, on les broie et on dilue..
Quand on sait que les pro-homéopathie sont souvent soucieux d'écologie, ils tomberaient des nues s'ils apprenaient qu'avec l'homéo on est loin des petites fleurs et de la nature qui chante.
Luesinum? Chancre syphilitique. Meddorinum? Blennorragie. On trouve aussi du bacille de la peste, de la coqueluche, du gaz prussique, de l arsenic...
Pourquoi des noms en latin ? Il faudrait demander à Haute Autorité de santé pourquoi le patient n'est pas informé de ce qu'il achète! J'imagine la maman qui achète bio et qui apprendrait qu'elle donne de l'extrait de chancre à son bébé, ou des dilutions d'un mignon cobaye torturé...
PS : Un internaute m'écrit :
Pour en revenir à l homeo, il serait intéressant de se pencher sur les médicaments eux même. 30 % des souches homeo sont d origine animale. Apis, Lachesis, Vipera. Et la star de boiron, oscillococinum est fait à partir de foie de canard avarié. Je me suis intéressé à une souche dont le nom m a intrigué : Poumon Histamine. D après Boiron lui même, (un ami pharmacien a appelé Boiron Levallois) il s agit d un produit fait à partir d'un brave cobaye mort après un choc anaphylactique provoqué. On prélève les poumons, on les broie et on dilue..
Quand on sait que les pro-homéopathie sont souvent soucieux d'écologie, ils tomberaient des nues s'ils apprenaient qu'avec l'homéo on est loin des petites fleurs et de la nature qui chante.
Luesinum? Chancre syphilitique. Meddorinum? Blennorragie. On trouve aussi du bacille de la peste, de la coqueluche, du gaz prussique, de l arsenic...
Pourquoi des noms en latin ? Il faudrait demander à Haute Autorité de santé pourquoi le patient n'est pas informé de ce qu'il achète! J'imagine la maman qui achète bio et qui apprendrait qu'elle donne de l'extrait de chancre à son bébé, ou des dilutions d'un mignon cobaye torturé...
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PS : "Je conchie la confraternité ! Mes obligations éthiques vont d’abord aux patientes, ensuite aux autres médecins."
(Franz Karma dans Le Choeur des femmes.)
Si vous désirez soutenir les médecins attaqués pour "manque de confraternité" par le Syndicat des homéopathes, signez la pétition en ligne.
Quelques infos sont trouvables sur l'université d'Angers notamment les intervenants Gérard Mandine médecin homéopathe avec une interview : https://www.youtube.com/watch?v=ErTphmm8UuA
RépondreSupprimerEt une seconde intervenante Christine Boutin dont un profil viadeo a l'air de correspondre. Pharmacienne en lien très étroit avec Boiron : http://fr.viadeo.com/fr/profile/christine.boutin9
Le plus drôle, dans tout ça - et quoi qu'on pense, sur le fond, de l'homéopathie -c'est qu'il existe une vraie bataille entre Boiron et ceux qui se définissent comme les "vrais" homéopathes, c'est-à-dire les "unicistes" (qui prescrivent une seule substance, à prendre une à trois fois, puis au moins un mois d'observation). C'est intéressant de le savoir : pour les "puristes", Boiron a complètement dévoyé l'homéopathie, en promouvant ce que certains appellent "homéopathie pluraliste" (les plus fâchés l'appellent "boironisme"), dans laquelle on prescrit tout plein de tubes contenant des mélanges de granules, à prendre plusieurs fois par jour sur des semaines, voire des mois. Les "unicistes" trouvent que c'est une hérésie, inventée uniquement pour... vendre plus de tubes de granules (eh oui, toujours les mêmes motifs...). Et ils en veulent énormément à Boiron d'avoir créé partout dans le monde des formations, écoles, etc... qui dispensent ce qui n'est à leurs yeux qu'un ersatz commercial de leur discipline. Quand on parle avec des homéopathes des autres pays, on réalise qu'à l'international, les homéopathes français sont généralement considérés comme des charlots, précisément parce qu'ils ont été formés par Boiron, fossoyeur à leurs yeux de la "vraie" homéopathie et responsable de l'extinction (par une politique marketing et commerciale hyper-agressive + un rachat systématique de tous les concurrents) de tous les autres labos fabriquant des granules au lactose... Un article de Lyon Capitale, voici quelques années, citait un médecin étranger disant que Boiron était "le McDo de l'homéopathie". SI je me souviens bien, le fameux Oscillo, effectivement fabriqué à partir de foies de canards de Barbarie malades qu'on laisse pourrir, repose sur la conviction d'un médecin du 18e ou 19e siècle qu'un principe vivant qu'il avait baptisé oscillocoque était à la source de TOUTES LES MALADIES ! C'est sans doute ça qui a fait que Boiron a été l'objet d'une action collective des consommateurs aux Etats-Unis (pour tromperie je crois, à vérifier, mais les médias français en ont peu parlé, car Boiron reste un gros annonceur !) Dernier truc que j'ai appris récemment : pas mal de ces fameux unicistes pensent que les granules de Boiron sont d'une qualité douteuse et donc font commander leurs patients à l'étranger !!! Donc là, au moins, la Sécu n'est pas sollicitée...
RépondreSupprimerJe plussoie. Les "homéopathes" unicistes en France sont vraiment rares... Et pour un bête rhume un peu costaud ils sont cap de prescrire 5 ou 6 remèdes différents! Quelle hérésie!
SupprimerEt en plus il est de plus en plus difficile (voire impossible) de trouver d'autres remèdes que du Boiron en pharmacie, même à l'étranger (Belgique pour ma part)
Bonjour,
RépondreSupprimerje voulais passer mon chemin, mais le ton peu accorte de l'article est un peu gênant. On peut tout à fait penser que c'est de la charlatanerie chacun sa liberté de pensée, mais si pour certain le service rendu est là, je ne vois pas le soucis.
Pour cette longue diatribe sur boiron qui donnerait des cours sur ses produits. Je suis un peu d'accord que c'est limite. Mais d'un autre coté, quelles différences entre cette situation et celles tellement plus répandues d'un labo pharmaceutique traditionnel qui finance un service, par exemple l'oncologie, en lui faisant prescrire ses produits. Ce service accueillant ensuite des médecins en formation à qui ont apprend à prescrire ces même médicaments fournis par le labo ?
Parce qu'il y a dans cette deuxième situation un filtre supplémentaire qui permet de se voiler la face ? La différence de mon point de vue, c'est que dans le second cas le patient est le cobaye plus ou moins volontaire des essais de développement d'un traitement. Démultiplié par le nombre de services de l'ensemble des hôpitaux et le nombre d'internes qui passent, est-ce que boiron forme plus de gens que le labo plus 'acceptable' ?
Enfin, petite incise puisque un internaute se gausse de la manière dont est obtenu certains souches homéopathique, sait-il, par exemple, que certains vaccins utilisent dans leur processus de fabrication des cellules cancéreuses humaines (on dit tumorales parce que cela effraie moins le chaland qui pourrait tomber sur l'information) qui pourraient (peut de recherche la dessus étonnamment) provoquer des cancers des décennies plus tard ?
herve_02
Je crois dans dans cette guéguerre anti homéo, personne n'y gagnera. D'abord parce que les convaincus continueront à l'utiliser sans grand avantage pour la sécu. Ensuite parce que les militants scruteront à la loupe les médicaments allopathiques qui bénéficient actuellement d'un traitement de faveur de tout le monde : on ne sort les scandales que lorsque les morts s'empilent de trop et que le pharmacovigilance n'arrive plus à les camoufler dans les coïncidences et le multi-factoriel.
herve_02
Exactement. Sans compter que les médicaments (non homéo, donc) que la recherche de nouvelles molécules sont testées sur des animaux, et ça ne serait pas scandaleux...
Supprimer"certains vaccins utilisent dans leur processus de fabrication des cellules cancéreuses humaines (on dit tumorales parce que cela effraie moins le chaland qui pourrait tomber sur l'information) qui pourraient (peut de recherche la dessus étonnamment) provoquer des cancers des décennies plus tard ?"
Supprimerou comment distiller une information sans source que l'on pourrait du coup nommer rumeur...