samedi 26 mai 2018

Il serait temps de cesser d'avoir peur des patient.e.s (et de son ombre) - par Marc Zaffran/Martin WInckler


Je mets sur Facebook le « post » suivant :

« Le refus (par un.e patient.e) de recevoir certains soins ne justifie nullement de la part du médecin de cesser de le/la suivre médicalement - ni de lui faire signer quoi que ce soit. C'est la compagnie d'assurances médicales MACSF qui le dit... »

Voici l’article publié par la plus grande compagnie d’assurances médicales française. Qui sait ce qu’elle dit en terme de jurisprudence.


Sous le post, un médecin commente :

Comme le la patient e peut refuser des soins, un médecin peut se sentir éthiquement en difficulté et refuser de soigner un patient. La réciprocité est la base de la confiance.


MW : Tu oublies que le soignant est au service du patient. Ce n'est pas au soignant de dicter les conditions du soin. C'est au patient de dire comment il veut qu'on le soigne. Et là, le soignant peut dire "Je vais vous soigner en respectant vos voeux" ou se démettre. Dans mon esprit, se démettre n'est éthiquement acceptable que dans un tout petit nombre de cas. Le fait de porter un voile ou de ne pas vouloir être transfusé, ou de ne pas vouloir se déshabiller ne sont pas des raisons suffisantes pour refuser de soigner quelqu'un. Ce sont juste des prétextes pour le soignant de dire "J'ai des préjugés à votre égard".


D'accord. Mais si le refus de se déshabiller t'empêche d'examiner correctement le patient et entraîne une conclusion erronée de l'examen, cela met en danger le patient. Le risque légal est toujours pour le soignant. La confiance réciproque est importante. Le médecin a le droit de refuser de faire une ordonnance non datee ("comme ça je vais chercher mon somnifère quand je veux") de faire un faux certificat (je suis contre les vaccins.mais sans certificat je ne peux pas inscrire mes enfants à l'école....)


MW Il n'y a aucun risque légal pour un médecin (toi, en l'occurrence) à respecter ce qu'un•e patient•e demande et qui est parfaitement légal, dès le  moment où tu définis clairement pour elle ce que tu peux ou non faire avec ses réserves et/ou restrictions. Interroge les compagnies d'assurances et les avocats. Les patiente•e•s portent plainte quand on leur ment et quand on ne les respecte pas. Pas quand on les respecte. Il.le.s portent plainte quand on ne les examine pas après qu''ils/elles l'ont demandé ! Pas quand on ne les force pas à être examiné•e•s !

Tu as parfaitement le droit de refuser de faire quelque chose d'illégal (une ordonnance ou un certificat de complaisance). Mais personne ne peut te poursuivre pour avoir respecté ce que le patient te demande quand ça fait partie de ce que le code de déontologie te dit de respecter. 

Ne mets pas la responsabilité légale là où elle ne se trouve pas. C'est spécieux, et encore une fois, c'est à mille lieues de la réalité observée par ceux-là même qui sont au centre des plaintes : les avocats, les juges et les assureurs. 

Et puisque tu dis que la confiance réciproque est importante, pourquoi ne pas faire confiance à la personne qui te dit : "Je ne veux pas être examiné•e mais je collaborerai du mieux possible avec ce que vous me demandez pour être soigné•e" ? 

Il m'est arrivé des dizaines de fois dans ma carrière de ne pas examiner quelqu'un à sa demande. Je n'ai pas eu une plainte. Pas une. En vingt-cinq ans. Tes arguments me rappellent ceux des chirurgiens qui refusaient des ligatures de trompe (avant 2001) en disant "Je ne veux pas que vous portiez plainte contre moi." Je n'ai jamais vu une LT demandée et obtenue par une femme donner lieu à une plainte par cette même femme plus tard. 

En revanche, j'ai vu beaucoup de LT imposées à des femmes (ou "autorisées" par le mari pendant qu'elles étaient sous AG d'une césarienne) pour lesquelles les femmes qui se retrouvaient stérilisées à leur insu étaient dissuadées de porter plainte. 

J'ai entendu des dizaines de témoignages de femmes ayant été abusées ignoblement par des médecins et que l'Ordre ne voulait pas écouter. Je n'ai jamais vu quiconque porter plainte contre un médecin qui lui avait foutu la paix. 

Dans quel monde vis-tu, exactement ? Si tu as peur de ne pas savoir poser un diagnostic correct, dis le à la personne en question. Et cherches d'autres moyens de le faire, c'est pas la technologie qui manque !!!! Comment fait-on avec une personne dans le coma ou aphasique, ou qui ne parle pas la langue, ou un enfant qui ne se laisse pas examiner ? 

Et d'ailleurs, combien y a-t-il de personnes qui REFUSENT de se faire examiner dans une journée de médecin ? Combien, en revanche, y a t-il de personnes que les médecins n'examinent pas, par fatigue, par énervement, par manque de temps, par mépris ou par dégoût ? 

Tu crois vraiment que les problèmes vient des quelques personnes qui refuseraient ? Vraiment ? 

Tu te penses vraiment mauvais médecin au point de tout fonder sur l'examen clinique et de n'apporter aucun crédit à la RELATION que tu vas établir avec cette personne en l'écoutant et en parlant avec elle, et en la rassurant, et en la respectant ? Vraiment ????

Si tu as vraiment peur sur le plan légal, c'est simple : écris, toi, soussigné, que le patient a refusé de se faire examiner, et remets-lui une copie signée de la lettre, en gardant l'original, daté. Il ou elle n'a pas besoin de la signer, il suffit de la scanner et de te l'envoyer à toi-même (ou à ta compagnie d'assurance) par courriel le jour-même. Tu as ainsi une trace datée de ce que tu as fait et dit. C'est simple et imparable. Documente. Jour après jour. Et dans dix ans, tu verras que ta peur était infondée. Les patients à qui tu auras fait confiance te remercieront. 

Ca fait dix ans que je n'ai pas pratiqué, et je reçois des lettres de remerciements encore toutes les semaines.

Allez. Courage ! 

Il serait temps de cesser d'avoir peur des patients comme s'ils étaient tes pires ennemis. On ne peut pas soigner des gens en ayant peur d'eux. On ne peut rien faire en ayant peur des gens qui se confient à nous. La confiance, ils nous la portent d'emblée. Ne pas les respecter parce qu'on a peur d'eux, c'est leur refuser la nôtre.

Marc Zaffran/Martin WInckler




2 commentaires:

  1. Je ne suis qu'une patiente, plus très jeune, et je me demande si le médecin qui pose son stéthoscope sur 3 épaisseurs de pull, d'une part entend vraiment bien, d'autre part répugne à voir un bout de ma peau ou que je l'accuse de je ne sais quoi.


    Depuis quelques années, je fais des cures (arthroses rhumatismes) dont je me trouve très bien. Aucun médecin de cure ne m'a fait déshabiller.
    J'aurais eu un vilain bobo, une vilaine mycose ou je ne sais quoi, j'aurais eu mon attestation quand même.
    J'ai même trouvé que ces sortes de consultations bâclées sont aussi des arnaques à la sécurité sociale

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  2. Je suis absolument d'accord avec vous. Il y a un juste milieu entre ne pas faire déshabiller du tout et imposer un examen entièrement nu.e. (Ce que trop de médecins ont tendance à faire aussi.) Dans les deux cas, les professionnel.le.s ne font pas bien leur travail.

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