à Ulysse :-)
Préambule :
Une journaliste en préparation d’un livre me parle de sa
récente grossesse. Elle m’explique qu’elle a remarqué que pendant tout le
déroulement de celle-ci, elle n’a cessé de recevoir des injonctions
contradictoires – de sa famille, de ses amies, des médecins. Elle s’interroge après
s’être sentie particulièrement vulnérable au milieu de tous ces discours et,
malgré qu’elle soit informée et critique, d’avoir souvent été tentée de se
plier aux recommandations des médecins, même lorsque ces conseils ne lui
paraissaient ni scientifiquement fondés, ni même de bon sens. Ainsi, à
l’interdiction de manger des fromages au lait cru (motivée par le risque de
listériose, qui touche… trois cents personnes par an en France, toutes n'étant pas des femmes enceintes) elle me
disait : « Connaissant le faible risque, j’ai continué à en manger,
en ayant le sentiment de commettre une
transgression. » Ce dernier mot m’a fait dresser l’oreille.
Les transgressions des soignants
La notion de transgression fait depuis longtemps partie de mes réflexions personnelles sur le rôle du médecin. C’est le « mot caché » que dans mon roman La maladie de Sachs, le Dr Bruno
Sachs prononce au téléphone (et que son interlocuteur, Diego, n’entend pas) en
évoquant le sentiment grandissant qu’il éprouve pour une patiente. Dans mon esprit, la
transgression, pour un médecin, c’est le fait de franchir une ligne interdite –
maltraiter, manipuler, abuser de la confiance d’un. e patient. e pour le/la
séduire ou lui soutirer de l’argent, par exemple. En l’occurrence, même si
Bruno n’a rien transgressé au moment où il parle, il y pense (il aimerait
revoir cette patiente autrement qu’en consultation) et la crainte de la
transgression l’étreint.
Il y a transgression chaque fois qu’un professionnel de
santé enfreint les règles écrites – ou implicites – de sa profession. Ces
règles couvrent, pour simplifier, deux domaines : les rapports avec les
patients et le corps social ; les rapports avec les autres soignants (et,
en particulier, ceux de son corps professionnel).
Ce qui m’intéresse ici est avant tout la transgression à
l’égard des patients – car c’est le pendant à la transgression dont parle mon
interlocutrice, et sur laquelle je reviendrai en deuxième partie de cet article.
(La transgression envers les autres professionnels est elle aussi importante à
envisager mais elle fera l’objet d’un autre texte.)
Pourquoi y a-t-il des lois et des règles écrites indiquant
clairement les obligations des professionnels engagés dans des relations de
soin ? Tout simplement parce que la « conscience » des soignants
(symbolisée par le serment d’Hippocrate qui, rappelons-le, se faisait
originellement en invoquant les dieux de l’Olympe, ce qui le rend un tantinet obsolète aujourd’hui) ne suffit pas à les empêcher d’agir contre l’intérêt des
patients. Si le fait d’être médecin suffisait pour avoir un comportement
respectueux envers autrui, il n’y aurait pas eu de médecine nazie,
d’expérimentations sur les Noirs ou les orphelins aux États-Unis, de
stérilisations abusives de malades mentaux et de handicapés en France, et j’en
passe.
Les règles écrites et non écrites, juridiques et bioéthiques sont destinées avant tout à protéger les patients. Leur respect est le garant de la confiance dont bénéficient les professionnels. Comment pourrions-nous, en effet, nous faire soigner par de parfaits étrangers si nous ne pensions pas qu’une « autorité » supérieure (autrefois, les dieux ; aujourd’hui, les lois et les principes éthiques) contrôle les actes qu’ils font sur nous ?
Si l’on invite les étudiants et professionnels en formation à étudier soigneusement les principes fondamentaux de la bioéthique en même temps que les lois, c’est parce que la loi ne peut pas tout : elle ne peut porter que sur de grands principes. Une loi, c’est un cadre. Les principes de bioéthique permettent d’appréhender, dans ce cadre, des situations sous l’angle de la clinique (la rencontre individuelle), de la prise en charge collective par une équipe, ou encore de manière plus large, plus sociétale.
Je prends un exemple très simple : dans la plupart des pays développés, la loi stipule qu’aucun geste d’examen ou de soin ne peut être pratiqué sur un patient sans son consentement. Si l’on prenait cette règle à la lettre, des gestes non médicaux qui peuvent tout à fait être « soignants » (ou au moins bienveillants) seraient strictement interdits. Il serait donc impossible de caresser la joue d’un enfant pour le rassurer ou de prendre la main d’une personne qui pleure. La loi n’interdit rien de tel. La réflexion éthique, elle, nous invite à penser qu’une manifestation de sympathie ou d’empathie (prendre la main) est parfaitement éthique, mais que prendre la main de quelqu’un qui a demandé explicitement qu’on ne la touche pas ne l’est pas du tout.
Si l’on invite les étudiants et professionnels en formation à étudier soigneusement les principes fondamentaux de la bioéthique en même temps que les lois, c’est parce que la loi ne peut pas tout : elle ne peut porter que sur de grands principes. Une loi, c’est un cadre. Les principes de bioéthique permettent d’appréhender, dans ce cadre, des situations sous l’angle de la clinique (la rencontre individuelle), de la prise en charge collective par une équipe, ou encore de manière plus large, plus sociétale.
Je prends un exemple très simple : dans la plupart des pays développés, la loi stipule qu’aucun geste d’examen ou de soin ne peut être pratiqué sur un patient sans son consentement. Si l’on prenait cette règle à la lettre, des gestes non médicaux qui peuvent tout à fait être « soignants » (ou au moins bienveillants) seraient strictement interdits. Il serait donc impossible de caresser la joue d’un enfant pour le rassurer ou de prendre la main d’une personne qui pleure. La loi n’interdit rien de tel. La réflexion éthique, elle, nous invite à penser qu’une manifestation de sympathie ou d’empathie (prendre la main) est parfaitement éthique, mais que prendre la main de quelqu’un qui a demandé explicitement qu’on ne la touche pas ne l’est pas du tout.
Transgresser, quand il s’agit d’un soignant, c’est
enfreindre la loi et les règles écrites, ou bien les principes de l’éthique.
Ainsi, la loi n’interdit pas de dire à un patient que s’il n’est pas opéré, il
risque de mourir. L’éthique, elle, interdit d’utiliser la menace de mort pour
contraindre un patient à accepter une intervention. Et même en l'absence de
menace explicite, un ton, une attitude ou des sous-entendus menaçants sont inacceptables.
On comprend que, quand on est soignant, il y a beaucoup
d’occasions de transgresser. Et cela, d’autant plus que le patient est dépendant,
vulnérable, fragile et a des difficultés à prendre des décisions ; mais
aussi d’autant plus que le soignant dispose d’un ascendant très fort :
l’ascendant d’une aide-soignante du service de chirurgie oncologique et celle
du patron de ce même service ne sont pas du tout comparables. Plus on est –
matériellement ou symboliquement – puissant, plus les occasions de transgresser
sont nombreuses, plus les transgressions peuvent être graves.
Les
« transgressions » des patients
Affirmons-le d'emblée : s’agissant d’un patient qui décide de ne pas
suivre les conseils, l’avis ou la prescription d’un médecin, on ne peut pas
parler de transgression. Car, précisément, il n’existe aucune loi imposant à un
patient d’obéir aux prescriptions médicales ! Le soignant est au service
du patient, non l’inverse. Si la loi et l'éthique protègent le patient, c'est bien parce que statut et ascendant du soignant lui permettent d'abuser de lui,
alors que la réciproque n'est pas vraie !
(Aparté sur les
« abus » du patient : Bien sûr, un patient peut agresser un
soignant ; mais il s’agit d’une agression, non d’un "abus" de son statut de
patient. Et comme tout le monde peut manipuler tout le monde, un patient peut tenter de manipuler un soignant en particulier par le
biais des sentiments. Mais le patient qui tente d’« abuser » en
essayant, par exemple, d’obtenir du soignant un service indu ne dispose pas du
tout des mêmes moyens de pression que le soignant qui tente d’abuser d’un
patient. Un patient ne peut pas dire à un soignant : « Si vous ne
faites pas ce que je vous demande, vous mourrez ; vous n’allez tout de
même pas faire ça à votre femme et à vos enfants ! » [Il peut lui dire
« Je mourrai » mais le soignant sait que ça n’est pas vrai.] Il ne
peut pas lui dire : « Faites ce que je vous demande, c’est mieux pour
vous. » Il ne peut pas lui dire : « Si vous ne faites pas ce que
je vous demande, je ne m’occuperai plus de vous. » Fin de l’aparté.)
Lorsqu’un patient fait appel à un professionnel de santé –
mettons qu’il s’agisse d’une femme enceinte qui fait appel à un médecin – les
obligations sont du côté du soignant : il a un devoir d’information, de soin (si
nécessaire), d’accompagnement – tout ça de manière loyale – autrement dit : sincère et
dévouée.
De cette relation (comme de toute relation de soin) sont
absolument exclus, par principe, les attitudes menaçantes, le chantage, les
ordres et toute forme de contrainte physique ou morale. Une femme enceinte n’est pas moins un sujet agissant qu’une femme non
enceinte ou un homme. Son autonomie doit être respectée de la même manière. L'informer, ce n'est pas la faire plier.
[L’objection
selon laquelle le praticien aurait aussi des obligations envers le fœtus n'est pas recevable dans des pays comme la France ou le Canada, dont il est question
ici : une femme enceinte peut faire ce qu’elle veut pendant sa grossesse, car le
fœtus n’a pas de statut juridique. S’il en avait une, il serait interdit
d’avorter. Être enceinte ne réduit et ne modifie en rien la liberté de la femme
à l’égard des médecins ni les obligations des médecins envers cette femme. La
patiente du médecin, c’est la femme, pas le fœtus, sauf si la femme le lui demande
explicitement. Et même dans ce cas, toute décision concernant le fœtus reste
dépendante – sauf décision de justice – du consentement de la femme.]
Par conséquent, quand un médecin recommande – c’est tout ce
qu’il peut faire, et ce n’est pas rien – par exemple, à une femme enceinte de
ne pas consommer de fromages au lait cru, la femme n’a aucune obligation, ni
légale, ni réglementaire, d’obéir à ces recommandations. A-t-elle une
obligation morale de le faire ? Envers son foetus, peut-être, mais ça n’est pas au médecin de
le définir ou de le décider puisque l'éthique lui interdit d'imposer des contraintes morales aux patients !
Il n’est donc pas exact de dire qu’une patiente enceinte qui
ne suit pas les conseils alimentaires du médecin « transgresse » quoi
que ce soit. En agissant comme elle le décide, elle assume sa liberté – et les
risques inhérents à celle-ci.
Le
« sacré » dans la relation de soin
Pour qu’il y ait « transgression », il faudrait
que la parole (ou les prescriptions) du médecin ait un caractère obligatoire,
réglementaire… ou sacré.
Autrefois (et ce n’est pas tout à fait faux aujourd’hui),
les professions de santé étaient fortement teintées de sacré – de par
l’appartenance des soignants au champ du religieux, de par l’emprise de la religion sur
la population et, il faut bien le dire, en raison de l’ignorance de tous en matière de
physiologie, de maladies et de traitements.
Quand on s’adressait à un shaman,
on s’adressait à travers lui aux esprits bienveillants ou malfaisants et longtemps, la
prière a été – pour de nombreux humains, elle est encore – une attitude fréquente face à la maladie. Dans ce contexte, les médecins
(qui, en France au moins, ont longtemps été supervisés, contrôlés et formés par
l’Église) ont longtemps joué simultanément le rôle de soignants, de directeurs
de conscience et de prêtres.
Cette image complexe n’a pas été éradiquée de
l’inconscient collectif par les développements scientifiques. Aujourd’hui
encore, pour tout un chacun, faire appel à un médecin, c’est un peu faire appel
au shaman qui « sait » et « voit ». Le problème, c’est que
les choses ont changé. Ce que les médecins « savent » et
« voient » ne repose plus sur leur perception personnelle (comme c'était le cas du shaman) ou sur les dogmes des églises, mais sur des données
scientifiques susceptibles d’être révisées à tout moment. Données qu'aucun médecin ne peut prétendre connaître toutes...
Quand on dit à une femme enceinte : « Consommer
des fromages au lait cru expose au risque de listériose, maladie infectieuse
grave chez la femme enceinte », il ne s’agit pas d’un dogme, ni même d’une
vérité absolue : tous les fromages au lait cru ne contiennent pas du Listeria et toutes les femmes enceintes
qui en consomment ne font pas de listériose. Il s’agit d’un risque, d’une
éventualité, d’un possible et non
d’une certitude.
La femme à qui on donne cette information ne devrait
aucunement se sentir contrainte par
ce que lui dit le médecin. Car ces informations doivent lui permettre de
prendre ce qu’on appelle une décision éclairée.
Ce qui signifie qu’elle peut choisir de ne pas consommer de fromages au
lait cru, ou au contraire de le faire en connaissant le risque et en
l’acceptant.
Pourquoi a-t-on le
sentiment de « transgresser » en ne suivant pas les
« ordres/conseils/recommandations/prescriptions » d’un médecin ?
Il y a probablement autant de réponses que de personnes,
mais je vais en suggérer deux, en invitant les lecteurs à formuler les leurs.
Une première explication tient au statut du médecin tel
qu’il est perçu. Dans la conscience collective, en particulier dans les pays
très paternalistes comme l'est la France, toute figure d’autorité est (en première
approximation) assimilée à un détenteur/applicateur de la Loi (humaine ou divine).
Ne pas suivre les conseils du médecin, c’est courir le risque d’être puni — par
les dieux, le diable, les hommes ou les médecins. « Vous allez me gronder, Docteur, mais
j’ai pas pris les médicaments comme vous m’aviez dit, j’espère que ça n’a pas
aggravé ma maladie. »
Une autre explication, moins irrationnelle, tient à notre capacité
à gérer l’incertitude. Se trouver face à quelqu’un qui « sait » – et
qui l’affirme – c’est rassurant. Et consulter un médecin, c’est d’abord
demander à être rassuré. Pour entendre : « Il existe un faible risque
de contracter une listériose en mangeant des fromages au lait cru » et en
tirer des conclusions opérationnelles (« Je cours le risque » ou
« Je ne cours pas le risque ») il faut savoir ce qu’est un risque, et
accepter que la personne qu’on a en face de soi n’est pas un pilier de
certitude, mais un professionnel qui fait son travail le plus honnêtement
possible – en tenant compte des limites du savoir.
Il n’est pas insultant d’admettre que nous ne sommes pas
tous égaux quand il s’agit de prendre des décisions « informées »
face aux risques encourus. Certains patients ne supportent pas l’incertitude et
exigent des réponses absolues. Certains médecins sont tentés de leur en donner
– pour tout un tas de raison, par exemple parce qu’ils tolèrent mal l’angoisse
des patients et ne savent pas l’atténuer…
D'autres médecins n'ont pas de mal à supporter leurs propres doutes, et à rassurer les patients sans leur mentir mais en relativisant les risques. ("Vous courez plus de risques en ne bouclant pas votre ceinture en voiture qu'en mangeant des fromages au lait cru. Et au moins, contre la listériose, on a des antibiotiques...")
Et certains patients, enfin, tolèrent l’incertitude aussi bien que possible, non seulement parce qu’ils ont une attitude scientifique (ils savent que rien n’est jamais certain) mais aussi parce qu’ils arrivent à vivre sans angoisse quand ils ne peuvent pas avoir de réponse à certaines questions.
Et certains patients, enfin, tolèrent l’incertitude aussi bien que possible, non seulement parce qu’ils ont une attitude scientifique (ils savent que rien n’est jamais certain) mais aussi parce qu’ils arrivent à vivre sans angoisse quand ils ne peuvent pas avoir de réponse à certaines questions.
Pour prendre un exemple personnel : je ne me suis pas
fait doser mon cholestérol depuis environ trente ans et je ne le ferai pas ;
l’état actuel des connaissances me permet d’affirmer que le
« risque » que fait courir un cholestérol « élevé » (la
définition est, en elle-même tout à fait discutable) est, au pire minime, au mieux inexistant
chez une personne sans autre facteur de risque [je n’ai pratiquement jamais
fumé, je ne suis pas obèse, je n’ai pas fait d’accident cardiaque, je ne suis
pas diabétique et si je suis hypertendu, c’est probablement pas beaucoup, faudra que
je voie ça un de ces jours…]
De même, je ne me soumettrai pas au dépistage d’un éventuel
cancer de la prostate, car l’inquiétude, l’escalade des examens qui suivraient
en cas de test positif, et l’éventualité d’une intervention mutilante me sont
beaucoup plus désagréables que l’éventualité [qui n’est pas une certitude] d’un
cancer. On peut aussi le dire autrement : même si on me trouve un cancer
évolué dans dix ans, le confort des dix années à venir vaut largement plus, à
mon âge, que les emmerdements associés au dépistage et à ses conséquences.
Il ne s’agit pas d’inconscience (je sais ce qui est en jeu) mais de choix. Seulement, j'ai pu faire ce choix parce que j’accepte
l’incertitude d’être porteur ou non de cellules cancéreuses, par exemple. Pour reprendre une métaphore connue : j’accepte de ne pas savoir si le chat de Schrödinger est vivant ou mort et de ne pas ouvrir la boîte.
Conclusion provisoire
et ouverte
(27 mai : Ajout à la suite de réactions à ce texte sur ma page FB)
L'histoire de cette femme est exemplaire en ce qu'elle nous montre qu'aujourd'hui, dans les pays développés - et en particulier en France - les femmes enceintes sont considérées comme potentiellement (voire effectivement) "malades" - puisqu'elles doivent faire l'objet d'une médicalisation constante, et potentiellement "coupables" - de ne pas suivre les conseils des médecins. Dans un cas comme dans l'autre, cette perception et le fait de l'imposer aux femmes et de les y maintenir sont inacceptables et contraires à une pratique éthique. C'est également contraire à la loi puisque l'information de tous les patients, sans distinction, doit être loyale et les considérer de la même manière.
Une femme enceinte n'est ni malade, ni coupable (à l'avance) de ce qui arrivera à son embryon/foetus/bébé. Parmi tous les conseils qu'on peut donner aux femmes enceintes, il existe une hiérarchie de risque et de gravité. L'attitude éthique consiste à les informer sans déformer. Elle ne consiste pas à tout interdire ou à ne faire apparaître que les risques, au point de transformer la grossesse en "zone interdite", où tout geste non autorisé par les médecins peut être puni par une anomalie du bébé.
Car à la vérité, aucune procédure médicale ne peut prédire, prévoir, prévenir tous les aléas de la vie. Aucune. Les conseils que l'on donne ne sont que des conseils fondés sur des données statistiques et non sur une vérité absolue : il est recommandé de se faire vacciner contre le tétanos car il s'agit d'une maladie grave, très difficile à soigner et souvent mortelle. Pour autant, on sait que certaines personnes non vaccinées ne feront jamais un tétanos. Comme on ne sait pas lesquelles, on conseille de vacciner tout le monde (c'est ce qu'il y a de plus rationnel). Ca ne doit pas pour autant faire comprendre que ne pas être vacciné sera irrémédiablement "puni" par un tétanos mortel.
La menace de "conséquences graves" en cas de non respect des instructions médicales est un geste terroriste, non un geste de soin. Elle est le pendant "négatif" de l'illusion selon laquelle les médecins passent leur temps à "sauver des vies". Dans les deux cas, c'est un fantasme de toute-puissance.
Entretenir l'idée que la médecine dispose de pareils pouvoirs est, tout simplement, mensonger, et c'est aussi contre-productif : cela empêche les individus de se préparer à faire face à l'inévitable, en leur laissant entendre que l'inévitable ne peut pas se produire.
Or, quoi qu'en disent les médecins, la vie, c'est risqué. Et le risque existe avant même la conception : on ne contrôle pas les gènes dont on est porteur et qu'on transmettra à ses enfants ; on ne choisit pas toujours l'environnement dans lequel on les fera naître ; on ne contrôle certainement pas ce que sera leur vie. En un sens, mettre des enfants au monde, c'est accepter de se préparer à l'inévitable.
Croire que grâce aux outils médicaux actuels, tout ce qui est évitable peut être évité, c'est vaniteux et faux ; croire qu'un jour, tout pourra être prévenu, c'est un fantasme. Bien sûr, chacun de nous a ses croyances et ses fantasmes. Mais le rôle d'un médecin, s'il a une attitude rationnelle, consiste d'abord à ne pas nous maintenir dans le fantasme et les pensées imaginaires.
(27 mai : Ajout à la suite de réactions à ce texte sur ma page FB)
L'histoire de cette femme est exemplaire en ce qu'elle nous montre qu'aujourd'hui, dans les pays développés - et en particulier en France - les femmes enceintes sont considérées comme potentiellement (voire effectivement) "malades" - puisqu'elles doivent faire l'objet d'une médicalisation constante, et potentiellement "coupables" - de ne pas suivre les conseils des médecins. Dans un cas comme dans l'autre, cette perception et le fait de l'imposer aux femmes et de les y maintenir sont inacceptables et contraires à une pratique éthique. C'est également contraire à la loi puisque l'information de tous les patients, sans distinction, doit être loyale et les considérer de la même manière.
Une femme enceinte n'est ni malade, ni coupable (à l'avance) de ce qui arrivera à son embryon/foetus/bébé. Parmi tous les conseils qu'on peut donner aux femmes enceintes, il existe une hiérarchie de risque et de gravité. L'attitude éthique consiste à les informer sans déformer. Elle ne consiste pas à tout interdire ou à ne faire apparaître que les risques, au point de transformer la grossesse en "zone interdite", où tout geste non autorisé par les médecins peut être puni par une anomalie du bébé.
Car à la vérité, aucune procédure médicale ne peut prédire, prévoir, prévenir tous les aléas de la vie. Aucune. Les conseils que l'on donne ne sont que des conseils fondés sur des données statistiques et non sur une vérité absolue : il est recommandé de se faire vacciner contre le tétanos car il s'agit d'une maladie grave, très difficile à soigner et souvent mortelle. Pour autant, on sait que certaines personnes non vaccinées ne feront jamais un tétanos. Comme on ne sait pas lesquelles, on conseille de vacciner tout le monde (c'est ce qu'il y a de plus rationnel). Ca ne doit pas pour autant faire comprendre que ne pas être vacciné sera irrémédiablement "puni" par un tétanos mortel.
La menace de "conséquences graves" en cas de non respect des instructions médicales est un geste terroriste, non un geste de soin. Elle est le pendant "négatif" de l'illusion selon laquelle les médecins passent leur temps à "sauver des vies". Dans les deux cas, c'est un fantasme de toute-puissance.
Entretenir l'idée que la médecine dispose de pareils pouvoirs est, tout simplement, mensonger, et c'est aussi contre-productif : cela empêche les individus de se préparer à faire face à l'inévitable, en leur laissant entendre que l'inévitable ne peut pas se produire.
Or, quoi qu'en disent les médecins, la vie, c'est risqué. Et le risque existe avant même la conception : on ne contrôle pas les gènes dont on est porteur et qu'on transmettra à ses enfants ; on ne choisit pas toujours l'environnement dans lequel on les fera naître ; on ne contrôle certainement pas ce que sera leur vie. En un sens, mettre des enfants au monde, c'est accepter de se préparer à l'inévitable.
Croire que grâce aux outils médicaux actuels, tout ce qui est évitable peut être évité, c'est vaniteux et faux ; croire qu'un jour, tout pourra être prévenu, c'est un fantasme. Bien sûr, chacun de nous a ses croyances et ses fantasmes. Mais le rôle d'un médecin, s'il a une attitude rationnelle, consiste d'abord à ne pas nous maintenir dans le fantasme et les pensées imaginaires.
*
Dans une relation de soin, patient et professionnel sont a priori tous deux pleinement responsables de ce qu’ils disent, pensent et font. Ils ne sont jamais responsables de ce que l’autre décide. Ils sont également responsables de la manière dont ils perçoivent l’autre. Les faits peuvent être objectivés, les paroles enregistrées, les actes filmés. Mais l'interprétation de ces faits, gestes et paroles n'appartient qu'à nous seuls.
Du côté du médecin,
penser que le patient « désobéit » n’est pas seulement une erreur
d’appréciation [les patients, on ne cesse de le constater, ne font que ce
qu’ils veulent…], c’est aussi une faute éthique, car c’est se poser en personne
moralement supérieure à celui qu’on soigne.
De l'autre, quand le patient a l’impression de « transgresser »,
ce n’est pas seulement [ni même toujours] parce que le médecin se comporte en
donneur d’ordres, c’est d'abord parce qu’il le voit ainsi et ne remet pas en
question cette perception.
Autant dire que la relation de soin « idéale » —
par son contenu, par ses échanges, par son caractère éthique – nécessite
beaucoup de travail, de la part des uns et des autres.
Marc Zaffran/Martin Winckler
Asthmatique de naissance, je suis et je veux rester sans traitement.
RépondreSupprimerDe la ventoline en cas de crise, ce qui doit arriver 2 fois par an.
Je me fais agonir par les médecins... Et mes tests de souffle montrent que... Et on entend bien un sifflement à l’auscultation.... Et patati et patata...
Et non, il n'y a pas d'effet secondaire avec les corticoïdes... Là, en général, j'envoie promener le praticien assez vertement... J'ai pris des corticoïdes suite à une très lourde infection pulmonaire, j'ai vu. J'étais un ballon de baudruche. ça m'a plus épuisée qu'autre chose et ce n'était pas de ça dont j'avais besoin !
Alors comme je ne veux pas de corticoïdes, on veut me mettre des anti histaminique...
Il faut ABSOLUMENT que je prenne quelque chose !
Je prends l'ordonnance et une boite de comprimé et j'en prends quoi... 2 semaines par an ?
Au moment où il y a certains pollen et où j'ai vraiment du mal à respirer et à dormir. Le reste du temps, pas besoin, je dirais même aucun besoin.
Je suis donc une totale inconsciente aux yeux des divers médecins que je croise... En plus j'ai un chien ?! Mais c'est pas possible ! Faut m'enfermer !
Mais bon, moi je promène mon chien, je le brosse tous les jours pour pas qu'il y ait de poils dans l'appartement, je ne cours pas je marche, je ne fais pas de courses cyclistes, je roule "tranquillement", je mets pied à terre dans les montées et je pousse mon vélo.
Je monte les escaliers à mon rythme, je fais une pause quand je m'essouffle, bref je vis.
Adolescente, j'ai eu pris de la ventoline comme un médecin me l'a dit et écrit sur l'ordonnance : 3 fois par jour, 2 bouffées.
J'ai obéïs... idiote que j'ai été !
Il y a un avant et un après : avant je pouvais aller en montagne sans être plus essoufflée que ça, après sans ventoline matin et soir, c'est mort. Avant j'avais moins d'essoufflement à l'effort.
A 28 ans je n'ai toujours pas retrouvé totalement mon "AVANT".
Merci la sur médication. Vous m'avez grandement amélioré la vie, ça ne fait aucun doute.