NB : Je rappelle que désormais, sur ce blog, tous les termes pouvant désigner des personnes de toutes les genres sont utilisés sous la forme féminine (et parfois féminine-plurielle).
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A Marie-Hélène Lahaye, Julien Aron et toutes les emmerdeuses, mes soeurs, que je lis quotidiennement sur les réseaux sociaux. La lutte continue.
Pour sa vie en général, et tous les éléments de cette vie -- mais aussi, en particulier pour sa santé.
Il y a des choses qu'on ne choisit pas : le milieu socio-économique et la famille dans lesquelles on naît ; le bagage génétique dont on est porteuse; l'environnement dans lequel on grandit, évolue, vieillit et meurt.
Ces circonstances, avant toute autre décision, sont déterminantes pour la santé d'une individu. En principe, dans un pays démocratique, le système de santé est là pour contrebalancer les inégalités et assurer à toutes des soins appropriés.
D'autres facteurs de santé dépendent (en partie) de nos décisions : fumer ou ne pas fumer, boire un peu ou beaucoup d'alcool, conduire vite ou non sur la route, s'alimenter de manière pas trop déséquilibrée quand c'est possible, marcher ou faire du vélo, etc.
Je dis qu'ils dépendent en partie de nos décisions car les conditions socio-économiques peuvent en elles-mêmes être un obstacle. Quand on a de l'argent, il est plus facile de prendre des décisions "bénéfiques" pour sa santé que quand on n'en a pas. Et ne parlons pas des pressions de l'entourage, des discours fallacieux des industriels qui ont des produits à nous vendre, etc.
Parmi toutes les décisions que nous devons prendre, aucune n'est plus cruciale que le choix de la professionnelle de santé à qui nous demanderons des conseils, un soutien, des soins.
La liberté pour chaque citoyenne de choisir son médecin est écrite en toutes lettres, et au tout début du Code de déontologie, lui-même issu du code de la Santé publique. Ce n'est pas moi qui le dit, c'est l'Ordre des médecins.
De ce principe découle une règle simple (et pourtant très souvent enfreinte) : une personne n'a pas à justifier de son choix. Si je préfère être soignée par une femme plutôt que par un homme, c'est mon droit le plus strict. Si je préfère avoir affaire à une professionnelle dont la peau est de la même couleur que la mienne, c'est mon droit le plus strict. Cela ne sera pas toujours possible, certes, mais ce droit est, en lui-même, indiscutable.
Le droit de choisir tombe sous le sens : la personne qui me soigne compte à mes yeux. J'ai des préférences, des attentes, des craintes. J'ai aussi une expérience : telle professionnelle m'a fait des commentaires désagréables ou a porté un jugement blessant sur mon aspect physique, mon accent, mes origines ethniques, mon mode de vie, mes préférences sexuelles, mon identité de genre.
Or, le jugement est incompatible avec le soin. Pour aller mieux j'ai besoin que, précisément, on ne me juge pas, mais qu'on m'accepte telle que je suis. Quand je raconte ma vie à une professionnelle de santé, c'est pour demander des soins ; ce n'est pas une confession ou un acte de contrition, et je ne demande ni une absolution, ni une pénitence, ni une leçon de morale.
Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que je cherche à rencontrer des personnes qui se comportent en soignantes, et non en directrices de conscience.
Or, force est de constater qu'en 2020, en France, beaucoup de professionnelles ne se comportent pas en soignantes.
A l'ère de l'internet et des réseaux sociaux, quoi de plus logique alors que de mettre en commun des noms, pour en faire des annuaires de soignantes bienveillantes, gay et lesbian-friendly, non grossophobes, non transphobes, non racistes - et pourquoi pas des soignantes gay et lesbiennes, en surpoids, transgenres et racisées ?
C'est d'autant plus logique que (ce n'est pas moi qui le dis, ce sont les psycho-sociologues) on soigne plus volontiers, plus facilement et avec plus de bienveillance, les personnes qui nous ressemblent que celles qui sont très différentes de nous. (Certes, il existe des mutantes prêtes à soigner tout le monde sans discrimination, mais, justement, ce sont des mutantes, des exceptions, pas la généralité...)
Il est cependant des personnes, des institutions, des associations, qui voient ces annuaires d'un mauvais oeil. Et qui (quand on porte des jugements, on en porte à tout bout de champ) les qualifient de "communautaristes", "extrémistes", de "folie identitaire", voire de "racistes à l'envers" (traduire : "anti-blanc").
Pour ne pas dire "contraire à la laïcité et à l'égalité". (Comme si la France était un état laïc et égalitaire...)
Ces personnes oublient l'article 6 du code de déontologie. Ou plutôt, elles font mine d'ignorer qu'il existe. Ou pire encore, elles ne comprennent pas qu'il existe et voudraient qu'il n'existe pas. Ou que les professionnelles puissent se passer de le respecter.
Pourquoi ? Parce que le respect - d'une personne qui demande des soins, de sa personnalité, de ses choix - c'est vraiment emmerdant.
Le respect signifie que les professionnelles (qui ont tout de même fait dix ans d'études, etc.) n'ont pas tous les droits malgré leur statut.
Le respect sous-entend qu'on ne peut pas imposer un examen, un traitement, une hospitalisation, un diagnostic, une étiquette.
Le respect impose qu'on soit au service de la personne qu'on soigne. Et non qu'elle soit à nos ordres.
Si le respect (de la personne soignée, de sa personnalité, de ses choix) est aussi inconvenant aux yeux de tant de personnes (médecins ou non), c'est au fond parce qu'elles pensent que toutes les praticiennes ont les mêmes qualités de par le simple fait qu'elles ont un diplôme de docteure en médecine.
Et là, je me sens contraint de les détromper. Toutes les personnes qui pratiquent la médecine ne sont pas identiques. Et, en particulier, toutes n'ont pas le même respect des règles éthiques et des personnes qu'elles soignent.
Pour reprendre les paroles d'un de mes camarades, Bruno Sachs : "Si le diplôme de médecin conférait une éthique parfaite à toutes celles qui l'obtiennent, il n'y aurait pas eu de médecin nazi."
Et franchement, sans aller jusque là, tout le monde est d'accord pour dire qu'il y a des individus franchement discutables, dans la profession médicale.
On trouve normal qu'une personne choisisse librement sa boulangerie et son épicerie, qu'elle vote de préférence pour une personne plutôt qu'une autre, qu'elle confie sa voiture à un garage précis.
On trouve naturel de vouloir confier ses cheveux à un coiffeur plutôt qu'un autre, de choisir ses films, son fournisseur d'accès internet, sa pharmacie et son mode de transport pour faire Lyon-Bordeaux.
Et il ne serait pas acceptable qu'on veuille choisir son médecin ?
Et il ne serait pas acceptable qu'on veuille choisir son médecin ?
On ne voit jamais d'inconvénient à ce qu'une citoyenne cherche "la meilleure spécialiste", "le meilleur hôpital", "les meilleurs traitements". Pourquoi s'offusquerait-on de ce que les citoyennes cherchent (et s'organisent pour identifier et dresser des annuaires) des professionnelles qui leur ressemblent et/ou qui les acceptent comme elles le souhaitent ? Bref, d'user des critères qui leur conviennent pour choisir leurs soignantes et être bien soignées ?
Oui, il est compréhensible que des personnes maltraitées veuillent éviter de l'être. Et qu'elles s'arrangent pour choisir les personnes qui ne les maltraiteront pas. Et qu'elles dressent des listes pour ça.
Ce qui n'est pas compréhensible, c'est qu'on attende de ces mêmes personnes qu'elles se laissent maltraiter sans rien dire !!!!
Et au cas où vous feriez partie de ceux que les listes effraient, je vous rassure tout de suite : il n'est pas nécessaire d'être une femme, d'être noire, d'être gay ou lesbienne, d'être en surpoids ou encore d'être transgenre ou intersexuée pour soigner les personnes qui le sont et figurer sur des listes de praticiennes safe.
Il suffit d'être respectueuse et bienveillante. Et pas trop bouchée à l'émeri. Et, quand on ne sait pas, d'être ouverte à l'idée d'apprendre, de comprendre, de recevoir.
Bref, d'aimer soigner les Autres. Toutes les Autres. (Notez que je n'ai pas écrit "d'aimer-les-autres" mais "d'aimer-soigner-les-autres" ; c'est pas religieux et c'est plus facile : il suffit d'aimer que l'autre aille mieux après vous avoir vue...)
Si toutes les professionnelles étaient sélectionnées d'emblée sur des critères de bienveillance, si leur formation leur montrait en exemple qu'on doit être bienveillante (et qu'on peut, et que ça marche, et que les soins bienveillants sont plus efficaces que la maltraitance...), si leurs enseignantes étaient bienveillantes avec elles, bref, si... les rêves de quelques-unes devenaient réalité, les personnes de tous genres et de toutes conditions n'auraient pas besoin de chercher. Toute professionnelle ferait l'affaire. Toute professionnelle serait prête.
Malheureusement cette formation bienveillante n'est pas (pas encore) la règle dans les facultés de médecine française.
En attendant, les personnes soignées dresseront des listes. Et elles auront bien raison de le faire.
Et ça n'empêche nullement les professionnelles de bonne volonté de figurer sur lesdites listes. Car ce n'est pas compliqué, je vous assure.
On apprend à être safe pour l'Autre - quelle qu'elle soit - en souriant et en ouvrant ses oreilles.
Certes, ça demande de la patience et du temps, mais nul besoin d'être ancien chef de clinique, interne des hôpitaux de Paris ou major de promo. (Ou l'équivalent en 2020.)
Soigner tout le monde avec bienveillance, ça n'exige pas une compétence universitaire ; c'est une attitude.
Autant dire que c'est à la portée du premier benêt venu. Et je sais de quoi je parle.
Marc Zaffran/Martin Winckler
Je voudrais insister sur deux points.
RépondreSupprimerLe premier c'est l'importance de la culpabilité chez les médecins. Si beaucoup de consoeurs ne supportent pas l'idée que la patiente choisisse (je ne suis pas habitué à ta règle de grammaire, Marc, je sens que je vais me planter...), c'est parfois parce que le fait d'être rejetée fait craindre d'être une mauvaise médecine (ah, pas mal "une médecine" !) D'où culpabilité, angoisse, refus. Mais choisir une médecine "pour soi" ce n'est pas prétendre que toutes les autres professionnelles sont "mauvaises". Donc commençons par évacuer cette culpabilité (et d'ailleurs cela pourrait nous aider à mieux soigner, pourvu que par ailleurs on se tienne à une éthique solide).
Le deuxième point, c'est qu'il y a une contrepartie au libre choix que la patiente peut faire de sa médecine : c'est le libre choix que la médecine peut faire de ses patientes. Bien sûr qu'au départ je reçois tous les demandeuses (sous réserve de mon emploi du temps). Mais il peut arriver que je me sente dans l'incapacité de soigner correctement telle ou telle. Par exemple, parce qu'elle m'a tellement irrité par ses propos ou son attitude que je n'arrive pas à avoir la bienveillance que je voudrais avoir. Alors il m'arrive (disons une fois tous les ans ou tous les deux ans ?) de dire à une patiente qu'il vaut mieux pour elle qu'elle trouve une autre médecine (et j'essaie de lui en proposer). J'espère que si vous, patiente, vous attendez de moi, médecine, que j'accepte votre choix, la réciproque peut être vraie. A condition, naturellement, que ces choix reposent sur une sincérité et une éthique, et notamment, que le choix ne dissimule pas une forme de discrimination (par exemple, pour les médecines, anti-pauvre).
Merci, Jean. Je suis parfaitement d'accord avec toi. Quand on a des relations difficiles avec une personne qui nous demande des soins, il faut avoir le courage de le dire et de lui suggérer d'aller voir quelqu'un d'autre (voire lui proposer des noms). C'est parfaitement acceptable et légitime et ça devrait être la norme, plutôt que de continuer à voir des personnes avec qui la communication est si difficile qu'on est incapable de faire son boulot correctement. Ca m'est arrivé à moi aussi, mais comme toi, pas souvent. (Certainement pas plus d'une fois par an.)
RépondreSupprimerPS : Personnellement, pour le féminin de médecin, j'utilise "médecienne", mot qui existe depuis longtemps.
soigner c'est compliqué,si en+ tu le fais à contre-coeur là ce sera dur-dur pour tout le monde et des réactions violentes se produiront:en permanence le patient te teste:es-tu capable de résoudre mon problème?
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