mercredi 25 novembre 2020

Quand une médecienne française accouche en Australie...

J'ai reçu, il y a plusieurs mois déjà, ce message d'une lectrice qui m'a profondément touché. Dans ce message, une femme médecienne parle de son accouchement sous d'autres latitudes que la France. Je lui ai répondu très vite pour lui demander l'autorisation de le publier sur ce blog. Elle n'a pas répondu, probablement à cause des bouleversements de la pandémie. 

Six mois après l'avoir reçu, j'ai anonymisé le message, pour qu'on l'identifie pas (à moins de la connaître déjà) et je le publie tel quel. Car ce qu'elle dit me semble essentiel pour les femmes qui accouchent aujourd'hui en France. 

Je la remercie d'avoir partagé cette expérience avec moi, et je la partage à mon tour. 

MW  



"Je me permets de vous envoyer ce message pour vous dire merci. 

J’espère que vous ne trouverez pas ma démarche bizarre. 
Je vais vous raconter mon histoire.

Je suis médecin, pur produit de l’AP-HP ou j’ai fait mon externat. 

J’avais déjà lu Le Chœur des Femmes quand j’étais externe et, toute façonnée par l’hôpital dans ce qu’il a de négatif, je dois vous avouer que j’avais roulé des yeux plus d’une fois, soupiré « et puis quoi encore ?! » à de nombreuses reprises..bref, une vraie Jean..!! Je trouvais très drôle de répéter que les patientes de gynéco étaient des mouettes (beaucoup de bruit et pas grand chose dans la tête) car j’avais entendu des chefs le dire (j’ai fait mon stage de gynéco au début des années 2010)

Et puis..et puis...je me suis mariée et je suis partie vivre en Australie. 
La, je suis tombée enceinte, et mon parcours dans un système de soins étranger, et où j’avais une position de patiente m’a fait ouvrir les yeux.

Lors de ma 1ère consultation avec une sage-femme (SF) de l’hôpital (j’ai été suivie dans un CHU), j’ai demandé à quel moment je verrai l’anesthésiste...
« Un anesthésiste?! Mais pourquoi faire ?! »
« Bah...pour ma péridurale, bien sûr » « mais ici, la péridurale on en fait très peu »
Je suis sortie de cette consultation furieuse et effarée de ce pays de barbares.

Puis mon mari et moi avons participé aux cours de préparation à l’accouchement dispensés par le CHU, et animés par Karen..
Les 1ers cours ont été un vrai supplice pour moi: promotion de l’accouchement physiologique, discours du type « Your body your choice, ne vous laissez rien imposer par un médecin, demandez d’autres avis », présentation des différentes techniques de lutte contre la douleur (« des bouillottes d’eau chaude et un bain chaud contre les douleurs de travail ?! Mais ils sont malades !!!! »), discours assez contre la péridurale. 

Un vrai virage à 180 pour la médecienne française que j’étais.
J’étais assise au fond de la classe, à soupirer bruyamment, et à lever les yeux au ciel, une vraie tête à claques.

Voulant clouer le bec à Karen, notamment sur la péri (je n’avais pas vu un seul accouchement sans péri pendant mon externat, et personne de mon entourage n’a donné naissance sans péri) j’ai fait de la bibliographie sur Pubmed..et la.... Enorme désillusion pour moi. 

Tous les arguments qu’elle avançait (temps de travail plus long en cas de péridurale, augmentation du recours aux instruments et de lésions du périnée) étaient vrais. 

Je suis tombée de très très haut, une énorme remise en question de tout ce que j’avais appris en France. 

En parallèle, j’ai eu une grossesse compliquée sur le plan médical, avec un suivi très rapproché et quelques passages aux urgences. 

Lors de mon 1er passage aux urgences gynéco, alors enceinte de 6 mois, pendant que l’interne (garçon) accompagné d’une sage femme m’interroge, je commence à me déshabiller. Et là, « mais pourquoi ?! Attendez on va vous donner une chemise » 

Pendant que l’interne m’examinait, moi recouverte d’un drap, et non entièrement nue comme j’ai pu l’être à de nombreuses reprises en France, et que la sage femme me caressait la main (« It’s all good, Darling ») j’ai ouvert mes yeux, et j’ai eu honte. Honte de moi. Honte de ne jamais avoir remis en question ce qu’on m’apprenait. Honte d’avoir pu être maltraitante, en pensant en plus faire du bon travail.

 Je me suis vraiment rapprochée de Karen, je lui ai demandé pardon pour mon comportement, et ai essayé de lui expliquer le pourquoi du comment.

J’ai parlé avec mon mari de mon projet de naissance, à savoir tenter sans péridurale, mais l’accepter sans problème quand je n’en pourrais plus. 

J’ai finalement été déclenchée en semi urgence pour pré-éclampsie sévère. Entre la rupture de la poche des eaux, et l’arrivée de notre fille, 2h16 se sont passées. Je n’ai donc pas eu le temps d’avoir une péridurale.

Les SF m’ont appliqué des compresses d’eau bouillante, et j’ai eu un périnée intact (encore un truc dont Karen parlait et qui me faisait bondir !) 

Une amie m’a récemment envoyé le Chœur des Femmes, que j’ai relu..et j’ai cru me voir en fait..
J’ai tourné et retourné dans ma tête ce message, j’y vais ou j’y vais pas, il va me prendre pour une folle, il s’en fiche sûrement de ce que je lui raconte, mais j’ai décidé de me lancer, pour Karen...Je me dois de lui rendre hommage à travers ces quelques lignes..

Pour qu’elle comprenne d’où je viens, j’aimerais lui faire lire le Chœur des femmes. Est il traduit en anglais ? Je l’ai désespérément cherché sur Internet, sans succès. 
Savez vous où je peux me le procurer pour elle ?" *




------

* Malheureusement, Le Choeur des femmes n'est traduit dans aucune langue. MW 




2 commentaires:

Les commentaires sont modérés. Tous les commentaires constructifs seront publiés. Les commentaires franchement hostiles ou désagréables ne le seront pas.