samedi 13 juillet 2019

Adoption et procréation assistée pour tou.te.s ?

Une internaute m'écrit (je résume) : 

A la suite de la lecture du billet de Laurent Joffrin en réaction au livre de Sylviane Agacinski, je souhaiterais connaître votre position sur à la "PMA pour toutes". 
Elle semble être présentée comme une mesure d'égalité. Mais ne crée-t-elle pas une réelle inégalité entre les couples masculins et les couples féminins ? 
Je trouverais plus égalitaire de demander l'accès à l'adoption pour tous les couples mariés.
Qu'en pensez-vous ? 

Merci pour votre message. Je n'ai pas suivi de près le débat (je n'ai lu ni le livre de S. Agacinski, ni le billet de L. Joffrin) mais je peux vous faire part de mes réflexions, qui sont somme toutes assez simples et guidées par des principes d'éthique élémentaire. 

La revendication d'égalité exprimée par certains groupes féministes concerne (il me semble) la discrimination subie par les personnes LGBTQIA+ par rapport aux personnes hétérosexuelles mariées. (Une discrimination double, donc, qui porte sur l'orientation sexuelle ET le mariage. A noter que cette discrimination frappe aussi, il me semble, les couples hétérosexuels non mariés.) 

A mon humble avis : 

- la procédure d'adoption devrait être ouverte à toutes les personnes adultes (mariées ou célibataires) et ce, quelles que soient leur genre et/ou leur orientation sexuelle ; le problème, ensuite, est celui des critères d'attribution d'un enfant, qui ont certainement besoin d'être révisés, et pas laissés à l'appréciation personnelle du ou de la fonctionnaire qui mène les entretiens... 

Je ne pense pas, en effet, que le fait d'être marié ou même de vivre en couple soit une condition obligatoire pour élever un enfant. Si tel était le cas, tous les parents isolés après divorce, séparation ou veuvage devraient être considérés comme incapables...  (D'ailleurs, les parents veufs ne devraient plus être assujettis à la tutelle d'un conseil de famille, si tel est encore le cas...) 

- l'insémination artificielle avec donneur (IAD) devrait être accessible à toutes les personnes porteuses d'un utérus, mariées ou célibataires, quelle que soit leur orientation sexuelle ; l'IAD, de fait, est une forme de procréation médicalement assistée (PMA), puisqu'elle nécessite une procédure médicalisée... 

- les personnes  (mariées ou célibataires) qui demandent une IAD devraient pouvoir choisir leur donneur ; je ne suis pas sûr que ce soit possible à l'heure actuelle en France puisque le don de sperme est censé être anonyme ; mais on ne voit pas pourquoi elles ne pourraient pas le faire, alors que les personnes hétérosexuelles fertiles le font... 

- la FIV devrait être accessible à toutes les personnes porteuses d'un utérus infertiles (ou pour qui l'IAD n'est pas possible), mariées ou célibataires, quelle que soit leur orientation sexuelle. Les procédures de PMA sont destinées aux personnes ou aux couples infertiles, même si l'infertilité concerne l'homme dans un couple hétérosexuel. Pourquoi les refuser aux couples de femmes qui, ensemble, ne peuvent pas procréer ?

(Note : je suis de celles et ceux qui défendent le droit à toute personne donnée en adoption ou conçue par PMA d'accéder à ses origines biologiques. Il devrait être possible d'ailleurs de donner aux adultes conçus par PMA deux choix : celui de connaître le profil génétique de ses parents et/ou celui de les contacter à l'âge adulte. Le profil génétique devrait toujours être accessible. Les parents biologiques devraient pouvoir être contactés par l'intermédiaire d'une médiation appropriée qui permettrait de protéger l'anonymat des parents biologiques s'iels le désirent sans refuser à la personne concernée des informations non génétiques - sociologiques, ethniques ou historiques, par exemple - qui pourraient avoir une importance pour leur santé ou la santé de leurs propres enfants s'iels décident de procréer.)  

Si je pense que l'adoption devrait être accessibles aux hommes vivant seul ou en couple, il ne me paraît pas possible d'ouvrir la PMA (par IAD ou FIV) à un couple d'hommes sans qu'on ait statué légalement, et simultanément, sur la question de la maternité pour autrui, pour protéger les droits des femmes qui seraient volontaires ; c'est un problème distinct, qui met en jeu autre chose que la liberté des hommes à procréer, et je ne vais pas m'aventurer sur ce chemin aujourd'hui. Notons que la maternité pour autrui ne semble pas poser de problème juridique ou moral dans certains états Nord-Américains ou au Royaume-Uni.

Soit dit en passant, je pense que les enfants conçus par PMA ou via maternité pour autrui hors de France, d'un couple français dont l'un au moins est leur parent génétique devraient obtenir la nationalité française sans discussion (puisque la filiation génétique peut être vérifiée sans difficulté). L'hypocrisie à ce sujet est en effet manifeste, quand on pense à tous les enfants conçus dans les "colonies" puis rapatriés (parfois de force) dans l'Hexagone par des soldats de l'armée française rien qu'au 20e siècle...

Cela étant, même si je pense que le désir de porter son propre enfant et/ou de concevoir un enfant portant ses propres gènes est tout à fait respectable, d'un point de vue strictement éthique, il me semble que l'adoption devrait être favorisée et encouragée de manière très importante, car un enfant qui existe déjà mérite au moins autant de considération que des enfants "potentiels" (et dont la venue au monde, même par PMA, n'est jamais garantie). 

Pourquoi suis-je d'avis que l'adoption devrait être être largement accessible aux personnes seules ou en couple quel que soit leur genre ou leur orientation sexuelle ? Parce qu'il n'y a aucune raison d'exclure a priori de la parentalité une personne majeure sur des critères non inscrits dans la loi...  (Tout ce qui n'est pas interdit est autorisé.) On ne le fait pas pour les personnes qui peuvent procréer spontanément, de quel droit le ferait-on pour celles qui n'ont pas cette possibilité ? 

La "protection" des enfants à naître ou adoptables n'est pas un argument recevable. Il signifierait non seulement qu'on désigne à l'avance des parents "non compétents" selon des critères idéologiques, mais aussi qu'on établit une discrimination entre les enfants conçus de manière "naturelle" et les autres. Les seconds auraient droit à une "protection" - en réalité, un contrôle - dont les premiers seraient "épargnés".  

Je me souviens que, lorsque j'étais adolescent (dans les années 60), une enseignante célibataire et handicapée (elle se déplaçait avec une canne après avoir souffert, je crois, de la polio) de ma ville avait obtenu de pouvoir adopter un petit garçon. Je ne sais pas si c'était fréquent, mais ça ne choquait personne. Est-ce qu'on aurait autorisé l'adoption si elle avait travaillé en usine ou si elle avait été ouvertement homosexuelle ? J'en doute. Et cela, c'est choquant... L'adoption, à l'époque, était accordée certainement sur des critères de classe. Elle ne devrait pas l'être. Qu'en est-il aujourd'hui ? On est en droit de se poser la question. 

Cela étant, tout ceci n'est que le point de vue d'un éthicien isolé. Je ne doute pas que de nombreux internautes auraient leur mot à dire. Sentez-vous libres de réagir. Je serai heureux de publier vos points de vue, questions et réflexions. 

Martin W.  


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