lundi 26 février 2018

Avez vous des relations sexuelles ?



Nous sommes deux étudiants en dernière année de médecine et nous nous consacrons à la médecine générale et à la pratique en planning familial. 

Lors de l'un de nos cours de médecine générale sur la contraception, nous avions le cas d'une "adolescente de 15 ans, ayant récemment rencontré quelqu'un et qui vient nous voir pour une pilule".

Un débat s'est lancé entre nous et le reste de notre groupe pour savoir si poser la question "Avez-vous des rapports ?" était justifiée. Un groupe (la grande majorité) nous disait que c'était obligatoire à demander, dans le but de faire de la prévention. 


Notre avis était plutôt qu'on pouvait faire de la prévention sur les IST (infections sexuellement transmissibles) sans avoir à poser ce genre de question gênante à une adolescente qui passe dans une période souvent difficile de sa vie. (Si elle n'avait pas encore de rapports, il ne fallait pas faire de prévention?) 

Nous nous sommes souvenus que vous aviez mentionné cette question dans un de vos ouvrages. Nous aurions voulu avoir votre avis sur cette question, et si vous connaissiez des sources que nous pourrions utiliser pour guider notre réflexion.


***

Je me souviens avoir animé à Paris V, il y a plus de 10 ans, un atelier sur la contraception, à l'invitation d'un collègue enseignant de Médecine Générale (Salut et merci, Philippe Van Es !) 

J'avais commencé par demander aux étudiants : "Quelle est la première question que vous posez à une adolescente qui vient vous demander la pilule ?"

Plusieurs avaient répondu "On lui demande si elle a des rapports sexuels !" 


J'avais répliqué : "Sûrement pas, car ça ne vous regarde pas."

Ils avaient bien sûr sauté en l'air : 

- Mais comment ça, faut bien qu'on le sache, non ? 

- Pourquoi faire ? En quoi le fait qu'elle ait déjà (ou non) des rapports sexuels devrait-il guider votre prescription ?  Qu'elle en ait ou non, elle veut se protéger. Donc, vous allez l'aider à se protéger, non ? 

- Et les IST, alors ? 

- On parle des IST au collège à des groupes de pré-adolescents qui ont ou n'ont pas encore de relations sexuelles. On ne sait pas lesquels en ont déjà ou non. Et on ne leur demande pas de le dire devant tout le monde. 
Pourquoi faudrait-il leur tirer les vers du nez en consultation ?
Et surtout : à quoi sert cette question ? En quoi le "oui" ou le "non" nous apprendra-t-il quoi que ce soit ? Est-ce que ça n'est pas avant tout une porte d'entrée pour poser des questions beaucoup plus intrusives que ça ? Genre "Avec qui ? Depuis quand ? Vos parents sont au courant ?" - toutes choses plus culpabilisantes que médicalement pertinentes.  


- Mais quelle question leur posez-vous alors ? 

- Je leur demande : "Que savez-vous sur les méthodes contraceptives ? Que voulez-vous savoir ? Qu'attendez-vous de votre contraception ? Quels sont les informations que vous aimeriez avoir ? Quelles sont les choses qui vous inquiètent ?" Et une fois qu'on a fait le tour de ça, je leur explique toutes les méthodes l'une après l'autre. Parce qu'elles ne viennent pas pour se déshabiller (au propre ou au figuré), elles viennent nous demander une information et une prescription. Et on peut faire l'une et l'autre sans se comporter comme un grand Inquisiteur."

Je ne sais pas si les étudiant.e.s de ce groupe ont été convaincu.e.s, mais j'espère que ça les a suffisamment ébranlé.e.s dans leurs certitudes pour regarder les choses de manière plus "centrée-sur-les-patient.e.s". Il n'est jamais inutile d'être un peu secoué, et je sais de quoi je parle. 


***


Lorsqu'on a affaire à un.e adolescent.e en consultation autour d'une question touchant à la sexualité, moins on est dans l'intrusion, mieux c'est. Et plus on signifie qu'on ne sera pas un.e intrus.e, mieux c'est. Car la relation de confiance - ou de méfiance - qui s'établit entre  patient.e.s et médecins commence très tôt. 

La question "Avez-vous des rapports sexuels ?" m'a toujours semblé exprimer l'inquiétude du médecin à l'égard d'un.e adolescent.e qu'il devrait, selon lui, "protéger". Mais l'adolescent.e qui demande une contraception n'est pas un.e enfant (puisqu'elle vient la demander...) et ce n'est pas l'enfant (ou la nièce) du médecin ! (Si ça l'était, elle ne viendrait probablement pas la lui demander...) 


De plus, encore une fois, médicalement parlant, cette question n'a aucun intérêt pour prescrire une contraception. Que la patiente en ait ou non, la demande de contraception est valide : dans les deux cas, c'est une demande préventive, qui est louable et doit être encouragée et soutenue. (Ou alors, il ne faudrait pas conseiller aux jeunes gens, garçons et filles, d'acheter des préservatifs avant d'avoir eu des rapports sexuels... ? ) J'ai entendu beaucoup de jeunes filles me demander une contraception en disant : "Je ne sais pas quand je ferai l'amour avec mon ami pour la première fois, mais je veux avoir l'esprit tranquille." 

Il n'y a pas très longtemps, lors d'une rencontre en librairie, une de mes anciennes jeunes patientes des années 80, elle-même aujourd'hui mère d'une adolescente, me confiait que je lui avais rendu un grand service quand elle avait quinze ans : elle avait pris l'habitude de venir me consulter seule (pour un vaccin, un rhume, une bricole) car elle vivait à deux pas de mon cabinet médical rural. Très tôt, en consultation en tête à tête, elle m'avait entendu lui dire que tout ce qu'elle me confiait resterait entre nous, que je n'en parlerais jamais à ses parents. Le jour où elle a voulu utiliser une contraception, elle est venue me la demander et je la lui ai prescrite sans poser de question autres que celles qui étaient médicalement pertinentes. (NB : Je ne l'ai pas examinée non plus). 
"Vous m'avez évité bien des inquiétudes", a-t-elle ajouté.

Au fil des années, il m'est arrivé à plusieurs reprises d'entendre (ou de lire, par courriel) des femmes me demander s'il était possible de poser un DIU ("stérilet") à une femme n'ayant jamais eu de rapports sexuels avec pénétration. (Réponse : Oui, si elles le veulent, on peut. Et je l'ai fait pour au moins deux femmes, si mes souvenirs sont corrects.) Elles expliquaient (sans que je le demande) qu'elles ne voulaient pas de contraception hormonale, mais qu'elles ne voulaient pas, le jour venu, s'en remettre seulement aux préservatifs. 

Je suis toujours parti du principe (enfin, pas toujours, mais il y a longtemps  : j'ai commencé à travailler dans un centre d'interruption de grossesse en 1983, l'année de mon installation libérale) que les médecins n'ont pas à interroger les individus sur leur vie sexuelle - sauf si le contexte l'exige. Tou.te.s sont assez grand.e.s pour en parler le moment venu. Tout comme les patient.e.s sont assez grand.e.s pour décider (ou non) de parler de leur sentiment de dépression, de leurs problèmes de couple, de leur alcoolisme ou de leur désir de quitter leur boulot. Alors je ne posais jamais de questions aux patient.e.s sur leur sexualité. Quand l'un.e ou l'autre avaient besoin d'en parler, ça venait spontanément. 

(Pour ce qui est de la délicatesse, j'ai beaucoup appris grâce à Yvonne Lagneau, la surveillante du service des IVG où j'ai travaillé pendant près de vingt ans. Je pense à elle tous les jours ou presque, et je regrette que sa mort prématurée m'empêche de la remercier périodiquement pour tout ce qu'elle m'a appris. Je pense que je le ferais plusieurs fois par an...) 

En revanche, j'ai pris très tôt l'habitude de demander à toutes les femmes qui venaient me consulter seules si elles utilisaient une contraception (Ca fait partie des antécédents médicaux, comme le fait de prendre n'importe quel médicament), si elles en étaient satisfaites ou non, si elles voulaient me poser des questions au sujet de leur méthode et, quand elles n'en utilisaient pas, je leur disais qu'elles pouvaient parfaitement, le jour venu, venir m'interroger sur les méthodes disponibles, même si elles n'en avaient pas besoin le jour même. (Et quand elles me disaient qu'elles n'en avaient pas besoin, je n'insistais pas : toutes les femmes n'ont pas des relations sexuelles avec des hommes, et un médecin ne devrait jamais présumer quoi que ce soit concernant ses patient.e.s - et en particulier, ne rien présumer en ce qui concerne leur orientation ou leurs préférences sexuelles.)  

Bref, je ne crois pas que pour soigner, on ait besoin de faire faire parler les individus de leur sexualité quand ils ne demandent rien dans ce domaine. 

Mais je tenais toujours le discours suivant : "Si vous avez des questions à poser, sachez qu'il n'y a pas de questions stupides, toutes les questions qui vous soucient sont légitimes. Je suis ici pour vous répondre sans jugement et tout ce qui se dit ici ne ne sort pas d'ici." 

C'était une manière de dire : "Où que vous en soyez dans votre vie, vous pouvez m'en parler ou non si vous le désirez, mais surtout, si ça peut vous aider, je suis ici pour vous rassurer et vous informer." Quand on présente les choses sous cette perspective (le médecin est là pour vous éclairer, pas pour vous angoisser encore plus), les patient.e.s s'expriment bien plus volontiers et ont moins de mal à vous confier ce qui les travaille. 

Cela étant, un médecin doit être patient, car, quel que soit l'âge d'un.e patient.e, parfois les confidences viennent vite, parfois elles prennent deux ou trois consultations - ou plusieurs années. En médecine générale, le temps travaille pour nous alors on devrait l'apprécier comme un outil de maturation de la relation, sans presser quiconque. 


***
"Quand on pose des questions, on n'obtient que des réponses", avait coutume de dire le Dr Pierre Bernachon, qui anima longtemps des groupes Balint (et celui du Mans, en particulier). 

Un jeune médecin reçoit une très jeune adolescente (14 ans) qui lui demande la pilule. Il lui demande tout de suite : "Avez vous des relations sexuelles ?". Et n'obtient non seulement aucune réponse, mais voit la jeune femme se fermer comme une huître. Au bout de 20 minutes, il est obligé de la raccompagner : elle ne dit plus un mot. Et elle part sans contraception.

Quelques semaines plus tard, il se rend au centre d'IVG pour mieux se former à la contraception et à la prévention des grossesses chez l'adolescente et découvre par hasard (il l'aperçoit dans les couloirs) que cette même jeune fille vient de subir une IVG. La conseillère lui confie : "Son histoire est terrible. Elle est allée voir un médecin pour demander la pilule. Il lui a demandé si elle avait des rapports sexuels. Elle n'a rien su répondre car, oui, elle en avait :  lesdits rapports sexuels lui étaient imposés par son oncle maternel, à l'insu de ses parents, bien entendu. Elle ne savait pas comment échapper à ça, mais au moins elle voulait éviter d'être enceinte... Seulement quand le médecin lui a posé la question, elle s'est retrouvée complètement paralysée." 

***

Il n'est pas indispensable de savoir si une personne a une sexualité et laquelle (encore une fois, je pense que ça ne nous regarde pas) ; il n'est légitime de s'intéresser à sa sexualité que lorsque c'est médicalement pertinent : si elle souffre, si elle a des signes d'infection, si elle évoque une grossesse, etc. Bref, la sexualité ne devrait être abordée que dans le contexte où les patients ou la situation l'indiquent, à mon avis. 

Pas de manière "systématique", parce qu'alors, on pourrait être tenté de demander à tout le monde (et les patient.e.s seraient en droit de craindre qu'on leur demande...) "Combien de rapports par semaine avez-vous ? Avec qui ? Plusieurs partenaires ? Depuis quel âge ? " --- et autres questions auxquelles une personne de n'importe quel âge peut très bien ne pas avoir envie de répondre, et choisisse de répondre par des mensonges  - et on sera bien avancé.

"Tout le monde ment", dit Greg House. Parce que dire la vérité, c'est s'exposer au jugement des autres. Chez le médecin plus encore qu'ailleurs. 

Ne pas poser la question "Avez vous des rapports sexuels ?" fait-t-il courir un risque à quiconque (patient.e ou médecin) ? Non. Pas plus que de ne pas imposer d'examen gynécologique à une adolescente qui va bien et ne se plaint de rien. En revanche, ne pas envahir la vie privée de la personne signifie qu'on la respecte. 

Je pense que d'un point de vue général, un médecin n'a pas à attendre ou exiger d'un.e patient.e qu'il ou elle lui dise "tout". Il se doit d'être très précautionneux dans les questions qu'il pose, et encore plus avec un.e adolescent.e, qui a toutes les raisons d'assimiler le médecin à une figure parentale (et peut-être un complice des parents), surtout si ledit médecin ne lui a pas assuré du respect de la confidentialité. 

Même quand cette assurance a été clairement énoncée, il est de bonne pratique à mon sens de dire : 

"Vous n'avez pas besoin de tout me raconter, dites-moi ce qui vous semble important. Il est possible qu'à certains moments je vous pose des questions qui vous sembleront indiscrètes, et si c'est le cas, dites-le moi, je n'insisterai pas. Mon premier souci est que vous vous sentiez respecté.e et en sécurité. Tout ce que vous me confierez doit servir à vous aider, mais ne sera jamais utilisé contre vous, et surtout pas par moi. Je suis ici pour vous écouter et vous comprendre, en aucun cas pour vous juger." 

C'est un paradigme très différent de ce qu'on enseigne en faculté de médecine, malheureusement - et de ce que la plupart des médecins pensent, en voulant d'ailleurs bien faire. C'est un paradigme qui pose, une fois pour toutes, que c'est aux patient.e.s de de choisir quoi dire au médecin. En confiance.  

Certain.e.s adolescent.e.s font confiance très vite. D'autres plus lentement. C'est l'attitude de respect du médecin qui leur permet, un jour, de se confier. On ne raconte pas les choses les plus intimes dès la première consultation. Alors, un médecin ne devrait pas poser de questions inquisitrices dès la première consultation, comme ça, de but en blanc. 

S'il doit aborder un sujet délicat, il doit le faire de manière délicate ; ça fait partie du métier. 

Et toute relation de soin devrait commencer par les signes, donnés par le médecin, qu'il ou elle respecte la personne qui vient lui demander son aide. Et ne se mêle pas de son intimité sans y avoir été invité•e. 


Marc Zaffran/Martin Winckler



8 commentaires:

  1. Bonjour.
    L'idée est séduisante. Et quand une (jeune) femme demande une contraception il semble implicite qu'elle le fait pour des raisons précises qui sont qu'elle a des rapports sexuels, qu'elle pense en avoir et/ou qu'elle souhaiterait ne pas être enceinte.
    La prescription d'une contraception ne peut être une simple délivrance, elle doit s'accompagner de conseils sur les IST, et cetera.
    Il est difficile donc de ne pas connaître le fait qu'elle ait ou non des relations sexuelles.
    Une des questions majeures est aussi implicitement : "Ça commence quand la protection ?"
    La relation de confiance est nécessaire mais pas indispensable. Là où j'exerce et chez les très jeunes femmes, je donne un conseil supplémentaire : n'allez pas dans une pharmacie où l'on vous connaît car le secret médical est souvent absent au comptoir des pharmacies.
    Je crois donc qu'il est plus facile d'informer les jeunes femmes quand on sait quelles sont leurs relations sexuelles et ce dont elles doivent se méfier (IST).
    J'ajoute que l'exemple que vous citez pourrait très bien avoir abouti autrement.
    Bonne journée.

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    1. Je ne vois pas vraiment pourquoi il serait nécessaire de connaître la sexualité d'une femme pour lui prescrire une contraception. Si elle en parle spontanément, pas de problème. Mais pourquoi l'interroger ? Et pour lui demander quoi ? Si elle a des rapports sexuels ? Oui on non, ça n'a pas d'importance : elle vient pour une contraception. Si elle n'en a pas, elle va (ou a l'intention d'en avoir). Pour lui faire de l'information sur les IST ? Mais dans tout plein de pays on fait de l'information sur les IST à des ados ou pré-ados qui n'ont pas de RS encore ? Alors, encore une fois, à quoi la question sert-elle ? Sinon à être inquisiteur d'emblée? J'ai informé beaucoup d'ados et de femmes adultes sur les IST sans leur poser ce type de question... Individuellement, à deux ou en groupe. Et je ne vois pas bien en quoi le fait de connaître leurs pratiques sexuelles m'aurait permis de les informer mieux... Il me semble plus respectueux de demander ce qu'elle veulent savoir. Et quand on procède ainsi, on laisse aux femmes la possibilité de dire ce qu'elles veulent et ce qu'elles jugent utile de révéler. De plus, on leur laisse entendre que ce qu'elles ne disent pas tout de suite, elles peuvent le révéler plus tard, à une autre consultation, sans y être contrainte.
      Le conseil par rapport à la pharmacie me semble très juste, du moins pour attirer l'attention de la femme sur la confidentialité qui lui est due.
      Et oui, l'exemple que je cite aurait pu aboutir autrement. Mais c'est ainsi qu'il s'est passé et, dans l'équipe, ça a motivé notre interrogation sur l'attitude "banalisée" qu'on avait de poser la question directement, au lieu d'arriver à la même information (quand elle était dicible) par des moyens plus indirects.

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  2. Bravo en tous cas pour ce questionnement. J'ai lancé ce débat dans mon groupe d'étudiants (en dernière année de spécialisation en MG), l'argument majeur en faveur de la position de poser la question, c'est le dépistage des ISTs cliniquement souvent muettes en phase initiale (syphilis, chlamydia, HIV). Nous n'avons pas vu comment procéder en l'absence d'information sur la sexualité : négliger cette recherche en cas de rapports à risque ferait courir une perte de chance à la patiente, la faire de façon systématique serait clairement de la surmédicalisation. Il nous a semblé que la réponse à cette intéressante question devait se placer dans le champs de la relation médecin/patient : comment amener la patiente à considérer que le médecin est à sa place dans ce questionnement ?

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    1. Je pense que la place du médecin, c'est de dire : "J'ai des réponses, posez-moi vos questions". Si l'on voit la relation de soin comme une relation de service, alors on peut se défaire de l'idée que pour soigner, il faut savoir ce que les gens vivent, pensent, disent, croient de manière absolue. On a souvent besoin de le savoir, mais ils l'expriment à leur guise, au moment opportun. Et plus volontiers si on n'a pas une attitude d'inquisition, mais d'intérêt. Pour ce qui est du dépistage, je demandais (après avoir décrit les principales infections) : "Voulez vous faire l'objet d'un dépistage ?" Parce que fondamentalement, c'est de ça qu'on a besoin : de leur consentement. Et si elles consentent, on n'a pas besoin de leur tirer les vers du nez. Si elles ne consentent pas, ça ne sert à rien de savoir si elles ont ou non des relations sexuelles, sinon à être angoissé à leur place (et c'est pas notre place). De toute manière, on n'a pas à les forcer au dépistage. Mais on peut dire : "Si un jour vous pensez que vous pourriez bénéficier d'un dépistage, si un jour vous êtes inquiète, je suis à votre disposition, et je ne poserai pas de question si vous ne désirez pas me donner de détails." C'est ce que je faisais quand des femmes me posaient des questions sur le SIDA. Est-ce que je devais les questionner sur la sexualité de leur(s) partenaires ? Ou sur la leur ? Non. Je leur disais : "Si vous avez des raisons de redouter une infection, on vous teste." Et ça suffisait à les rassurer : je ne portais pas de jugement. Et le meilleur moyen de montrer qu'on ne porte pas de jugement c'est de ne pas poser de questions intimes tout en exprimant qu'on peut recevoir toutes les confidences, au gré du/de la patiente. Mais je reconnais que c'est un paradigme très différent de celui qui prévaut à l'heure actuelle.

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  3. Bonjour, et à nouveau merci pour cet éclairage.
    J'ai eu plusieurs cours à la faculté sur la question de la santé des adolescents. Population parfois difficile à "capter", d'où la recommandation (c’est du moins le message que j’en ai tiré) d'aborder assez systématiquement les grands domaines de santé avec un adolescent qui consulte, par exemple via le "HEADSSS", et notamment l’item « sexualité ».
    Bon, en pratique (je débute mon exercice de médecine générale) je trouve ça assez compliqué... Par exemple l'adolescent(e) qui consulte pour une bonne grippe... (avec maman qui l'accompagne!).
    Ca me semble plus facile pour une consultation de suivi systématique (certificat de sport, vaccinations…) à condition de faire sortir le parent / l’accompagnant (autre question difficile à trancher pour moi… j’ai l’impression que parfois l’ado veut être accompagné, et le « forcer » à consulter seul ne me semble pas bon non plus…).
    Et donc, en admettant que je vois cet adolescent(e) seul(e), comment aborder la question de la sexualité ?
    S’il y a une demande de contraception par une jeune fille, « facile », votre approche me parle tout à fait, on peut faire de la prévention, donner des explications, sans questionner sur la vie sexuelle de la patiente.
    Mais si on n’a pas de demande directe de contraception, et je pense en particulier aux garçons, cela se complique (je parle pour moi, je suis une femme, avec mes représentations personnelles évidemment !). Peut être quelque chose du genre « est ce que vous avez des questions en matière de contraception ou de sexualité » ?
    Je ne trouve jamais facile d’ « imposer » un sujet de discussion en consultation (c’est d’ailleurs généralement complètement contre-productif – on peut faire la même remarque sur le sujet des addictions) et je partage l’idée de créer un climat de confiance pour que le patient aborde le sujet lui-même s’il le souhaite… savoir saisir le bon moment.

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    1. Je crois que vous avez parfaitement raison. Vous êtes toujours en droit de proposer des sujets, en disant : "Je suis aussi ici pour répondre à vos questions sur des sujets plus généraux, par exemple la sexualité, les vaccinations, la prévention en général... " Et si l'adolescent.e n'a besoin de rien ce jour là, lui dire que vous êtes à sa disposition, que la confidentialité est garantie, etc. Quand l'ado était accompagné.e par la mère ou le père, j'expliquais toujours qu'à partir d'un certain âge, l'ado avait le droit à la confidentialité, et qu'il ou elle pouvait avoir à me parler seul.e. Les parents qui comprennent proposent de sortir. Les autres, non, mais ça permet parfois de lancer la discussion sur la confidentialité, qui me semble centrale : plus un.e ado est sûr.e que ce qui se dit ne sort pas de la consultation (surtout pas pour être dit aux parents), il ou elle sait qu'il est possible de revenir seul.e et c'est ça qui me semble essentiel au cours d'une première consultation. C'est ce qui a permis à beaucoup de jeunes filles de venir me demander une contraception en prétextant chez elles qu'elles avaient autre chose mais qu'elles pouvaient venir me voir seules... Une fois qu'elles viennent seules, elles savent souvent ce qu'elles veulent et il est assez facile de parler des choses compliquées si on reste délicat et non contraignant, comme vous le dites vous-même très bien.

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    2. Merci pour votre réponse, toujours riche d'enseignements !

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  4. Côté bibliographie, on peut trouver une analyse qualitative de l'attitude des MG dans cet article https://www.exercer.fr/numero/111/page/12/
    et une autre sur le point de vue des adolescents dans cette thèse http://thesesante.ups-tlse.fr/1721/

    Plus généralement un 40aine d'articles francophones abordent le sujet : https://www.lissa.fr/dc/#env=lissa&q=(sexualit%C3%A9%20OU%20contraception)%20ET%20adolescent%20ET%20consultation

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