Mais il n'y a pas eu que des réactions négatives, et de loin.
Je compile actuellement les dizaines de témoignages reçus de patients qui ont subi des maltraitances et m'ont écrit à la suite de la publication ou de sa mention dans la presse. Je les publierai (anonymisés) dans les semaines qui viennent).
J'ai reçu aussi beaucoup de témoignages de soutiens de professionnels de santé - médecins, infirmier(e)s, sages-femmes, psychothérapeutes, orthophonistes, et bien d'autres.
Je vais eux aussi les publier au fil des semaines.
Commençons par un long texte, qui m'a été adressé par trois enseignants en faculté de médecine.
Dans un courrier daté du 17 octobre 2016, le Docteur Gérard Ponsot, professeur honoraire des universités et ancien chef de service de pédiatrie à l'hôpital Saint Vincent de Paul m'écrit :
"J'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre dernier livre Les Brutes en blanc et vous remercie de votre vigoureux cri d'alarme sur les différentes formes de déshumanisation que l'on rencontre en France chez beaucoup trop de médecins.
(...)
Permettez moi de vous faire parvenir le texte du "Module d'Humanisme Médical Transdisciplinaire". Son but est d'apporter dans des siguations où l'humanité des soignants est particulièrement sollicitée des réflexions éthiques et humaines à tous les internes, au moment où ils sont confrontés à ces situations et se posent des questions.
Je me bats avec d'autres depuis plus de 2 ans pour que ce module fasse partie du cursus des études médicales et soit obligatoire. Il a été présenté à de nombreuses personnalités universitéaires et en particulier à la Commission Nationale des études de maieutique, médecine, odontologie et pharmacie qui est en charge de la réforme du troisième cycle.
Il reçoit un bon accueil mais comme on dit familièrement, la "mayonnaise" n'a pas encore pris. Je sais que le combat sera difficile."
J'ai proposé à Gérard Ponsot de publier le module sur ce blog. Il m'a demandé d'y associer le nom de deux de ses collègues, eux aussi très impliqués dans sa conception - et dans le combat pour le faire adopter : le Professeur Bernard Golse et le Docteur Pierre Canaoui, tous deux pédopsychiatres et enseignants à l’Hôpital Necker et à Paris Descartes.
En voici le texte.
Je ne doute pas qu'en France, d'autres enseignants tentent de proposer - et de diffuser - des modules similaires, destinés à pallier les manques de la formation médicale. Je serais heureux de publier ici des compte-rendus ou descriptions de leurs projets ou des formations déjà en cours.
MW.
***
Un
"Module d’Humanisme Médical Transdisciplinaire" pourquoi
faire ?
" La Médecine n’a de sens que si l’Homme y
est mis au premier plan"
(Professeur François- Bernard Michel)
I)
Argumentaire
Il y a un décalage, déjà ancien, mais qui risque de
s’aggraver chez beaucoup de médecins, entre leur "accaparement "
pour apprendre et maitriser les nouvelles technologies biologiques et
médicales, acquisitions bien sûr tout à fait indispensables, et celles
leur permettant de communiquer avec les
malades, de les écouter, de soutenir leur autonomie souvent compromise par la
maladie, le déni, la douleur et la dépression
L’Homme avec l’acquisition de ces nouvelles
technologies, "contrôle et contrôlera" de plus en plus "Lui-même
et son Environnement" ce qui est souhaitable, mais n’y a-t-il pas un
risque de "déviation grave" si ce "contrôle" n’est pas
"constamment accompagné" par une réflexion éthique et humaine ?
II) Objectif du Module
Le but du module est d'apporter, dans des situations ou
l’humanité des soignants (voir plus bas) est particulièrement impliquée, des
réflexions éthiques et humaines à tous
les internes en début d’internat ou au cours de celui-ci au moment où ils sont
confrontés à ces situations et où ils se posent des questions.
Ce Module
ferait partie du cursus des études médicales et serait obligatoire. Il
serait organisé par les Facultés de Médecine car ce sont les médecins qui sont
en responsabilité dans ces situations de vulnérabilité Humaine, mais
transdisciplinaire - sciences humaines et sociales, juridiques, politiques en
fonction des thèmes.
Cet enseignement traiterait sept Thèmes
(Voir plus bas) correspondant à des situations ou l’humanité et l’éthique des
soignants sont particulièrement impliqués. Il pourrait
être ouvert aux autres médecins, ville, EPHAD, instituts médico-sociaux mais
aussi aux infirmières, aides-soignantes, psychologues, aidants- professionnels
en activité car tous ces professionnels
sont appelés à travailler ensemble dans
toutes ces situations complexes, douloureuses comme celle de la fin de vie. Il pourrait s’adresser
également aux citoyens en tant
qu’auditeurs libres, car beaucoup
d’entre eux (8 à 10 millions en France) sont ou seront des Aidants
proches ou familiaux, des Aidants bénévoles dont le rôle est essentiel dans l’accompagnement des
personnes atteintes d’affections graves, des personnes âgées ou
handicapées, des personnes en fin de vie ».
Les enseignants appartiendraient aux différents spécialités indiquées plus
haut, médecins, urgentistes, réanimateurs, médecins des soins palliatifs,
médecins de ville et des EHPAD, professeurs d’éthique, psychiatres , soignants
non médecins infirmières, psychologues etc., chercheurs, sociologues, philosophes,
enseignants des différentes religions (Catholiques, Protestants, Juifs et Musulmans), juristes et politiques, sans oublier les patients, les parents, les
familles dont les témoignages sur
plusieurs sujets indiqués plus haut, n’ont pas d’équivalent sur le plan de
l’Humanité.
A ce niveau de compétences, d’expérience et de
formation des participants, le module doit proposer des modalités
d’enseignement adaptées, très peu de cours , surtout des échanges ,débats,
tables rondes contradictoires ou non et des témoignages qui doivent occuper une
place importante.
Il est essentiel dans ce module d’humanité médicale
de donner une grande place aux témoignages, de médecins hospitaliers, de ville, d'EHPAD, d’Instituts médico-sociaux pour relater les difficultés qu’ils
rencontrent dans toutes ces situations complexes et proposer des solutions,
d’infirmiers ou infirmières qui ont une « proximité
particulière »avec les patients dans ces situations complexes et
douloureuses, de personnes ayant une maladie grave, de parents, de familles
ayant accompagné un fils, une fille, un frère, une sœur lors de leur phase de
fin de vie, de parents ayant été confrontés à l’annonce d’un handicap,
d’aidants proches ou familiaux, de bénévoles accompagnant une personne atteinte
d’une maladie grave ou en fin de vie etc …
III Description du module
Sept Thèmes :
1)
La relation de confiance Médecin
/patient : derrière
ce corps à soigner, il y a une
« personne », une « Famille » un
« environnement ». La relation de confiance permet d’avoir une vision
globale de la personne, essentielle pour la soigner et l’accompagner avec
compétence et humanité. Elle permet aussi d’envisager avec le patient au cours
de « discussions anticipées » les différents aspects de sa maladie,
les thérapeutiques à employer son évolution et, d’aborder progressivement des situations douloureuses comme la fin de
vie ce qui pourrait permettre de
faciliter la rédaction conjointe Médecin
/Patient des « directives
anticipées » ou en cas de personne en situation de grande vulnérabilité
(personne qui ne peut pas donner son avis) de « recommandations
anticipées » avec la famille, les proches ,le tuteur (1/2
Journée)
2) La mort, son
accompagnement, les soins palliatifs avec ses
différents aspects, médicaux, psychologiques, éthiques, philosophiques,
sociétaux, spirituels, juridiques et politiques .
(2 Journées)
3) Prendre soin de ceux qui ne guériront pas : Les maladies et affections chroniques .Le Médecin,
les soignants, les autres accompagnants
confrontés à «l’incurabilité» (1
Journée)
4) Les personnes
différentes : Les Personnes âgées, les Personnes très
vulnérables (Handicapées, états de conscience minimale), les Personnes
dyscommunicantes (Troubles du spectre de l’autisme) Leurs spécificités
physiques et surtout cognitives, communicatives et affectives .Comment les
accompagner au cours de leur vie jusqu’à leur
fin de vie ? L’annonce d’un
handicap et l’accompagnement des familles. Leur accueil dans des milieux qui
les connaissent pas ou mal et qui sont souvent « hostiles » pour
ces personnes très fragiles : Hôpital, Urgences etc .. . (2 Journées)
5) Les nouvelles technologies : ciseaux
génétiques (technique CRISPR-Cas 9), les cellules souches, le numérique avec en
particulier les algorithmes, la robotique, l’intelligence artificielle qui vont
pouvoir aider voire réparer l’homme mais qui, s’ils ne sont pas constamment
encadrés par des réflexions scientifiques, éthiques, philosophiques,
spirituels, peuvent être déviés dans leur utilisation pour "modifier"
ou "transformer" l’Homme avec des conséquences imprévisibles d’une
grande gravité. .
(2 Journées)
6) Optimisation de l’organisation du système de santé
en France pour obtenir un accompagnement plus efficace et plus humain des
personnes malades
Quelle coopération entre les différents secteurs de
santé, services publiques, cliniques privées, médecins de ville, soins à domicile,
instituts médico-sociaux, EHPAD, pour améliorer la répartition des tâches,
l’accueil, la circulation des informations dans et entre ces différents
secteurs indispensables à l’Humanisation de l’acte Médical ?
Mieux discerner les indications des examens
complémentaires, éviter les examens inutiles, leur répétition (Les Internes
sont souvent en première ligne pour les prescriptions +++) .Eviter, les
thérapeutiques couteuses et souvent à
risque sans bénéfice pour le patient, les hospitalisations abusives, en faisant
en sorte que les malades soient soignés et accompagnés, dans la mesure du
possible, dans les lieux de leur choix, comme le domicile.
Cette
optimisation des soins permettrait non seulement d’améliorer l’accompagnement
des personnes malades mais aussi de diminuer le découragement, l’épuisement,
les souffrances des Personnels de santé que l’on perçoit trop souvent dans les
différents secteurs de soins sans entrainer un emballement des dépenses de
santé au contraire. (2 Journées)
7) Etat de la Formation et des réflexions sur les thèmes 2,4, 5 et 6 dans les pays d’Europe y compris Scandinaves,
les Etats unis et le Canada. (1/2 Journée)
Ce Module serait en continuité et en complément de tous les enseignements qui existent déjà
sur ces sujets de soins et d’humanité,
lors des 1 er et 2émé cycle des études médicales, dans les
enseignements et formation des soins palliatif ,des ateliers d’éthique, des
formations continues, des DIU etc… Il ne
pourrait qu’inciter un plus grand nombre de médecins et paramédicaux à
compléter leur formation sur ces grands thèmes de soins et d’humanité en suivant ces enseignements
essentiels (soins palliatifs, ateliers d’Ethique, formations continues, DIU
etc…)
Mais il serait fait à un moment ou les médecins (Internes) sont confrontés à ces
situations et où ils se posent des questions.
IV)
Organisation
du module (propositions)
Ce Module
ferait partie du cursus des études médicales et serait obligatoire. Les
internes ne pourraient pas passer leur thèse sans l’avoir suivi.
Ce module
comprend 10 Journées. Il pourrait
être organisé de la façon suivante :
- Soit
entre la réussite au concours et le début de la prise des fonctions
d’interne
- Soit plutôt durant les 2éme et 3éme années d’internat (deux à trois thèmes
par an), car durant la première année les internes sont accaparés par leurs
nouvelles fonctions et responsabilités et durant la dernière année par leur
DES, leur mémoire, la recherche d’un poste de clinicat etc ..
Ce
module pourrait d’abord être organisé dans deux ou trois Facultés de Médecine
(Deux à Paris et une en Province ?) et évalué avant d’être éventuellement
étendu.
Contact : gerardponsot@orange.fr
Bonjour,
RépondreSupprimermerci pour cette publication, je ne savais pas que des medecins travaillaient à un module d'humanisme médical, et j'en suis agreablement surprise. En tant que jeune medecin generaliste travaillant essentiellement en gynécologie, je vois les degats de relation medecin/patiente catastrophique, mais aussi le sourire et la serenité retrouvé après une prise en charge respectueuse et de qualité. Cette formation aurait été bénéfique pour apprehender la communication dans des situations difficiles, surtout pour les jeunes medecins que nous sommes!
Bonjour,
RépondreSupprimerVraiment je ne comprends pas qu'il y ait un blocage pour ajouter 10 journées aux études médicales !
On peut peut être aider à la remuer , la mayonnaise pour qu'elle prenne...
RépondreSupprimerBravo à cette initiative, et en effet Mr Ponsot, Golse et Canaoui, vous n'êtes pas seuls. Alors, on peut s'unir si vous voulez. To be continued.