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Ce n'est pas possible et médicalement ça ne tient pas debout. L'anatomie (et en particulier l'anatomie neurologique) n'est pas une science exacte : tout le monde a une anatomie neurologique différente, d'une part ; une sensibilité différente, d'autre part ; et tout geste chirurgical est susceptible de laisser des séquelles neurologiques car la peau est parsemée de terminaisons nerveuses. (Pensez aux douleurs résiduelles des femmes qui subissent une épisiotomie par exemple. Et les cicatrices abdominales d'une ablation de la vésicule biliaire par voie endoscopique, pourtant très petites, sont souvent encore douloureuses des années plus tard. Concernant une zone aussi richement innervée que les grandes lèvres, la vulve et le clitoris, on peut multiplier ces douleurs par mille...)
Donc, à mon humble avis, leur « projet » ne tient pas, scientifiquement parlant. Sans compter que 1° nul ne peut jamais garantir que leur intervention n'aura pas d’effet indésirable (il existe des accidents de circoncision, alors il n'est pas garanti que ça n'existera pas pour des "excisions chirurgicales") 2° nul ne peut prévoir ce que sera à l'âge adulte la sensibilité de la femme opérée dans son enfance.
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Q : Ils comparent cette procédure à la circoncision. La comparaison est-elle
pertinente? Non. Car les deux organes sont très différents, ainsi que les procédures concernées. La circoncision est l'ablation du prépuce et non du gland (équivalent anatomique masculin du clitoris, mutilé par les excisions rituelles). L'intervention "a minima" proposée dans l'article serait soit une simple "piqûre" à visée symbolique ; soit une "plastie" du capuchon clitoridien ou des lèvres, dont les auteurs ne "s'attendent pas" à ce qu'elles modifient durablement le plaisir sexuel. Mais ce qu'ils "attendent" et ce qui peut en découler est très différent...
Or, cette comparaison avec la circoncision est une pirouette mentale destinée à "justifier" l'intervention mais elle n'est pas scientifique non plus. Même si on peut avoir une sexualité satisfaisante après circoncision, il y a aussi de bonnes raisons de penser que la sensibilité après circoncision n'est pas la même que si l'on avait conservé son prépuce. (On dispose de témoignages d'hommes circoncis à l’âge adulte pour le dire.) Et, même si ça n'est pas aussi destructeur qu'une excision, c'est tout de même une mutilation. (Tout comme le serait de couper un bout de l’oreille ou du nez.) D'ailleurs, les auteurs le reconnaissent.
De toute manière, si l'on veut rester dans le domaine de l'éthique, on ne peut pas justifier la mutilation des femmes en prenant pour « norme » la mutilation des hommes. C’est à la fois sexiste (pour les femmes) et violent (pour les personnes des deux genres, car cela « normalise » la circoncision).
On peut aussi rappeler qu’aujourd’hui, les « reconstructions » chirurgicales imposées aux enfants intersexués au prétexte de les « normaliser » sont vivement remises en question un peu partout dans le monde (y compris aux Etats-Unis).
Il est par conséquent insensé de proposer des interventions chirurgicales sur les organes génitaux de fillettes en bonne santé simplement parce que la famille le demande !
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Q : Par ailleurs les auteurs proposent de légaliser ces excisions car elles seraient pratiquées en milieu hospitalier et n'auraient donc aucun effet néfaste physique ou psychologue à moyen terme. Qu'en pensez-vous?
Que, là encore, ils n'en savent rien. Pour l'affirmer ou le réfuter, il faudrait faire une étude, et l’éthique interdit de faire une étude sur le vécu et les conséquences d'une mutilation pratiquée par les médecins à la demande des parents !!!
Le désir (louable) de prévenir les complications mortelles (hémorragie, infection) des excisions clandestines ne justifie pas de banaliser des complications sensorielles et sexuelles en pratiquant des excisions "légales". Le rôle des médecins, c’est de soigner les individus, pas de les rendre « conformes » contre leur gré à quelque norme que ce soit.
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Rappel éthique :
Il n’appartient pas aux médecins de décréter à eux seuls ce qui est "moralement acceptable" ou non.
L'éthique biomédicale telle qu’on la conçoit aujourd’hui impose en particulier
- de respecter l'autonomie (la liberté) du patient
- d'abord de ne pas nuire.
Or, ces deux principes fondamentaux sont totalement bafoués dans le cas où un médecin pratique une mutilation sur un enfant !!! Pratiquer une intervention génitale mutilante sur des enfants à la demande des parents n’est pas dans l'intérêt de l'enfant et ce n'est certainement pas dans l'intérêt de l'adulte que l'enfant deviendra.
Excision et circoncision sont des pratiques de mutilation très anciennes ayant une signification rituelle. On peut débattre de leur signification symbolique, ce qui n'est pas mon propos, mais médicalement parlant, rien ne les justifie : elles n'améliorent pas la santé des personnes qui les ont subies, au contraire ; et même dans le cas de la circoncision, on est en droit de penser que pour certains d'entre eux, elles l'altèrent (même s'ils n'ont pas de possibilité de comparer "sans" et "avec" prépuce) car toute ablation d'une zone sensible est susceptible de laisser persister une douleur "fantôme" ou, au moins une modification locale de la sensibilité.
Réflexions autour de la pratique médicale dans le cadre de la loi :
Loi de moi l'idée qu'un médecin doit toujours forcément respecter la loi, car certaines lois sont liberticides ou opprimantes. Mais pour qu’un médecin puisse défendre une pratique illégale, il faut au moins que cette pratique apporte à l’individu une liberté fondamentale qui lui a été retirée ou qui lui est interdite par la loi. Un médecin ne peut pas défendre une pratique pour des raisons seulement idéologiques. Il faut que cette pratique soit bénéfique pour la santé des premiers intéressés.
Ainsi, je conçois qu’un médecin brave la loi pour pratiquer des avortements clandestins afin de permettre aux femmes de disposer librement de leur corps sans danger. Mais pratiquer une excision, c’est exactement le contraire !!! C’est attenter à la liberté des femmes avant même qu’elles aient l'âge d'avoir leur mot à dire !!!!
Bien que la circoncision soit légale dans certains pays, il n'appartient pas aux médecins de la pratiquer en dehors de circonstances médicales rares.
Il en va de même a fortiori pour l'excision qui, elle, est interdite dans la plupart des pays du monde. Les médecins ne sont pas des législateurs. S’ils veulent promouvoir une loi, qu’ils le fassent en citoyens, et non en effectuant des gestes discutables, au profit de tiers (les parents) et qui n’apportent rien aux personnes qui les subissent !!!
Pratiquer des excisions (ou des circoncisions) chirurgicales, dans le cadre d’un lieu voué à la santé, c’est se rendre activement complice de mutilations. L'enfant n'est pas l'objet de ses parents, et la loi délimite strictement les droits des parents à l'égard de leurs enfants. Il n'appartient certainement pas aux médecins de se faire l'allié des parents pour mutiler des enfants qui n'ont rien demandé, envers et contre la loi. Tout comme il serait inacceptable qu’un médecin avorte contre son gré une adolescente à la demande de ses parents ou stérilise sans son consentement une femme à la demande de son époux !
Il est certes très difficile d'interdire la circoncision, car les hommes circoncis sont peu nombreux à s'en plaindre (s'ils s'en plaignaient, les circoncisions "hygiénistes" prônées en Amérique au 20e siècle auraient rapidement disparu). Ca ne veut pas dire qu'il s'agit d'un geste "anodin" ou "banal". Les médecins n'ont donc pas, à mon sens, à pratiquer des circoncisions rituelles. Ce n'est pas leur rôle. De même, ils n'ont pas à pratiquer des excisions pour en "faciliter" (ou en "sécuriser") la coutume et la faire entrer dans les moeurs. Ce serait le pire service à rendre aux petites filles et aux futures femmes qui l'auront subi.
Une dernière réflexion, autour du respect culturel :
La lutte contre l'excision est l'un des combats les plus importants d'organismes internationaux comme l'UNICEF, qui dans un rapport récent indique que dans de nombreux pays, la population est opposée à ces pratiques, et que leur fréquence est en décrudescence dans de nombreux états.
Les auteurs de l'article du Journal of Medical Ethics avancent que des procédures "a minima" permettraient de trouver un compromis entre les valeurs des pays développés, où elles sont interdites, et les groupes ethniques qui considèrent les mutilations génitales comme faisant partie de leur culture.
Or, cette suggestion pèche gravement par son paternalisme (voir par son néo-colonialisme) : si les mutilations génitales disparaissent, ça ne sera pas parce que les Occidentaux prescrivent la "meilleure" manière de les faire disparaître (ou, en l'occurrence, de les amoindrir en faisant mine de les conserver) ; ce sera parce que les populations concernées ont trouvées, par elles-mêmes, des moyens de les faire disparaître qui soient compatibles avec leur propre vision du monde et leurs exigences culturelles et morales.
Tout récemment, la Gambie mettait l'excision hors-la-loi. D'après l'UNICEF, il faudra cependant de nombreuses années pour que cette pratique disparaisse des coutumes des populations qui la pratiquent.
En attendant, est-il vraiment cohérent de proposer que les pays où l'excision est interdite la fassent entrer dans leurs hôpitaux ?
A mon humble avis, non.
Marc Zaffran (M.D.)/Martin Winckler
circoncisions religieuses & droits de l'enfant :
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