A première vue, une relation patient-médecin de qualité semble fondée sur la confiance réciproque. Mais est-ce vraiment le cas ?
La relation n'a pas les mêmes fondements pour
le patient et pour le médecin, elle ne sous-tend pas les mêmes attentes et les
mêmes objectifs. Son asymétrie est manifeste : l’un a besoin des compétences professionnelles de l’autre ; l’inverse n’est pas vrai.
Une relation asymétrique peut-elle se construire sur une
confiance réciproque ?
Nous avons tous une idée de ce que peut être la confiance du patient envers le médecin.
Mais la confiance du médecin envers le
patient, qu'est-ce que ce c'est ?
Et d'ailleurs, faut-il que la confiance soit réciproque pour qu'une relation de soin s'installe et soit bénéfique pour celui qui souffre ?
En première approximation, toute relation de confiance entre
deux individus s'appuie sur un triptyque élémentaire : sincérité, respect et
loyauté. Voyons d'abord ce qu'il en est de la sincérité. Ou plutôt, de son absence.
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Du mensonge
"Tout le monde
ment."
David Shore, House MD.
Inutile de tourner autour du pot : la sincérité n'a rien de naturel, c'est une posture morale difficile à tenir. Car ce qui est naturel, en revanche, c'est le mensonge.
Comme le décrit très bien Robert L. Trivers dans le passionnant The Folly of Fools : The Logic of Deceit and Self-Deception in Human Life, tout être vivant cherche à tromper les organismes qui l'entourent. Le comportement de deception (que le terme français "tromperie" ne traduit pas de manière tout à fait satisfaisante) est délibéré mais souvent inconscient, engrammé dans nos gènes et consubstantiel à la vie. Travestir la réalité est nécessaire non seulement pour survivre à l'environnement et échapper aux prédateurs mais aussi pour séduire d'éventuels partenaires et se reproduire. Ceux de nos ancêtres qui se sont le mieux camouflés et ont été les plus persuasifs avec leurs partenaires potentiel.le.s ont survécu et nous ont transmis ces aptitudes. Les autres ont disparu.
Comme le décrit très bien Robert L. Trivers dans le passionnant The Folly of Fools : The Logic of Deceit and Self-Deception in Human Life, tout être vivant cherche à tromper les organismes qui l'entourent. Le comportement de deception (que le terme français "tromperie" ne traduit pas de manière tout à fait satisfaisante) est délibéré mais souvent inconscient, engrammé dans nos gènes et consubstantiel à la vie. Travestir la réalité est nécessaire non seulement pour survivre à l'environnement et échapper aux prédateurs mais aussi pour séduire d'éventuels partenaires et se reproduire. Ceux de nos ancêtres qui se sont le mieux camouflés et ont été les plus persuasifs avec leurs partenaires potentiel.le.s ont survécu et nous ont transmis ces aptitudes. Les autres ont disparu.
Pour mentir à quelqu'un, il faut savoir que ce quelqu'un
pense, imaginer ce qu'il pense et chercher à lui faire croire autre chose que
la réalité. Les
enfants se mettent à mentir tôt, en même temps qu'ils apprennent à parler et
acquièrent ce que les psychologues évolutionnistes nomment theory
of mind, c'est à dire la capacité d'imaginer ce que l'autre pense. L'apparition
du langage, de la theory of mind et du
mensonge entre deux et quatre ans fait partie du développement cognitif normal des
êtres humains. Une fois présents, à moins que le cerveau ne soit endommagé, ces
trois aptitudes participent en permanence aux processus de pensée de chacun de
nous - et guident nos comportements.
Et donc, tout le monde
ment ; pour se protéger (tout le monde a quelque chose à cacher ou à
préserver) ; pour séduire ou manipuler – un parent pour qu'il vous laisse
manger un bonbon ou vous offre un téléphone cellulaire dernier cri ; un.e possible partenaire sexuel.le ; une
relation susceptible de vous faire bénéficier de son influence…
Patients et médecins n'échappent pas à la règle.
***
Des mensonges du
patient
Le patient est censé donner au médecin qu'il consulte toutes
les informations pouvant avoir une incidence sur la compréhension et la
résolution de son cas. Taire ou travestir la réalité est évidemment risqué :
cela peut empêcher le médecin de faire correctement son travail et compromettre
les soins ; cela peut aussi exposer le patient à recevoir (d'un médecin ou de
plusieurs) des traitements incompatibles avec son état, ses occupations
professionnelles, les autres médicaments ou produits qu'il prend peut-être
secrètement.
Et pourtant, les patients mentent, et comment pourrait-il en
être autrement ?
Lorsqu'on va voir un médecin, on ne lui révèle pas d'emblée
qu'on a un amant ou une maîtresse, un enfant illégitime, un oncle schizophrène
ou des antécédents de vol à l'étalage. On ment par omission, pas toujours pour
tromper le praticien, mais au moins pour ne pas altérer l'image qu'on veut lui donner
; au plus pour obtenir de lui ce qu'on désire. Après tout, quand on va voir
quelqu'un en pensant qu'il s'agit d'une question de vie ou de mort, on a envie
d'être dans ses petits papiers.
Aux yeux d'un patient, un médecin n'est pas n'importe quel
interlocuteur : il dispose de prérogatives importantes (scientifiques,
administratives, légales) et d'un ascendant moral considérable. Dans les
sociétés développées, il occupe la place qu'occupaient le "shaman",
l'homme médecine, le sorcier, le prêtre-magicien, la pythie, l'oracle que
consultaient nos ancêtres il y a des millénaires. Il est l'intermédiaire entre
le visible et l'invisible ; il détient un savoir complexe et crucial ; il peut-être
agent du bien ou du mal ; il peut nous délivrer ou nous condamner. Il est juge
et exécutant. De quoi faire peur à n'importe qui.
***
On consulte un médecin pour qu'il nous soigne, mais
l'autorité morale dont il est auréolé nous impressionne. Il en découle, en toute
bonne logique, qu'un patient sera tenté de mentir à son médecin lorsqu'il a le
sentiment d'avoir fait quelque chose de répréhensible – trop fumé, trop mangé, automédiqué
ou pas pris les médicaments prescrits... Bref, il mentira parce qu'il pense
avoir "mal agi" et craint d'être jugé, condamné et puni,
symboliquement, au moins. C'est ce que font les personnes à qui on trouve une
infection sexuellement transmissible, quand elles jurent leur grand dieu qu'elles
n'ont pas pris de risque, que ça devait être sur le siège des toilettes et
est-ce qu'elles n'ont pas pu attraper ça il y a longtemps – dans une vie
antérieure qui n'a plus rien à voir avec celle qu'elles vivent aujourd'hui ?
La preuve qu'un patient se sent coupable, on l'entend dans les
formules de contrition qui précèdent parfois l'énoncé des symptômes :
"J'ai fait une bêtise" ou "Vous n'allez pas être content"
ou "C'est de ma faute".
***
Un patient peut mentir, bien sûr, pour convaincre le médecin
de lui donner ce qu'il veut – une radio de la hanche, des antibiotiques, un
arrêt de travail – ou pour s'assurer de
son soutien face à une administration, à un patron, à un conjoint. Le médecin,
après tout, est quelqu'un à qui on demande de prendre notre parti. Et pour convaincre quelqu'un d'adhérer à un parti...
***
Les patients mentent aussi parce que la relation de soin
n'est pas toujours hermétique : parfois, quand on parle au médecin, on n'est
pas sûr de ne parler qu'à lui. L'obligation de confidentialité est récente :
avant le traité de Nuremberg et l'avènement de la bioéthique, il était courant
que les médecins révèlent aux maris les secrets des épouses, aux parents ceux
des enfants – ou dénoncent des patients à la police. Aujourd'hui encore, en
France, les adolescentes ne peuvent pas toujours compter sur la discrétion – et
le soutien – des médecins et des pharmaciens de leur village ou de leur
quartier pour se faire délivrer une contraception sans que leurs parents soient
mis au courant.
***
Enfin, plus souvent qu'on ne l'imagine, les patients mentent
parce que la vérité est trop pénible à dire. Et parfois, le mensonge est si
gros qu'on peut se demander s'il n'est pas sciemment formulé pour choquer et
détourner l'attention. Je pense à cette femme qui m'avait un jour déclaré, d'un
air nonchalant, avoir décidé son IVG en avril parce qu'elle ne voulait pas être
enceinte de trois mois sur la plage en juillet. En m'entendant dire calmement,
sans froncer les sourcils, que j'avais du mal à la croire, elle avait fondu en
larmes : elle ne savait pas si elle était enceinte de son mari ou d'un amant de
passage. On ment aussi pour ne pas s'exposer à la/exposer sa honte.
***
Tout le monde ment, et tout patient est susceptible de
mentir pour se protéger. Faut-il en conclure que tous les patients ne font pas d'emblée,
et en toute circonstance, confiance à leur médecin ? J'en suis convaincu, et ça
ne me choque pas. Je trouve même cela très sain. Faire appel à un médecin,
c'est se dénuder physiquement et moralement devant un étranger aux pouvoirs
considérables et aux motivations parfois obscures. (Si tous les médecins
étaient mus par l'empathie, il n'y aurait pas eu de médecin nazi.)
Certes, tout patient attend et espère constater un jour que
l'étranger qu'il a choisi est digne de confiance – autrement dit, qu'il ne
profitera pas de sa vulnérabilité. Mais dans un premier temps, il n'est pas
scandaleux que certains patients s'avancent prudemment et, avant de faire pleinement
confiance à leur médecin, prennent le temps d'examiner son attitude, ses
réactions, ses mimiques, ses gestes ; apprécient, au fil des rencontres, la
mesure de sa patience, de sa bienvellance, de ses capacités d'écoute et
d'empathie ; en un mot, il n'est pas scandaleux qu'ils le testent.
******
Des mensonges du
médecin
Les médecins étant des êtres humains (même si certains
pensent qu'ils sont des demi-dieux), ils ont la même propension et les mêmes
motifs de mentir que les patients : se protéger, séduire, convaincre. Cependant,
les enjeux ne sont pas du même ordre.
Ce n'est pas la maladie qui fait la différence : un médecin
peut très bien soigner tout en souffrant d'une maladie chronique ; son
affection peut compromettre sa pratique professionnelle, elle peut le rendre
dépendant des médecins qui le soignent, mais elle ne le met pas à la merci des patients comme les
patients peuvent se sentir à la merci d'un médecin.
Les enjeux du mensonge sont différents parce que les deux
situations sont différentes : le patient est tenté de mentir au médecin pour restaurer ou préserver son autonomie ; tandis que le médecin, lui, est
tenté de mentir au patient pour préserver
ou accroître son statut.
***
Tout, dans le comportement du médecin, découle en effet de
son statut - celui qu'il s'attribue, celui qu'il voudrait avoir, celui qu'on lui
accorde – et de ce que les patients en devinent à travers sa participation à l'équipe médicale, la manière dont on lui parle, ce qui se dit de sa
rigueur professionnelle, de ses aptitudes à soigner, de sa réputation.
Un médecin a tout intérêt à apparaître savant et habile, qualités
qui viennent valider son statut : qui voudrait en effet se faire soigner par un
médecin maladroit et ignorant ? Tout médecin a intérêt à convaincre les
patients qu'il est plus savant et plus vertueux encore que son statut le laisse
entrevoir – et que ne le sont les autres médecins. Sinon, pourquoi le
choisiraient-ils lui ?
(Il est d'ailleurs très significatif que, pour la notoriété
d'un médecin, ses aptitudes techniques semblent compter plus que ses qualités
relationnelles. Comparez ces deux phrases : "Il est rude et pas du tout psychologue, mais il est très compétent."
et "Il est bien gentil, mais
il n'a pas l'air d'y connaître grand-chose." Dans l'esprit de beaucoup de patients, un bon
médecin est avant tout un bon opérateur, un bon diagnosticien, un bon
technicien. Ce n'est pas d'abord une
bonne personne, respectueuse et douée d'empathie. Or, ça devrait, il me semble.)
Pour acquérir un statut plus élevé, tout individu peut être
tenté de travestir la réalité, de faire une croix sur son intégrité, de se
compromettre. Les médecins n'échappent pas à la règle. Et le fait d'être
médecin est, en soi, un avantage important quand on veut monter dans l'échelle
sociale – ou accéder à une "niche" de personnes très favorisées. Ainsi,
il est relativement facile au médecin d'une petite communauté d'en devenir le
maire ; au spécialiste consulté par un acteur de devenir la coqueluche des
stars ; à un grand patron de service hospitalier de devenir conseiller d'un ministre
ou d'un capitaine d'industrie.
En quoi serait-il nécessaire de travestir la réalité pour
devenir maire de sa commune, me direz-vous ? Tout simplement en laissant entendre que
les obligations professionnelles du médecin n'interfèreront jamais avec le rôle
de l'élu. C'est manifestement faux. Quand un médecin est aussi l'élu de sa
commune, les conflits d'intérêts sont inéluctables : ils commencent dès que le
médecin siège au conseil municipal face à des élus qui sont aussi ses patients
: son ascendant en tant que médecin ne disparaît pas lors des débats
politiques. D'autres conflits d'intérêt apparaissent lorsque, par exemple, l'élu-médecin
doit voter l'implantation d'une usine susceptible d'avoir une influence sur l'environnement. L'élu peut vouloir favoriser la croissance de la
commune, le médecin peut avoir des raisons médicales d'être circonspect ou
franchement hostile. Qui l'emportera ?
Ces conflits d'intérêt sont déjà présents lorsque le médecin
évolue dans un cercle restreint. Ils sont encore plus problématiques lorsque le
médecin devient député ou ministre. La première réalité qu'un médecin doit
travestir, pour gravir l'échelle sociale, c'est l'inévitabilité des conflits
d'intérêt – et leur caractère insoluble.
***
Même lorsqu'un médecin ne cherche pas à modifier son statut,
les occasions de mentir ne manquent pas. Certains mensonges peuvent sembler
louables. Cacher l'existence d'une maladie mortelle ou très grave à un malade
"pour ne pas le désespérer" a fait partie, pendant longtemps, de la
panoplie morale des médecins français. Cela figurait même dans le code de
déontologie, qui autorisait les médecins à cacher la vérité "en conscience", laissant ainsi
entendre que celle des médecins est sans tache. Dans les années 70, certains
cancérologues recommandaient, à défaut de pouvoir cacher leur diagnostic à des patients qui venaient chaque jour en
chimiothérapie, de leur mentir sur les probabilités de guérison. Demi-mensonge,
disaient-ils.
Certains vont aujourd'hui jusqu'à dire que mentir à un
patient respectait le principe éthique de non-malfaisance ("D'abord, ne pas
nuire.") Pourquoi, en effet, lui faire plus de mal (en lui annonçant la
gravité de sa maladie) qu'il n'en subit déjà ? Beaucoup de médecins trouvaient
ainsi "légitime" (et généreux) de révéler à des parents que leur fils
adolescent allait mourir, ou à un conjoint que sa conjointe était condamnée.
Ils oubliaient, ce faisant, que leur mensonge assignait les malades et leurs
proches au silence, et leur interdisait de faire face à la maladie ensemble, ce qui est une des pires malfaisances qui soient.
Dans les pays où la réflexion éthique est très avancée, tout
le monde est d'accord pour dire que cette position est inacceptable : le
diagnostic n'appartient pas au médecin, mais au patient qui s'est confié à lui. Aucun individu, fût-il médecin, ne peut décider unilatéralement si un individu est,
ou non, apte à faire face à la vérité le concernant.
Même si la réalité est sombre, le respect de l'autonomie du
patient est, a priori, incompatible avec la confiscation de la vérité.
(L'éthique et les bonnes pratiques veulent, bien évidemment, qu'on ne balance pas la vérité comme une grenade dégoupillée, en prenant la fuite avant qu'elle n'explose ; mais ce sera le sujet d'un autre article.)
(L'éthique et les bonnes pratiques veulent, bien évidemment, qu'on ne balance pas la vérité comme une grenade dégoupillée, en prenant la fuite avant qu'elle n'explose ; mais ce sera le sujet d'un autre article.)
***
A bien y réfléchir, comment ne pas sursauter quand on entend un médecin dire : "Il vaut mieux lui cacher son état, pour son bien." En dehors de Tony Soprano, a-t-on jamais entendu un patient dire : "J'ai menti à mon médecin, mais c'était pour son bien ?" On ne ment pas pour protéger celui à qui on ment. On ment pour se protéger.
Or, les médecins ont de bonnes raisons de vouloir se
protéger psychologiquement et moralement, surtout lorsqu'ils se sentent dépassés par
ce que le psychiatre Michael Balint nommait leur "fonction apostolique" – leur conviction de devoir à tout prix faire du bien aux
patients en les persuadant, en particulier, de suivre leurs conseils, préceptes et prescriptions.
Aux yeux de tout médecin, le décès d'un patient est vécu au moins comme une manifestation d'impuissance, au pire comme un échec. Taire à un patient la réalité de sa maladie, c'est le moyen le plus simple d'échapper à des moments pénibles, d'éviter la remise en question de son apostolat, de ne pas le décevoir, de ne pas sombrer dans son estime. Bref, c'est une échappatoire. Très humain, direz-vous. Assurément. Et pour les médecins qui ne s'en sentent pas capables, il n'est pas scandaleux de confier l'annonce d'une mauvaise nouvelle à un professionnel plus expérimenté. Il n'est jamais justifié, en revanche, de faire passer son ego avant ses obligations professionnelles – et de nier la réalité. Tout médecin, tôt ou tard, doit prendre conscience qu'il ne sauvera pas tout le monde, qu'il n'empêchera pas tout le monde de mourir. Le plus souvent, d'ailleurs, les gens vivent ou meurent sans que les médecins y soient pour quelque chose. Croire le contraire est le fantasme d'une personne immature ; quand ce n'est pas le signe d'une mégalomanie galopante.
Aux yeux de tout médecin, le décès d'un patient est vécu au moins comme une manifestation d'impuissance, au pire comme un échec. Taire à un patient la réalité de sa maladie, c'est le moyen le plus simple d'échapper à des moments pénibles, d'éviter la remise en question de son apostolat, de ne pas le décevoir, de ne pas sombrer dans son estime. Bref, c'est une échappatoire. Très humain, direz-vous. Assurément. Et pour les médecins qui ne s'en sentent pas capables, il n'est pas scandaleux de confier l'annonce d'une mauvaise nouvelle à un professionnel plus expérimenté. Il n'est jamais justifié, en revanche, de faire passer son ego avant ses obligations professionnelles – et de nier la réalité. Tout médecin, tôt ou tard, doit prendre conscience qu'il ne sauvera pas tout le monde, qu'il n'empêchera pas tout le monde de mourir. Le plus souvent, d'ailleurs, les gens vivent ou meurent sans que les médecins y soient pour quelque chose. Croire le contraire est le fantasme d'une personne immature ; quand ce n'est pas le signe d'une mégalomanie galopante.
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Les médecins mentent aussi dans des circonstances plus
mesquines : lorsqu'ils présentent l'intervention qu'ils pratiquent personnellement comme la seule
possible, sans dire que d'autres options existent (ne serait-ce que
l'absention) ; lorsqu'ils déclarent qu'une procédure (la stérilisation, par
exemple) est illégale alors qu'elle est parfaitement encadrée par la loi ; lorsqu'ils
font participer les patients à des expérimentations sans leur consentement ;
lorsqu'ils utilisent des patientes endormies pour "enseigner" auxétudiants l'examen gynécologique ; lorsqu'ils prescrivent un médicament qui ne
leur a pas été réclamé. (Un témoignage tout récent : une patiente cesse sa contraception dans l'intention
d'être enceinte ; sa gynécologue lui prescrit – sans rien lui demander – un
stimulant de l'ovulation ; lorsque la patiente s'en rend compte, la gynécologue
répond : "Mais, vous vouliez une grossesse, non ?")
Ces mensonges-là n'ont rien de bienveillant ; ils sont sournois,
autoritaires, méprisants ; ils ne visent pas à protéger la sensibilité du médecin,
mais à imposer les valeurs du médecin et à cacher qu'il s'agit de fautes professionnelles.
***
S'il n'est pas surprenant qu'un patient mente à un médecin, il n'est pas incompréhensible qu'un médecin travestisse la réalité pour protéger le patient ou sa propre sensibilité : ces mensonges-là (irréfléchis, mal avisés, mais inhérents aux processus mêmes de pensée) sont des transgressions qui traduisent la difficulté de soigner et de voir souffrir, et les dilemmes que rencontrent tous les soignants. Ces mensonges-là ne sont pas souhaitables venant d'un professionnel, mais ils sont parfois inévitables. Certains praticiens arguent, de manière assez convaincante, que dans ces mêmes circonstances, l'usage du mensonge peut être conforme à l'éthique.
En revanche, lorsqu'un médecin ment avant tout pour servir ses
convictions ou ses intérêts personnels, il le fait toujours aux dépens de ses
obligations, contre l'intérêt des patients et en violation de l'éthique la plus élémentaire.
Il ne s'agit pas alors simplement une transgression, mais d'une
trahison pure et simple. Car pour que le patient accorde sa confiance au médecin, le médecin doit, en retour, l'assurer de sa loyauté.
C'est ce que nous aborderons dans le prochain article.
C'est ce que nous aborderons dans le prochain article.
(A suivre)
Prochain épisode : "De la loyauté et des manipulations entre médecins et
patients"
******
Post-Scriptum (2 mars 2015) :
Après avoir lu ce texte, une internaute m'écrit :
"Le problème c'est
quand le médecin est persuadé que le patient ment, non parce que tout le monde
ment mais à cause de ses préjugés sur la personne qu'il a en face de lui. Que
le médecin pense éventuellement qu'une personne mente c'est possible. Qu'il ne
cherche même pas à avoir de preuves de ce que la personne raconte avant de
considérer que cette personne ment, c'est grave. (…) Je ne reproche pas aux
médecins d'imaginer que les patients mentent. je leur reproche de refuser
l'idée même d'être surpris, de découvrir qu'ils se trompaient, quitte à refuser
des preuves quand on peut en fournir. Quitte aussi à refuser d'entendre les
voix des gens qu'ils refusent de comprendre, quitte à transformer leurs paroles
ou quitte à décider qu'ils savent mieux que ces gens ce ces gens ressentent. Ca
c'est très grave, parce que cette accusation de mensonge ne se met pas
seulement en travers du soin dans ces cas, mais c'est également une
silenciation et une deshumanisation inacceptables de la part d'un professionnel
de santé."
Je suis tout à fait d'accord avec cette internaute et j'aborderai la question du refus, par certains médecins, de croire les patients, dans un des articles de cette série.
MW
ce jour la j aurais mieux fais de croire en son mensonge ,mais j ai préféré faire le beau et lui montré que je n’étais pas dupe et qu elle me menait en bateau ,depuis elle va plus mal, a quitter son mari,ne vois plus de docteur(alors que je la traité pour une dépression)et n as plus confiance en eux ,dommage j espère faire mieux la prochaine fois
RépondreSupprimerexiste-t-il une liste des mauvais médecins, après des années de fidélité et des changements suite à un déménagement, je viens de faire de très mauvaises expériences (médecin agressif, très en retard, douleurs intentionnelles, documents à faire signer - quand j'ai demandé une copie, j'ai reçu un document différent).
RépondreSupprimerJ'avoue ne pas tellement voir comment il est possible de faire confiance à un médecin qui est un inconnu et dont le comportement n'est pas de ceux qui inspirent confiance,comme "l'humour" (entendre commentaires dénigrants) pratiqués par les médecins,notamment lorsque les patients sont endormis sous AG.
RépondreSupprimer