lundi 18 juin 2018

Un.e soignant.e devrait *toujours* croire une personne qui dit "J'ai mal" - par Marc Zaffran/Martin WInckler


"Une personne qui dit « J’ai mal » ne devrait jamais être soupçonnée de mentir ou d’exagérer. Les soignant.e.s devraient toujours la croire. 

Il y a de nombreux arguments pour l’affirmer solennellement :

- des raisons médicales : l’immense majorité des patients qui consultent un médecin le font en invoquant des symptômes invisibles au premier coup d’œil : douleur, fatigue, nausées, vomissements, constipation, amaigrissement vertiges, démangeaisons, angoisse, sensation d’oppression, bourdonnements d’oreilles, boule dans la gorge, etc. C’est en prenant en compte tous ces symptômes qu’on identifie les maladies qui les provoquent. Ne pas croire un.e patient.e qui dit "J'ai mal" est l’une des principales causes de mauvais traitement, d’erreurs de diagnostic et d’accidents thérapeutiques. C’est une faute professionnelle. "La douleur a raison contre le médecin." (R. Leriche, promoteur de l'anesthésie locale.) 

- des raisons statistiques : il y a infiniment plus de personnes qui souffrent et qui ne sont pas bien soulagées que de personnes à qui on donne des antidouleurs pour rien. Il vaut donc mieux prendre le risque de donner quelquefois des antidouleurs par excès de prudence plutôt que celui de laisser quelqu’un souffrir ; 

- des raisons éthiques et morales : pour un.e soignant.e, il est moralement inacceptable de ne pas croire ce que dit un.e patient.e. C’est, tout simplement, un manque de respect incompatible avec le soin. 
Car la confiance des soignant.e.s en ce que dit la personne est la réciproque obligatoire de la confiance que la personne porte aux soignant.e.s.  Une personne que les soignant.e.s. ne croient pas n’a aucune raison de croire les soignant.e.s. " 

(extrait de Tu comprendras ta douleur ! de Alain Gahagnon et Martin Winckler, à paraître chez Mazarine fin 2019)

2 commentaires:

  1. Bonjour
    J'ai été soignante (infirmière)....je suis à présent une patiente douloureuse. Hormis un rhumato, je n'ai jamais senti un doute, une incompréhension chez les médecins. Malheureusement compréhension ne signifie pas forcément soulagement, même en centre anti douleur...cordialement Armande

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  2. Bonjour,
    Moi aussi j'ai été infirmière et depuis que j'ai été opérée d'une dissection aortique par un chirurgien extraordinairement compétent, j'ai aussi rencontré des soignants (pas des médecins) qui n'avaient aucun respect pour ma parole. Ce qui est important lorsqu'on est malade, c'est justement la prise en compte de la parole du malade qui souffre. Pour un certain nombre de soignants, actuels, je remarque cette facilité à nier la souffrance exprimée du patient ce qui plonge ce dernier dans un désarroi profond , voir un sentiment de panique qui engendre une véritable détresse morale. Ce qui , évidemment, ne facilite pas l'amélioration de la douleur mais l'empire. Car où serait il possible pour une personne, qui soudain est plongée dans la souffrance physique ou psychologique, de pouvoir trouver de l'aide, sinon auprès de ceux qui ont choisi une profession où ils peuvent vivre leur aptitude à l'écoute bienveillante? Je connais ce choix. Je sais que parfois on est fatigué. Mais j'ai toujours réussi à trouvé ma force dans le soulagement que j'apportais.
    Aujourd'hui, en tant que malade souffrante, je suis souvent choquée par le comportement "léger", irrespectueux de certains soignants. Malheureusement, je dois constater que le phénomène devient général. Car en un mois, ayant dû subir deux interventions sous anesthésie générale, j'ai compris que l'on ne voulait pas m'écouter lorsque j'avertissais celui ou celle qui devait me poser la perfusion que je n'avais qu'une veine et une seule dans un seul bras et que l'on s'est acharné à vouloir "essayer" ailleurs, que l'on m'a faite souffrir pour rien, avant , finalement, me poser la perfusion là où je leur avait indiqué la veine qui pouvait supporter la pose de la perfusion. Bien sûr, ils ont réussi du premier coup. Voilà pourquoi je parle de généralisation car sur deux anesthésies j'ai rencontré le même problème avec des élèves ou étudiants obstinés et des Dr anesthésistes qui ont laissé faire avant d'intervenir face aux échecs des "apprentis". Si on avait tenu compte de ma parole, les dr anesthésistes auraient dû laisser les débutants "s'entraîner "sur des malades faciles à piquer.
    En salle de réveil, alors que j'étais encore dans l'impossibilité de m'exprimer mais que je revenais à la conscience, je me souviens, qu'une voix me demandait d'arrêter de gémir. Je me sentais mal, très mal , comme au bord de la syncope et incapable de contrôler ces gémissements qui n'étaient qu"un réflexe à un malaise. J'entendais aussi le personnel, parler très fort de leurs vacances, de grands éclats de rires, comme si on était en cours de récréation. Pendant ce temps, à mon oreille ça sonnait. De longues minutes se sont écoulées avant qu'un soignant vienne me mettre l'oxygène.
    Contrairement à Armande, je considère que même lorsque la douleur est là, la prise en compte de son expression verbalisée soulage par le simple fait qu'elle ne complique pas la souffrance qui s'amplifie lorsqu'elle est niée. Soignants, nous nous devons de soulager et non d'en rajouter.

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