vendredi 22 juillet 2016

Réflexions sur la "clause de conscience"



Pour le  @collectif_pharm

Ces derniers jours, les réseaux sociaux bruissaient de la tentative par certains membres de l’Ordre des pharmaciens, d’introduire une « clause de conscience » dans leur Code de déontologie. Ladite clause visait, en substance, à permettre à tout pharmacien de refuser de délivrer une pilule, une contraception d’urgence ou de la mifépristone (molécule utilisée pour les avortements médicamenteux).

Cette tentative montre à quel point certains pharmaciens aimeraient qu’on les prenne au sérieux, au même titre que les médecins, et qu’on leur laisse la possibilité (comme c’est malheureusement le cas pour les médecins) d’exposer – voire d’imposer – leurs valeurs ou leur idéologie individuelle aux patients qu’ils sont censés servir.

La tentative a… capoté, mais elle a le mérite de soulever tout plein de sujets de réflexion, et c’est de ça que je vais vous parler aujourd’hui.

Le pharmacien est-il un soignant ?

Pour commencer, une précision. Pour avoir exercé pendant vingt-cinq ans, à la campagne puis en consultation externe à l’hôpital, et avoir collaboré pendant plusieurs années à La Revue Prescrire avec un certain nombre de pharmaciens, je mesure l’importance d’une bonne relation entre les deux professions. Je pense que tout médecin qui s’installe devrait aller rendre visite au(x) pharmacien.ne.s du secteur (c’est ce que j’ai fait) pour faire connaissance et établir des bases de travail saines. Expliquer qu’on n’a pas d’égo, qu’on sait qu’on peut se tromper ou manquer d’expérience, et assurer au pharmacien qu’on ne sera pas vexé de recevoir un coup de fil pour discuter d’une ordonnance qui pose problème, c’est peu de chose, mais ça rend des services inestimables. Et ça permet d’établir une relation de respect et de confiance. Tout ça pour dire que je ne considère pas les pharmaciens comme « à part » dans le système de santé, mais aussi étroitement liés à la délivrance des soins que tous les soignants de terrain.

Cela étant posé, les  pharmaciens sont-ils, à proprement parler, des dispensateurs de soins primaires comme les médecins, les infirmier.e.s ou les sages-femmes ? Pas tout à fait, car ils ne font pas de geste de soin, mais ils délivrent des produits de santé (des médicaments, des instruments). Ils délivrent aussi – et ce n’est pas anecdotique – du conseil ; autrement dit des informations sanitaires aux patients et aux professionnels. Leur rôle est essentiel, puisqu’ils contribuent à rendre équitable l’accès aux informations et aux produits. C’est parce qu’il y a des pharmacie(n)s partout en France que tous les patients peuvent (en principe) être soignés de la même manière.

Soigner, c’est d’abord informer et expliquer. Même s’il ne s’agit pas d’un « acte » médical coté comme tel, le conseil délivré par le pharmacien ne diffère pas de celui que donnent le médecin, l'infirmier.e ou la sage-femme. De ce fait, c'est, à mon sens, un soin. C’est d'ailleurs évident pour de bon nombre de patients – sinon, ils ne lui demanderaient pas son avis. Ça devrait l’être aussi dans l’esprit des autres professionnels.

Si le conseil est un soin, alors le/la pharmacien.ne est un.e soignant.e.  Mais dans ce cas, les pharmaciens sont tenus aux mêmes obligations éthiques que tout autre soignant :
-       bienfaisance et non-malfaisance ;
-       respect de la confidentialité ;
-       non-discrimination (et donc, absence de jugement de valeur) ;
-       respect de l’autonomie du patient ;
-       équité et justice.

En tant que soignant, un pharmacien est-t-il en droit d’invoquer une clause de conscience ?

La « clause de conscience » que souhaitait l’Ordre des pharmaciens est une "possibilité de se démettre" similaire à celle dont disposent les médecins. Rappelons qu’en France, les clauses de conscience prévues par la loi concernent trois types d'actes : l’IVG, la stérilisation et la recherche sur les cellules embryonnaires. Invoquer la clause de conscience c’est pouvoir dire : « Je me refuse à faire l’un de ces trois actes médicaux » sans qu'on puisse vous le reprocher. Et, encore une fois, ce sont les seuls. 

Un médecin peut invoquer la clause de conscience pour refuser de prescrire de la mifépristone à une femme. Pour qu’un pharmacien puisse l’invoquer aussi, il faudrait considérer que la délivrance d’un médicament prescrit par quelqu’un d’autre est un soin effectué par le pharmacien - avec la responsabilité qui en découle

La responsabilité d'un pharmacien est entière concernant un médicament en vente libre (de l’aspirine, ou un anti-acide par exemple) puisque sa délivrance est accompagnée d’une information – d’un « conseil » - que personne d’autre n’est là pour donner au patient. 

En revanche, il ne viendrait à personne à l’idée d’affirmer qu'en délivrant à un patient de l’insuline ou un traitement antibiotique, le pharmacien traite son diabète ou sa pneumonie.

De même, non seulement le pharmacien ne prescrit pas de mifépristone mais de plus ce n’est pas lui qui assure le suivi des femmes qui l’utilisent. Il n’est pas professionnellement responsable des conséquences de son utilisation. Ou alors, il est également responsable des effets néfastes de tous les médicaments qu'il délivre : un pharmacien délivre parfois des médicaments potentiellement tératogènes comme l’acide trétinoïque (antiacnéique) ou le Di-Hydan (un antiépileptique). S'il est responsable de l'utilisation de ces médicaments au même titre que le médecin, alors la naissance d'un embryon malformé peut lui être reprochée, ou encore l'insuffisance rénale d'un patient à qui il a délivré de la gentamicine (un antibiotique). 

Puisque le pharmacien n'est pas responsable professionnellement de la délivrance de la mifépristone (ou de tout autre médicament prescrit), la question devient : « Un soignant peut-il se considérer comme moralement impliqué par un acte qu'il n'effectue pas ? » 

Dans le cas de l’IVG, la réponse est non ; et on peut l’affirmer en rappelant des situations similaires parmi les médecins : la clause de conscience n’est pas opposable par un interne de gynécologie ou un radiologue à qui une femme demande une échographie pour dater sa grossesse, car ce serait une discrimination : le médecin n’a pas à juger de ce que la patiente fera de son échographie. De même, je n’ai jamais entendu dire qu’un médecin biologiste ait invoqué la clause de conscience pour refuser de rendre un test de grossesse au prétexte que la femme pourrait décider d’avorter ; ou encore qu’un anatomo-pathologiste ait refusé d’analyser un prélèvement d’amniocentèse au prétexte que la découverte d’une anomalie puisse conduire à une interruption thérapeutique de grossesse… Ils sont médecins l’un et l’autre mais ce n’est pas à eux qu’on demande une IVG. Ils ne sont impliqués ni dans la décision ni dans l'accomplissement. Ils n’ont pas à "se démettre", puisqu'ils ne sont pas impliqués. Pareil pour le pharmacien. 

Deux remarques supplémentaires : quand un médecin refuse de pratiquer une IVG, il n’en a pas moins l’obligation d’adresser la femme qui la demande à quelqu’un qui la fera (c’est dit dans la loi). En toute bonne logique, si un pharmacien pouvait refuser de délivrer de la mifépristone, il serait tenu d’indiquer aux patientes dans quelles pharmacies on leur en délivrerait.

Par ailleurs, de même qu’un médecin n’a pas le droit de « faire la morale » à une femme qui demande une IVG, le pharmacien ne l’aurait pas non plus. C’est contraire à l’éthique du soin. Et puisque le pharmacien est un soignant, il est tenu aux obligations éthiques de tout soignant.  

Et la contraception, alors ?

Le projet de l’Ordre des pharmaciens visait à inclure la possibilité de refuser la délivrance d’une contraception d’urgence ou d’une pilule. Or, aucune clause de conscience ne permet aux médecins de refuser une contraception (quand ils la refusent, c’est un abus de pouvoir). On ne voit donc pas comment pareille clause pourrait être accordée aux pharmaciens. 

Quand on pousse la logique jusqu’au bout, ce projet de « clause de conscience » n’était pas seulement indéfendable sur le plan moral mais aussi impraticable : si un pharmacien est opposé à toute forme de contraception, alors il doit aussi refuser de vendre des préservatifs (qui servent aussi à ça), des diaphragmes, de la crème spermicide, des tests de grossesse (qui servent aussi aux femmes qui désirent avorter), des appareillages (fort coûteux) destinés à calculer la période infertile du cycle, etc. Dans les faits, cela équivaudrait à permettre au pharmacien de choisir quels services il délivre, et à qui. En dehors même de l'illégalité, ce n’est commercialement tenable que parce que cette délivrance est probablement minoritaire dans le chiffre d'affaires d'une pharmacie. Cela s’appelle alors un abus de pouvoir.

De plus, refuser de délivrer une contraception autorisée par la loi (par exemple la « pilule du lendemain » à une mineure), est une discrimination, laquelle est interdite par la loi. En effet, si l’unique pharmacien d’une commune refuse de délivrer des contraceptifs, il instaure une inégalité de fait entre les femmes qui pourront aller se fournir dans la pharmacie d'une autre commune, et celles qui n’en ont pas la possibilité. Quand les communes sont très éloignées les unes des autres, ça équivaut à laisser les femmes sans contraception. 

(NB : La femme à qui on refuse la délivrance de mifépristone ou d'un contraceptif est en droit d’aller porter plainte au commissariat ou en écrivant directement au procureur. C’est simple, c’est gratuit, et il ne faut pas s’en priver, puisque le pharmacien est dans l’illégalité.)

« D’abord, ne pas nuire. »

N’étant pas médecins, les pharmaciens ne peuvent guère invoquer le serment d’Hippocrate pour refuser de participer à une IVG médicamenteuse. J’ai déjà commenté longuement ledit serment et ses ambiguïtés au sujet de l'avortement dans un autre texte de ce blog, je n’y reviens donc pas. Mais la remarque d’une juriste impliquée dans la démarche de l’Ordre des pharmaciens a attiré mon attention. Pour la justifier, elle évoquait (rapidement) le principe hippocratique élémentaire qui dit : « D’abord, ne pas nuire. » C’est un principe tout à fait fondamental, mais que signifie-t-il exactement ?
« La plus ancienne trace de ce principe se trouve dans le Traité des Épidémies (I, 5) d'Hippocrate, daté de 410 av. J.-C. environ, qui définit ainsi le but de la médecine : « Face aux maladies, avoir deux choses à l'esprit : faire du bien, ou au moins ne pas faire de mal » (« σκέειν, περτνουσήματα, δύο, ὠφελέειν, ἢ μβλάπτειν »). Le principe de non malfaisance dérive de cette sentence. Une autre façon de l'exprimer est que face à un problème particulier, il peut être préférable de ne pas faire quelque chose ou même de ne rien faire du tout que de risquer de faire plus de mal que de bien. » (Wikipédia)

Le « D’abord ne pas nuire » des Grecs n’avait pas les mêmes fondements philosophiques et moraux que celui de la  bioéthique moderne. En effet, dans l'Antiquité, il appartenait au seul médecin d’apprécier ce qui était « bon » ou « mauvais » pour le patient, auquel il n’était pas censé demander son avis. Aujourd’hui, les principes de bioéthique (et le Code de déontologie des médecins, soit dit en passant) stipulent que tout geste de soin doit être décrit, expliqué et soumis à l’accord du patient. C’est à lui de décider de sa vie et de ses soins, pas aux professionnels. Et la loi est là pour énoncer les soins qu'un patient peut ou non obtenir… et les obligations qui incombent aux professionnels !

Pour un pharmacien, « D’abord, ne pas nuire » est un principe valide lorsqu’il sous-entend : «  s’abstenir de conseiller un médicament s’il n’est pas avéré que la situation en nécessite un » ou encore « ne pas délivrer un médicament si l’on sait que sa prise sera dangereuse alors que le patient ou le médecin, eux, ne le savent pas ». C’est ce qui se passait, par exemple, quand le pharmacien de mon secteur m’appelait pour me dire : « Vous avez prescrit telle molécule à Madame X, mais elle prend aussi telle autre molécule incompatible, prescrite par un autre médecin. Est-ce que vous êtes d’accord si je lui délivre telle autre molécule à la place ? » Les pharmaciens avec qui je travaillais expliquaient tout ça précisément au patient avant et après m’avoir m’appelé. C'était du soin et de la bonne pratique, coopérative et respectueuse.

Mais le même « D’abord ne pas nuire » ne peut pas être opposé à une patiente qui prend en toute légalité et en connaissance de cause un traitement auquel elle a consenti – en l’occurrence, une pilule contraceptive ou de la mifépristone. En le prenant, elle ne court pas de « risque de se faire du mal » puisqu’elle le fait sciemment pour éviter une situation (la grossesse) qu’elle a librement définie comme non souhaitable pour elle. Cette femme n’est ni « incapable », ni « ignorante », ni « inconsciente » et encore moins « en danger » (physique ou moral). Or, c’est ce que suggèrent les pharmaciens en refusant de les servir : il ne s’agit donc pas pour eux ici de "refuser d'effectuer un acte médical" (puisqu’ils n’en font aucun), mais tout bonnement d'empêcher les femmes d'accéder à un soin auquel elles ont droit.

On a moralement le droit d’être opposé à l’IVG ou à la contraception pour soi-même ; aucune éthique professionnelle n’autorise, en France, à empêcher les autres d’y avoir recours.

Refuser de délivrer une pilule ou de la mifépristone n’est pas une « clause de conscience » ; c’est tout simplement une manière d’entraver la liberté d’autrui. Et c’est tout à fait nuisible. Du moins, quand on respecte les gens qu’on est censé soigner.

(Bien entendu, tout ce que je dis ici serait valable de la même manière pour la fin de vie, si l'assistance médicale à mourir était légalisée. Le pharmacien ne serait pas du tout en droit d'invoquer la clause de conscience pour refuser de délivrer des médicaments destinés à une assistance médicale à mourir, puisque... Non, je vous la refais pas une deuxième fois.) 

Si les pharmaciens veulent être considérés comme des soignants, il leur incombe de se comporter comme tels. Professionnellement et moralement. Heureusement pour les citoyens français, la plupart des pharmaciens sont très attachés à la liberté des patients. Il est souhaitable que la minorité d’entre eux qui voudrait s’y opposer n’ait pas le dernier mot.


Marc Zaffran/Martin Winckler

9 commentaires:

  1. Bonjour M.Zaffran et Winckler
    Je tiens d'abord à vous remerciez d'accorder de l'attention aux pharmaciens. Je voulais vous dire que le projet de clause visait l'atteinte à la vie humaine, or la délivrance de contraceptifs oraux classiques et d'urgence type norlevo et ellaone ne
    concerne pas la vie humaine car il n'y a pas encore eu fécondation (je ne vous apprend rien).
    D'autre part, ce projet de clause concerne l'ensemble des filières pharmaceutiques et s'impose à tous les pharmaciens. Par exemple, en industrie, il permettrait de retirer ou ne pas libérer des lots de médicaments. Je vous remercie de ne pas juger de la pratique d'une profession que vous n'avez pas exercer. Cette clause ne protège pas les refus de contraception car nous avons eu l'expérience d'un pharmacien sanctionné par l'ordre et par la juridiction européenne. En aucun cas, l'ordre ne remet en cause l’accès à la contraception. Sachez que les pharmaciens en France délivrent gratuitement norlevo, ellaone et préservatifs aux mineures, et renouvellent aussi la contraception orale de façon ponctuelle remboursée. Merci de prendre en considération le fait que dans 60% des pays européens les pharmaciens possèdent cette clause. Merci de prendre en considération le fait que nous ne sommes pas des pousseurs de boite mais des esprits scientifiques capables de juger de maltraitances ou autres. Merci de ne pas vous laissez entraîner par un collectif dont la moitié n'exerce pas.

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    1. Merci de votre commentaire. Il me semble que la clause parlait bien de contraception. Mais si l'on en reste à la mifépristone, mon objection reste la même. Il n'appartient à personne (ni à un pharmacien, ni à un médecin) de définir si la "vie humaine" d'un embryon justifie d'aliéner la vie humaine d'une femme. La loi dit que non. La bioéthique contemporaine le dit également, dans la plupart des pays où on s'en préoccupe. Même si cela vous est inconfortable, la majorité des éthiciens aujourd'hui considèrent que l'existence d'un embryon ou d'un foetus est l'affaire de la femme qui le porte. Point final. Toute autre vision fait de cette femme un objet au lieu de la laisser être un sujet. De ce fait, personne n'a à juger de la légitimité de cette femme à garder sa grossesse ou non. De même, personne n'a à l'empêcher de faire ce qu'elle veut. Et par conséquent, personne n'a le droit de faire pression sur elle - fût-ce en lui refusant l'accès à un médicament dont l'usage est légal en France. C'est cela, le fond du débat, et non les qualités des pharmaciens en tant que professionnels. Quant au fait que la contraception d'urgence n'attente pas à la vie, nous sommes d'accord, mais plus d'un pharmacien et plus d'un médecin en sont encore à affirmer qu'un DIU au cuivre est un dispositif abortif. Alors, encore une fois, la question n'est pas là. Peu importe les débats scientifiques. C'est une question de liberté. La liberté est toujours inconfortable. Mais l'asservissement des individus à des idéologies l'est encore plus.

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  2. Merci pour cet article très intéressant, j'aimerai si possible que vous explicitiez certains points.
    D'abord, concernant la clause de conscience des pharmaciens,je ne comprend pas pourquoi l'Ordre des pharmaciens souhaitait permettre un refus de vente des contraceptifs prescrit sur ordonnance d'un médecin, cette possibilité de refus serait totalement inapplicable en raison de la jurisprudence parfaitement claire sur le sujet, sans compter la pénalisation économique liée à la dégradation de l'image de la pharmacie.
    Un autre point m'intrigue, vous écrivez au sujet du pharmacien "Il n’est pas professionnellement responsable des conséquences de son utilisation" je pense que votre phrase n'est pas tout a fait juste dans la mesure ou c'est parfois le conseil du pharmacien (ou son absence) qui vont conditionner l'efficacité du traitement, par exemple en expliquant comment utiliser un spray de ventoline ou la manipulation d'un stylo d'adrénaline en cas d'allergie, ou plus simplement la prise au cours ou hors d'un repas d'un médicament pour améliorer la tolérance et donc l'observance.

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    1. Je ne connais pas le fond de la réflexion de l'Ordre des pharmaciens, mon texte partait d'une réflexion plus générale - et j'ai souligné le caractère impraticable d'une clause de conscience à l'égard des contraceptifs. Le fait est que, dans la réalité, certains pharmaciens font de l'obstruction - à la délivrance des contraceptifs, à la délivrance de la mifépristone. Ils le font pour des raisons idéologiques qui sont propres à chacun.e. L'idéologie de chacun est respectable. Ce qui ne l'est pas, c'est d'imposer son idéologie aux autres. Malheureusement, je pense que (comme le monde médical), le monde pharmaceutique n'est pas encore tout à fait libéré de valeurs archaïques. Ce qui explique cette tentative de "clause de conscience". Pour la deuxième remarque, vous avez tout à fait raison. Ma démonstration était simplifiée, et je vais préciser : le pharmacien est responsable de son conseil (comment prendre le médicament ou utiliser un dispositif). Il n'est pas responsable d'un accident lié à une mauvaise prescription (un médicament inapproprié et toxique pour la personne à qui on l'a prescrit). C'est en cela qu'il ne peut pas être *professionnellement* responsable de l'utilisation de la mifépristone, qui n'est prescrite que dans une seule indication - par un médecin qui doit donner toutes les infos à la patiente. D'où la question suivante : "Si l'on n'est pas responsable professionnellement, peut-on considérer qu'on l'est moralement ?" - au point d'invoquer une "clause de conscience" ? Je pense que non et j'ai expliqué pourquoi. Mais ça n'est que ma perception, et ça mérite débat. Toutes les opinions sont donc les bienvenues. Merci de la vôtre.

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    2. Dans le cas d'une ordonnance mal rédigée , erreur de posologie, interactions médicamenteuses, contre-indications, hors AMM, ...la responsabilité du pharmacien est retenue avec celle du prescripteur qui a commis la faute. Le pharmacien aura manquer à son obligation de contrôle.

      Exemple : le médecin prescrit 2 médicaments sans sans signaler au patient sur l’ordonnance quant à la nécessité de ne pas les absorber en même temps. Le pharmacien, ne le signale pas non plus. Il est retenu solidairement responsable. (CA de ROUEN 15.07.1993 : responsabilité pour moitié chacun)

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    3. Merci pour cette précision. Dans tous les cas, il s'agit d'une prescription fautive. Il ne s'agit pas de cela dans le projet de l'Ordre, mais de refuser une prescription qui n'est fautive de rien... sinon de choquer les conceptions idéologiques du pharmacien.

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  3. Avec une clause pareille, quid du misoprostol ? Après tout il constitue la suite logique de l'acte abortif, doit-il aussi pouvoir être refusé ? Le misoprostol est prescrit hors AMM pour les interruptions de grossesse, le pharmacien aura-t-il le droit d'interroger sa cliente pour savoir s'il doit exercer son droit de retrait ?
    D'ailleurs, est-ce qu'une clause de conscience ne s'accompagne pas forcément d'un certain droit à l'enquête de la part du pharmacien ? Après tout, il y a des nuances dans la conscience de chacun, et un pharmacien pourrait envisager que l'avortement est acceptable dans telle situation mais pas dans une autre. Alors quoi, il faudrait se justifier, plaider sa cause d'abord auprès du médecin puis du pharmacien ? Monter son dossier, trouver des arguments, mentir sans doute ? Les informations s'échangeraient, "tel pharmacien sera ok si tu sous-entends un viol, mais vas-y en pantalon sinon il sera dubitatif".
    Finalement c'est toujours pareil, les femmes doivent se justifier de leur choix, et particulièrement de leur vie sexuelle et reproductive. Je suis réellement scandalisée par ce projet et je ne comprends pas qu'il puisse être pris au sérieux dans notre société actuelle.

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    1. Vous mettez précisément le doigt sur ce qui n'est pas acceptable : accepter l'idée qu'un professionnel de santé puisse juger de la "légitimité" d'une décision prise par un.e patient.e est contraire à la loi (qui stipule précisément que c'est au patient de décider, pas aux professionnels de santé) et à l'éthique biomédicale, qui pose l'autonomie (la liberté) des patients comme un principe fondamental auquel les valeurs des professionnels ne peuvent pas se substituer.

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  4. Bonjour,concernant le Misoprostol comme Lydie le souligne les prescriptions de cytotec (misoprostol) faite par des médecins et à délivrer par une pharmacie de ville sont hors Autorisation de Mise sur le Marché (AMM). Étant donné l'existance d'un médicament avec AMM que le médecin peut commander pour le cabinet (commande à usage professionnel) le pharmacien doit en théorie refuser de délivrer ce médicament.
    Actuellement, on se retrouve suite à ces prescriptions, dans une situation ou le déroulement de la procédure d'une interuption de grossese se fait au bon vouloir du pharmacien qui si il respecte la loi doit refuser de dispenser le misoprostol à la patiente (existance d'une alternative avec AMM, abscence de mention hors AMM sur l'ordonnance)
    Le pharmacien, si il accepte de délivrer est rendu entierement responsable d'un acte sans avoir les moyens de vérifier si la prescription est justifiée (respect des délais legaux, médecin ayant passé une convention avec un établissement de santé habilité pour le suivi), par ailleurs pour un pharmacien salarié délivrer dans cet conditions peut être retenu par son employeur comme une faute professionelle.
    Il serait souhaitable pour la suite que les médecins respectent les procédures en prescrivant le médicament adapté ou que l'on change les règles de dispensation concernant le Misoprostol hors AMMpour permettre au pharmacien d'aider les femmes dans leur procédure d'avortement sans qu'ils aient à enfreindre la loi.

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