Le texte qui suit, initialement mis en ligne en 2014, est en quelque sorte l'un des textes préparatoires au livre publié en 2016 chez Flammarion, Les brutes en blanc - La maltraitance médicale en France.
Je remercie toutes les personnes qui m'ont adressé commentaires, messages et témoignages ; elles m'ont incité et encouragé à écrire ce livre.
Je remercie toutes les personnes qui m'ont adressé commentaires, messages et témoignages ; elles m'ont incité et encouragé à écrire ce livre.
(Si le concept de maltraitance médicale vous est étranger, vous pourrez lire ici une suite d'articles sur le sujet.)
1° Réponse courte : parce qu'ils sont (dé)formés comme ça et que tous ne se révoltent pas contre cette (dé)formation. (Oui, il y en a qui se révoltent et qui se comportent de manière correcte avec les patientes. Beaucoup. Mais ces gynécologues-là n'ont pas la parole. Et, surtout, ils sont rarement responsables de la formation au plus haut niveau. S'ils l'étaient, la maltraitance gynécologique ne serait pas aussi fréquente, et son existence aussi souvent niée par les professionnel•le•s.)
2° Réponse longue :
Transgression et trahison
Qu'elle soit physique ou verbale, toute maltraitance
de la part d'un médecin est intolérable. Car il ne s'agit pas d'une maltraitance "tout
venant" (intolérable elle aussi) mais de celle qu'exerce une
personne de confiance et d'autorité. C'est une transgression et un abus de pouvoir (de sa part) et une trahison (envers le patient et la confiance que celui-ci lui accorde).
Le contrat implicite que passe tout.e patient.e qui consulte
un médecin consiste à lui accorder sa confiance (et à se "mettre à
nu", au propre et au figuré) dans l'attente d'être au minimum écouté.e, rassuré.e, informé.e et soulagé.e. On ne va pas consulter un médecin pour être insulté.e ou rabroué.e. C'est pourtant ce qui se produit,
très souvent, en France.
(Oui, ça se produit aussi ailleurs, mais ça ne justifie et n'atténue en rien ce qui se passe en France et ça ne justifie pas non plus qu'on ne le dénonce pas. Et non, encore une fois ce texte ne vise pas TOUS les gynécologues-obstétriciens individuellement ; il parle d'une corporation, de son idéologie, de ceux de ses membres qui ne respectent pas l'éthique du soin, et qui compromettent, du coup, le travail de ceux qui sont respectueux de cette éthique. Si vous pensez que critiquer le fonctionnement d'une institution est une insulte à tous ceux qui en font partie, je vous invite à ne pas lire la suite de ce texte. Il va vous mettre en colère, et il est inutile que vous perdiez votre temps ici.)
(Oui, ça se produit aussi ailleurs, mais ça ne justifie et n'atténue en rien ce qui se passe en France et ça ne justifie pas non plus qu'on ne le dénonce pas. Et non, encore une fois ce texte ne vise pas TOUS les gynécologues-obstétriciens individuellement ; il parle d'une corporation, de son idéologie, de ceux de ses membres qui ne respectent pas l'éthique du soin, et qui compromettent, du coup, le travail de ceux qui sont respectueux de cette éthique. Si vous pensez que critiquer le fonctionnement d'une institution est une insulte à tous ceux qui en font partie, je vous invite à ne pas lire la suite de ce texte. Il va vous mettre en colère, et il est inutile que vous perdiez votre temps ici.)
En 2014 le hashtag #PayeTonUterus a explosé dans la
twittosphère francophone. Ce hashtag invitait toutes les personnes qui
en avaient été victimes à dénoncer et exprimer leur rejet des comportements et
commentaires blessants, méprisants, humiliants subis au cours de consultations
gynécologiques.
Les atteintes en question portent aussi bien sur l'aspect physique que sur l'expression des sentiments des patientes ; sur leurs modes de vie ; sur leurs questionnements et leurs hésitations ; sur leurs choix et leurs refus ; sur leur genre psychologique ou anatomique ; sur leurs préférences sexuelles ; sur leur désir d'avoir ou de ne pas avoir d'enfant, etc.
Les atteintes en question portent aussi bien sur l'aspect physique que sur l'expression des sentiments des patientes ; sur leurs modes de vie ; sur leurs questionnements et leurs hésitations ; sur leurs choix et leurs refus ; sur leur genre psychologique ou anatomique ; sur leurs préférences sexuelles ; sur leur désir d'avoir ou de ne pas avoir d'enfant, etc.
La maltraitance physique et verbale en gynécologie est ouvertement
alimentée par les préjugés (de sexe, de genre, d'orientation, de classe) et
elle découle du concept même de spécialité
médicale. Car une spécialité, c'est un champ de savoir délimité de manière
arbitraire. A l'intérieur de ce champ de savoir, les pratiques devraient être
guidées en permanence par une préoccupation première : soigner.
En réalité, comme tous les champs de savoir, la gynécologie et sa "sœur", l'obstétrique, font l'objet de pratiques fortement imprégnées d'idéologie. En France, cette idéologie est profondément sexiste.
En réalité, comme tous les champs de savoir, la gynécologie et sa "sœur", l'obstétrique, font l'objet de pratiques fortement imprégnées d'idéologie. En France, cette idéologie est profondément sexiste.
Spécialité entièrement centrée sur (on pourrait même dire
obsédée par) les organes sexuels féminins et leur "fonction reproductrice",
la gynécologie ne considère pas, dans les faits, les patientes comme des
individus, mais comme des porteuses de seins, d'ovaires, d'utérus et de vagin - et,
potentiellement, d'enfants. De ce fait, toute personne qui se présente à une
consultation de gynécologie est jaugée - et jugée - à l'aune d'une norme générale
qui voudrait que toute femme ait une apparence, un comportement (sexuel) et des
aspirations (maternelles) correspondant à ce qu'on inculque dans les facultés
de médecine. Les femmes qui ne correspondent pas à ces critères sont, au
minimum, maltraitées verbalement et psychologiquement. Au pire, elles le sont
physiquement. Font partie des victimes : les femmes lesbiennes ; les personnes
intersexuées ; les personnes transgenre (HàF et FàH) ; les femmes de tous
âge demandant une contraception "non agréée" par le praticien ou,
pire, une stérilisation tubaire ; celles qui manifestent un désir de grossesse
alors qu'elles sont "trop jeunes" ou "trop âgées" au goût
du médecin ; celles qui n'ont pas encore d'enfant à trente-cinq ans ; celles
qui n'en veulent pas du tout ; celles qui ont plusieurs partenaires sexuels ;
celles qui n'en ont pas du tout… La liste est loin d'être exhaustive.
Il est à peine exagéré d'affirmer que pour un très/trop grand
nombre de gynécologues-obstétriciens (mais aussi, il faut le souligner, pour
bon nombre de généralistes, de sages-femmes et d'autres praticiens spécialisés,
car la plupart ont été formés par des GO…), la femme française "normale"
est hétérosexuelle, de poids ni trop élevé ni trop bas, avec une poitrine ni
trop forte ni trop petite, sans acné ni pilosité excessive ; elle a fait sa
puberté entre 11 et 13 ans, a un cycle menstruel compris entre 25 et 30 jours (plus
c'est proche de 28, mieux c'est), débute sa première grossesse avant 25 ans, a deux
ou trois enfants avant d'avoir atteint la quarantaine et débute sa ménopause
autour de 50 ans. Elle prend la pilule sans jamais l'oublier ; ne se plaint
d'aucun effet secondaire ; se plie une consultation annuelle comprenant obligatoirement
examen des seins, examen au spéculum, frottis de dépistage (dès le premier
rapport sexuel, bien sûr !), toucher vaginal et échographie, et comprend qu'il
s'agit là d'une condition absolue
pour se faire prescrire une contraception ; se plie à une mammographie de
dépistage à partir de quarante ans (même s'il n'y a pas d'antécédent familial)
; ne demande pas d'IVG (elle n'oublie jamais sa pilule, vous vous souvenez ?) ;
accouche à l'hôpital ou en clinique aux dates prescrites par le praticien ;
allaite ou n'allaite pas son enfant conformément aux instructions dudit
praticien (ou du collègue pédiatre qui exerce au même étage/dans le même
cabinet de groupe). Et surtout, surtout, elle ne lit pas d'inepties sur
l'internet et ne pose pas de questions qui font perdre du temps. Et, comme
toutes les questions en font perdre, mieux vaut qu'elle n'en pose pas du
tout.
Manque de pot pour les tenants de cette vision robotisée des
femmes, il
n'y pas de "normes" en matière de vie humaine, pas plus qu'en
biologie, d'ailleurs. Il n'y a que des variantes, des imprévus, des accidents. Et
des personnes, dotées d'un corps, d'une personnalité et d'une histoire qui ne
sont pas identiques à ceux d'un.e autre.
Un enseignement
formaté
Quand on a, pendant quarante ans, mis régulièrement le nez
dans les cours et les livres français de gynécologie-obstétrique, on est en
droit de déclarer que l'enseignement de cette spécialité est très formaté.
(C'est aussi le cas des autres, malheureusement.)
Ledit formatage porte, en particulier, sur trois aspects
très précis :
1° Un corps féminin
"standardisé" selon des critères arbitraires
L'enseignement de la médecine en général fait peu de place à
ce qui est physiologique (ce qui
relève de l'habituel, du quotidien, du non-problématique) et aux variantes innombrables
de la "normalité", mais se concentre sur ce qui "pose problème"
aux yeux des médecins. C'est encore
plus caricatural en gynécologie-obstétrique.
Commençons par l'aspect physique. La publicité, les
magazines, le cinéma et la télévision diffusent massivement des images et des
représentations trafiquées d'un "idéal féminin" fantasmatique. (Lire
à ce sujet l'excellent Beauté Fatale de
Mona Chollet.) Mais au moins, à l'ère de l'internet, il est possible de lire et
d'entendre des discours critiques à leur sujet. En revanche, lorsqu'une femme
consulte son ou sa gynécologue, elle se retrouve – littéralement – nue devant
une personne d'autorité, réputée faire la différence entre ce qui est
"sain" (compatible avec une bonne santé) et ce qui ne l'est pas, et de
qui elle est en droit d'attendre un discours nuancé, qui l'aide à faire la part
des choses. Mais l'enseignement de la GO n'a rien de nuancé.
Prenez le "critère numéro un" de bonne santé
féminine – j'ai nommé : le cycle menstruel. Saviez-vous que sa durée
"idéale" de vingt-huit jours est entièrement arbitraire, et a été
fixée par les médecins, sans argument scientifique, au début du siècle dernier ? Les enquêtes de grande envergure menées depuis les années
cinquante (dans les pays anglo-saxons et scandinaves) ont montré que moins de trente
pour cent des femmes ont un cycle de 28 jours. Les deux tiers restants ont des cycles
de 23 à 35 jours, voire plus – et ce, sans pour autant que leur fertilité soit
compromise. Le cycle "normal" a été fixé à 28 jours parce qu'il
semblait correspondre au cycle lunaire. C'est dire que cette notion
(antédiluvienne) est erronée : le cycle lunaire est de 29,5 jours, et non de 28
!
De plus, la fertilité apparente d'une femme dépend de bien
d'autres facteurs que la durée du cycle : âge, poids, alimentation, hérédité,
état de santé, fréquence des rapports sexuels, fertilité du partenaire, hasards de la recombinaison entre les gamètes de
l'un et de l'autre, nombre d'enfants déjà nés, durée de l'allaitement, etc.
L'anthropologie moderne a ainsi montré que les femmes préhistoriques étaient rarement
menstruées avant l'âge de 20 ou 25 ans (faute d'une ration alimentaire
suffisante) et passaient de très longues périodes sans menstruations. Beaucoup
n'en étaient pas moins parfaitement fertiles - notre existence en est la preuve !
Mais ça, l'immense majorité des GO ne le savent pas ; ou, quand ils le savent, ils ne le disent pas. Ils ne
peuvent donc pas rassurer les femmes qui s'inquiètent d'un cycle "anormal". (Et ils ne diffusent pas ces informations rassurantes par l'intermédiaire des journaux...)
Et non seulement ils ne peuvent pas les rassurer, mais ils
ont furieusement tendance à aggraver les choses en voyant de l'anormal là où il
n'y en a peut-être pas et en prescrivant des examens (dosages sanguins,
échographies) et des remèdes inutiles – toujours les mêmes d'ailleurs.
Convaincus que chaque fois qu'une femme présente un symptôme, celui-ci est lié
à un "déséquilibre hormonal", ils prescrivent essentiellement… des
hormones. Une pilule pour les règles douloureuses et les poitrines trop petites.
De la progestérone pour raccourcir un cycle "trop long" ou pour un
retard de règles inhabituel. Un anti-androgène pour l'acné, ou une pilosité
"trop importante". Un traitement hormonal substitutif "parce qu'il
faut éviter l'ostéoporose", même aux femmes qui ne se plaignent de rien et
ne courent aucun risque.
Car, comme tous les spécialistes, les GO ont appris des
"critères diagnostiques" par cœur – alors ils font tout leur possible
pour les plaquer sur ce que disent les femmes ; ils ont appris à prescrire prises de sang et comprimés, alors ils ne s'en privent pas. Et ils disposent
d'un jouet coûteux, spectaculaire, qui leur donne le sentiment d'être doté
d'une boule de cristal. J'ai nommé : l'échographe.
L'échographie intrusive
L'échographie intrusive
Entre les mains d'un GO formaté, l'échographe est le pire
instrument médical qui soit. Comme son utilisation est sans danger, le GO
n'hésitera jamais à le dégainer, "pour s'assurer que tout va bien".
Le malheur, c'est que ce "tout va bien" dépend de ce que le GO a
appris. Un examen d'imagerie ne doit pas être fait sans but, car à force de
chercher, on trouve. Même si ce qu'on trouve ne veut rien dire. Et quand un
médecin trouve quelque chose d'inhabituel, il va presque toujours aller plus loin. Même si rien ne le justifie.
C'est ainsi, par exemple que des centaines de femmes ressortent, catastrophées,
de consultation, après qu'on a constaté un "aspect micropolykystique des
ovaires" lors d'une échographie dont on aurait parfaitement pu se passer. Le dit "aspect
micropolykystique" n'est pas du tout une anomalie. C'est la visualisation
des follicules (normaux) avec un échographe puissant. Bref, c'est un peu comme
si on vous regardait le visage près avec une loupe et qu'on disait :
"Waaah ! C'est terrible ! Vous avez plein de trous dans la peau !".
Ben oui. Ça s'appelle des pores.
C'est la pratique systématique de l'échographe après une
pose de DIU (quand le GO a accepté de le poser, bien sûr) qui fait dire à tant
de praticien : "Ah, zut, votre stérilet est à 22 mm du fond, faut que je
le retire et que j'en repose un." Parfois, le praticien est de bonne foi.
C'est ce que lui ont appris ses maîtres, alors il suit les instructions. Mais
parfois, il sait parfaitement que le DIU en question sera aussi efficace à 22
mm qu'à 3, car le principal, c'est qu'il soit à l'intérieur de l'utérus, dont
la cavité est souvent plus vaste que la longueur du DIU !!!! Et qu'un utérus ça
se contracte en permanence (surtout s'il s'agit d'un DIU au cuivre) alors pas
étonnant que le DIU se déplace un peu : il a de la marge !!!
"Mais alors, me direz-vous, s'il sait qu'on s'en fout, des 22 mm, pourquoi propose-t-il de retirer le DIU et d'en mettre un autre ?" Pour faire sonner le tiroir-caisse, pardi !
"Mais alors, me direz-vous, s'il sait qu'on s'en fout, des 22 mm, pourquoi propose-t-il de retirer le DIU et d'en mettre un autre ?" Pour faire sonner le tiroir-caisse, pardi !
C'est encore l'échographie délétère qui fait dire :
"Ouhla ! Votre utérus est rétroversé, je peux pas vous poser de DIU"
(c'est un mensonge) ou "Vous risquez d'avoir du mal à être enceinte"
(c'est de la foutaise) ou encore "Ah, vous devez avoir mal pendant les
rapports sexuels !" (c'est une connerie). Comme le cœur, le foie, la
vésicule biliaire, la rate, et bien d'autres organes, l'utérus a une forme et
une position variables d'une femme à une autre. Et c'est seulement parce que le
cerveau de certains praticiens n'est pas correctement... formé (!) par la faculté qu'ils peuvent se
permettre de proférer sans rire tout un tas de bêtises. (Le paradoxe de la bêtise, comme l'explique John Cleese, c'est que pour prendre conscience qu'on est stupide, il faut être relativement intelligent...)
L'échographe est aussi un instrument intrusif. En dehors de
situations très particulières où une image très précise est nécessaire,
l'utilisation d'une sonde endo-vaginale n'est pas du tout obligatoire. Les
fabricants en ont promu l'utilisation, ce qui a évidemment incité beaucoup – si
ce n'est pas tous - les GO à les acheter – et à les utiliser systématiquement.
Or, rien n'autorise à imposer une
échographie à une femme, et encore moins à utiliser obligatoirement une sonde endo-vaginale. De même que tout médecin devrait
demander à tout.e patient.e l'autorisation de l'examiner avant de l'inviter à se déshabiller (oui, soigner, ça prend plus de
temps que voir les femmes à la chaîne) tout praticien respectueux devrait
éviter les échographies inutiles, réserver cet examen aux situations où il
lui apprendra quelque chose d'essentiel, et demander
l'autorisation de la patiente pour utiliser une sonde endo-vaginale.
Loin de moi l'idée de dire que l'échographie n'est pas un
examen utile. Il l'est, sans aucun doute. Ce que je conteste (à la lueur, d'ailleurs,
de nombreux travaux) c'est son utilisation systématique qui n'a que des inconvénients
et des effets indésirables : brutalité, images ininterprétables (et donc, inquiétantes), interprétations
erronées, perte d'un temps précieux qui aurait pu être utilisé à communiquer, etc. (Aux Etats-Unis, les Républicains font passer des lois qui imposent une échographie endo-vaginale aux femmes demandant une IVG. Très logiquement, les femmes concernées déclarent que cette procédure imposée est un viol, et non une mesure destinée à assurer leur sécurité.)
Mais pour que les GO français puissent exercer la gynécologie courante
sans recours systématique à l'échographie et, plus généralement, sans faire de
chaque consultation un rituel rigide
(Bonjour/Déshabillez-vous/Frottis/Palpation des Seins/Rhabillez-vous/Voilà votre ordonnance/Ça fait tant/A l'année prochaine) il faudrait que ces spécialistes aient bénéficié d'une formation privilégiant la réflexion, la nuance,
l'humilité, le respect de l'autre, le désir de bien faire sans faire mal et un apprentissage de l'écoute. Dans toute relation de soin, le
soignant a l'obligation professionnelle et morale de se laisser guider par les
besoins du patient. A l'heure qu'il est, en France, la formation en
gynécologie-obstétrique est plutôt guidée par la volonté de faire rentrer les
femmes et les aléas de leur vie dans des schémas pré-établis.
2° La reproduction comme
unique objet de la féminité (et des femmes)
Entre les années soixante-dix et le début des années 2000, bien
avant que le hashtag #PayeTonUtérus ne fasse son apparition, je recueillais
déjà, chaque semaine en consultation, des témoignages de femmes sur les attitudes
et commentaires désagréables, insultants ou humiliants qu'elles avaient subi de
la part de certains médecins. Ceux des GO les scandalisaient plus que s'ils venaient
d'un autre, car elles pensaient qu'un praticien voué à soigner les femmes était
mieux à même de les écouter, de les comprendre et de les respecter. Le
généraliste ou le neurologue qui rudoie une femme est une brute sexiste. Le GO
qui insulte une femme est, en plus, coupable d'une double trahison.
Depuis les années 2000, l'internet m'a valu de recevoir plusieurs milliers de courriels de femmes m'écrivant pour parler de leurs mésaventures médicales. (J'en ai transposé un certain nombre dans Le Choeur des femmes.) Et ces mésaventures ont toutes pour point commun un stéréotype monolithique, omniprésent dans la communauté des gynécologues-obstétriciens et qui pourrait se formuler ainsi :
"Les femmes sont faites pour avoir des enfants mais elles ne savent pas ce qu'elles veulent."
Déterminisme reproductif et "inconscience" des femmes sont les maîtres-mots guidant la pratique d'un très/trop grand nombre de GO – et leurs attitudes.
Depuis les années 2000, l'internet m'a valu de recevoir plusieurs milliers de courriels de femmes m'écrivant pour parler de leurs mésaventures médicales. (J'en ai transposé un certain nombre dans Le Choeur des femmes.) Et ces mésaventures ont toutes pour point commun un stéréotype monolithique, omniprésent dans la communauté des gynécologues-obstétriciens et qui pourrait se formuler ainsi :
"Les femmes sont faites pour avoir des enfants mais elles ne savent pas ce qu'elles veulent."
Déterminisme reproductif et "inconscience" des femmes sont les maîtres-mots guidant la pratique d'un très/trop grand nombre de GO – et leurs attitudes.
S'appuyant sur un profond mépris du vécu personnel et sur une
psychanalyse de bazar, cette double prémisse idéologique forme une combinaison
imparable :
1° l'objectif de maternité justifie toutes les interventions du médecin ;
2° "l'inconscience naturelle" de la femme disqualifie toute objection de sa part.
Celles qui ont effectivement un désir (ou un projet, fût-il éloigné) d'enfant se voient ainsi prises en otage : si elles refusent les instructions et discours imposés par le GO, elles se voient menacées de stérilité, d'accouchement prématuré, d'anomalie fœtale et que sais-je encore ? Celles qui n'en ont pas encore se voient invitées à ne pas trop attendre, car "l'horloge biologique tourne". Celles qui disent clairement ne pas (ou ne plus) en vouloir se font dire qu'elles changeront d'avis. Celles qui ne peuvent pas en avoir et font appel aux médecins pour les aider à surmonter cet obstacle sont soumises à des procédures "thérapeutiques" dont on ne leur explique ni les risques, ni le faible taux de réussite, ni le coût financier, moral et psychologique pour elles.
1° l'objectif de maternité justifie toutes les interventions du médecin ;
2° "l'inconscience naturelle" de la femme disqualifie toute objection de sa part.
Celles qui ont effectivement un désir (ou un projet, fût-il éloigné) d'enfant se voient ainsi prises en otage : si elles refusent les instructions et discours imposés par le GO, elles se voient menacées de stérilité, d'accouchement prématuré, d'anomalie fœtale et que sais-je encore ? Celles qui n'en ont pas encore se voient invitées à ne pas trop attendre, car "l'horloge biologique tourne". Celles qui disent clairement ne pas (ou ne plus) en vouloir se font dire qu'elles changeront d'avis. Celles qui ne peuvent pas en avoir et font appel aux médecins pour les aider à surmonter cet obstacle sont soumises à des procédures "thérapeutiques" dont on ne leur explique ni les risques, ni le faible taux de réussite, ni le coût financier, moral et psychologique pour elles.
Ce déterminisme reproductif enchâssé, tel une ritournelle, dans
le mode de pensée gynéco-obstétrical conditionne la manière dont les praticiens
voient toutes les personnes qui se
présentent à leur consultation. D'après cette perception, une femme lesbienne
et une personne transgenre ne sont pas de vraies
femmes, puisqu'il leur manque des organes sexuels voués à la reproduction féminine et/ou un homme pour les engrosser.
Ces prémisses ne sont pas seulement sexistes, ils sont aussi, comme on le disait
autrefois, bourgeois : le discours
médical renforce et avalise nombre de préjugés sociaux - ici, homophobie
et transphobie.
Le sexisme médical et le dégoût pour ce qui n'est pas nettement féminin ou masculin atteignent des sommets d'horreur face aux enfants intersexués : tout
ce qui dépasse doit être amputé – qu'il s'agisse du micro-pénis d'un garçon
ou du méga-clitoris d'une fille. On n'aura qu'à construire un néo-vagin au
garçon pour en faire une fille et il n'y a pas à se préoccuper des séquelles
douloureuses après le retrait d'un organe inutile pour la reproduction.
Mais comment s'étonner d'une semblable cruauté ? On n'enseigne pas aux médecins français que l'anatomie "normale" n'existe pas et que de nombreuses variantes anatomiques sont parfaitement compatibles avec une bonne vie – à condition que les médecins n'y mettent pas les pattes !
Mais comment s'étonner d'une semblable cruauté ? On n'enseigne pas aux médecins français que l'anatomie "normale" n'existe pas et que de nombreuses variantes anatomiques sont parfaitement compatibles avec une bonne vie – à condition que les médecins n'y mettent pas les pattes !
L'impératif reproductif est pour beaucoup de GO français
(hommes et femmes) une obsession puissante : elle leur fait voir des risques de
stérilité là où il n'y en a pas (le DIU, la prise de la pilule en continu) ; elle
les pousse à contrôler l'âge des premières et des dernières grossesses (en
avalisant, ici encore, les préjugés sociaux les plus archaïques) ; elle leur
fait déclarer sans rire que, sans eux, les femmes courent à leur perte. C'est
cette extraordinaire vanité, et rien d'autre, qui anime les très/trop nombreux GO
opposés à l'accouchement à domicile. Car s'il s'agissait, comme ils le
prétendent, de "protéger" les femmes, ils passeraient moins de temps
à brandir les aléas d'un accouchement sans médecin mais, comme leurs confrères
suédois, britanniques ou canadiens, se préoccuperaient plutôt de réduire les
effets délétères de la surmédicalisation des salles de travail, des césariennes
trop fréquentes, des épisiotomies imposées et inutiles.
Et, oui, j'oubliais : ils s'allieraient aux sages-femmes, au lieu de les traiter comme des sous-fifres. Soigner, ça se fait ensemble, pas en écrasant les autres.
Et, oui, j'oubliais : ils s'allieraient aux sages-femmes, au lieu de les traiter comme des sous-fifres. Soigner, ça se fait ensemble, pas en écrasant les autres.
3° La sexualité féminine est suspecte et doit rester sous contrôle
En matière de sexualité, l'obscurantisme médical français est grand : beaucoup de GO n'ont jamais été initiés aux données scientifiques patiemment amassées, depuis plus de cinquante ans, par Alfred Kinsey, Masters et Johnson ou Shere Hite et leurs émules.
Dans les facultés de médecine françaises, au début du 21e siècle, il n'y a pas de conférences ou de cours sur la puberté, son vécu physique et psychologique, mais seulement sur les "troubles" de celle-ci ; il n'y a pas de formation ou de réflexion sur la sexualité, mais on insiste beaucoup sur les "anomalies" des comportements sexuels – qui, naguère encore, incluaient l'homosexualité. Et, alors que les neuropsychologues et neuroanatomistes scandinaves et anglo-saxons mettent en avant de nombreux arguments scientifiques montrant que la transidentité est une réalité et non l'expression d'une souffrance psychologique ou la manifestation d'un délire, les médecins des pays latins – à commencer par l'hexagone – continuent à traiter les personnes transgenres comme des pervers ou des malades mentaux.
Dans les facultés de médecine françaises, au début du 21e siècle, il n'y a pas de conférences ou de cours sur la puberté, son vécu physique et psychologique, mais seulement sur les "troubles" de celle-ci ; il n'y a pas de formation ou de réflexion sur la sexualité, mais on insiste beaucoup sur les "anomalies" des comportements sexuels – qui, naguère encore, incluaient l'homosexualité. Et, alors que les neuropsychologues et neuroanatomistes scandinaves et anglo-saxons mettent en avant de nombreux arguments scientifiques montrant que la transidentité est une réalité et non l'expression d'une souffrance psychologique ou la manifestation d'un délire, les médecins des pays latins – à commencer par l'hexagone – continuent à traiter les personnes transgenres comme des pervers ou des malades mentaux.
Autre exemple de négation du vécu intérieur, quotidien celui-ci : au cours des vingt
années écoulées, d'abord au centre
de planification puis, de plus en plus souvent, dans des courriels, j'ai vu de nombreuses femmes décrire la diminution de leur libido sous contraception
hormonale. Cet effet n'est pas invoqué par toutes les femmes, mais il est
fréquent, et je l'ai entendu s'exprimer de manière croissante à mesure que les femmes se
sentaient autorisées à en parler. L'histoire est significative : après avoir eu pendant plusieurs mois des relations
sexuelles avec préservatifs, une femme décide de passer à une méthode plus sûre
et plus régulière. Le plus souvent (on ne lui donne pas le choix) on lui prescrit la pilule. Rapidement, elle se rend compte que son désir s'est atténué
ou émoussé et, de manière assez typique, réapparaît pendant la
semaine où elle ne prend pas ses comprimés – c'est à dire, malheureusement, au moment des
saignements induits par l'arrêt de pilule. Elle décrit ce symptôme à son GO.
Lequel lui répond négligemment : "C'est dans votre tête." Autant dire
"Vous avez trop d'imagination."
Cette réponse n'est pas seulement méprisante, elle est aussi
l'expression d'une incompétence confondante. Les "pics" de désir souvent observés au moment de l'ovulation (mais aussi au moment des règles) sont liés aux variations brusque des hormones circulantes. Beaucoup
de femmes disent que leur libido diminue quand elles sont enceintes. Or, la pilule bloque l'ovulation en reproduisant artificiellement l'état hormonal de la grossesse. La prise de pilule (comme la grossesse) fait disparaître le "pic" hormonal
contemporain de l'ovulation – et le désir qui va avec. La baisse de libido liée
à la pilule n'est donc pas le fait de l'imagination des femmes qui s'en plaignent,
mais une perception liée à un processus biologique parfaitement explicable – et qui doit être pris au sérieux.
Certaines utilisatrices d'implant et de DIU hormonal
(Mirena) éprouvent la même baisse de libido. Certaines, pas toutes. Pourquoi elles et pas d'autres ? Parce que toutes les
femmes sont différentes, et que les effets des hormones varient selon les
individus. Admettre cette évidence toute simple, c'est s'ouvrir à une pratique nuancée de la médecine, qui prenne en compte ce que dit chaque personne. Mais ce n'est pas cette médecine qui s'enseigne en France.
Réfuter le vécu et le(s) désir(s) des femmes, c'est encore les assigner
à l'impératif reproductif – pour mieux les contrôler. Ce sexisme, expression directe de la structure archaïque de la société française, s'accompagne d'une intolérance généralisée.
Quand, par exemple, des médecins, des psychiatres ou des psychanalystes accusent les familles homoparentales de mettre en péril la santé mentale de leurs enfants, ils font preuve d'ignorance (il suffit de regarder ce qui se passe dans des pays comparables où ce préjugé n'existe plus depuis longtemps) et mettent cette incompétence au service du contrôle social de la natalité tel que l'entend le Code Napoléon. Ils ont le droit de penser ce qu'il veulent, mais ils n'ont pas celui de l'imposer comme vérité alors qu'il s'agit d'une pensée idéologique, contredite par les observations scientifiques.
Quand, par exemple, des médecins, des psychiatres ou des psychanalystes accusent les familles homoparentales de mettre en péril la santé mentale de leurs enfants, ils font preuve d'ignorance (il suffit de regarder ce qui se passe dans des pays comparables où ce préjugé n'existe plus depuis longtemps) et mettent cette incompétence au service du contrôle social de la natalité tel que l'entend le Code Napoléon. Ils ont le droit de penser ce qu'il veulent, mais ils n'ont pas celui de l'imposer comme vérité alors qu'il s'agit d'une pensée idéologique, contredite par les observations scientifiques.
Incompétence professionnelle et autres lacunes inavouables
Si la pilule a longtemps été la principale contraception
prescrite en France, ça n'est pas en raison de sa supériorité sur les autres
méthodes (implant et DIU font mieux). L'influence des industriels (les fabricants
de pilules sont plus nombreux et plus influents), les facteurs économiques (la
pilule ne "régularise" pas seulement le cycle, elle régule aussi le
rythme des consultations et la dépendance de la clientèle), le confort pour le
prescripteur (insérer un DIU ou un implant sans inconfort pour la patiente, ça
demande plus de temps et de soin que gribouiller un nom de marque sur une
ordonnance) et les carences de l'enseignement : les traitements chirurgicaux et
la reconstruction après cancer du sein, le suivi des grossesses pathologiques,
la procréation médicalement assistée, c'est bien plus intéressant à enseigner
que la contraception et la sexualité au jour le jour. Quand on lit ou entend
encore aujourd'hui dans les livres et les cours de faculté français qu'il est
fortement déconseillé de poser un DIU à une adolescente, on sait que les
médecins de l'Hexagone ont trente ans de retard.
Outre le paternalisme et le sexisme, ce que reflètent les
tweets de #PayeTonUtérus, c'est l'incompétence relationnelle profonde des
professionnels qui tiennent ce type de discours.
Ainsi, combien de gynécologues donnent aux patientes
l'occasion de tenir un spéculum entre leurs mains, de leur montrer comment il
s'utilise (et pourquoi), ce qu'il sert à faire ou à regarder, au moyen d'une
simple planche anatomique illustrée ? Combien de gynécologues prennent la peine
de dire que l'examen gynécologique (pose de spéculum et/ou "toucher
vaginal") n'est pas indispensable, mais n'est utile que pour des gestes ou
des observations spécifiques ? Combien de gynécologues respectent le code de déontologie médicale français, qui spécifie noir sur blanc :
Article 36 (article
R.4127-36 du Code de la Santé Publique) : Le
consentement de la personne examinée ou soignée doit être recherché dans tous
les cas.
Vous qui lisez cet article, combien de fois avez-vous
entendu un médecin dire :
"M'autorisez-vous à vous examiner ?" A l'inverse, combien de femmes
ont régulièrement entendu "Déshabillez-vous !" à leur entrée
dans le bureau du médecin, ou pris l'habitude de se dévêtir spontanément après
que tant de médecins leur ont signifié qu'ils n'avaient pas de temps à perdre ?
Il n'y a
pas de compétence médicale sans qualités relationnelles. Les médecins
belges, hollandais, britanniques sont formés dans cet esprit. Aucune faculté de
médecine française ne peut le faire, et pour une raison simple : la médecine
s'apprend par imitation. N'étant tenu à aucune règle de comportement, le
praticien hospitalier "forme" étudiants et internes comme il
l'entend. En France, les chefs de service sont nommés à vie. Un chef de service nommé à vie est tout-puissant. S'il refuse qu'on pratique des
IVG ou qu'on pose des DIU dans son service, les autres praticiens ne braveront
pas l'interdit. Et ils n'enseigneront pas aux étudiants que la vie, c'est
compliqué et que soigner, c'est proposer toutes les solutions disponibles et soutenir les personnes dans leurs choix, non pas les leur dicter.
Maltraitance médicale : les femmes en première ligne
En France
le corps médical dans son ensemble – même si nombreux sont les médecins qui s'en
affranchissent – est un monde à part, hiérarchisé comme la France de l'Ancien
Régime. (NB : Je parle ici de strates sociales, non de revenus.)
L'
"aristocratie" est constituée par les hospitalo-universitaires, qui cumulent
statuts et revenus de leur activité publique et de leurs diverses activités
privées (expertise pour l'industrie, exercice en clinique ou en cabinets
privés, consultations privées à l'hôpital).
La "grande
bourgeoisie" se répartit entre spécialistes hyperéquipés (radiologues,
biologistes) et les praticiens (spécialistes et généralistes) qui exercent dans
des villes et quartiers riches.
La
"petite bourgeoisie" est constitué essentiellement par les généralistes
exerçant en zone rurale et zones urbaines défavorisées, les médecins du
travail, les médecins de PMI, etc.
Et le
système de santé compte aussi un "prolétariat" : aides-soignant.e.s (souvent traité par les médecins comme un "sous-prolétariat"...), infirmier.e.s,
sages-femmes, kinésithérapeutes, orthophonistes dont les actes sont limités en
grande partie par les prérogatives des médecins et qui subissent l'antagonisme ou le mépris de nombre d'entre eux.
Comme
tous les corps sociaux, ces différentes "classes" – avec des
variations très nombreuses liées aux personnes - vont entretenir avec la
population des rapports qui seront le reflet de leur propre situation, et de la
manière dont ils font face à celle-ci. Selon, par exemple, qu'ils auront choisi la médecine générale ou
l'exercent "par défaut" (par échec à gravir les échelons de la
hiérarchie hospitalo-universitaire), les praticiens exerceront de manière plus
ou moins paternaliste.
Et les individus peuvent choisir de changer de pratique : la contraception n'est pratiquement pas enseignée aux généralistes (qui pourtant s'occupent de la plus grande partie de la population féminine) ; tout généraliste peut cependant choisir de s'y former pour répondre aux besoins des patientes. La plupart des obstétriciens apprennent à faire des épisiotomies larga manu, mais tous peuvent modifier leur pratique. Les moyens et les informations sont disponibles. Encore faut-il que les professionnels veuillent les utiliser.
Et les individus peuvent choisir de changer de pratique : la contraception n'est pratiquement pas enseignée aux généralistes (qui pourtant s'occupent de la plus grande partie de la population féminine) ; tout généraliste peut cependant choisir de s'y former pour répondre aux besoins des patientes. La plupart des obstétriciens apprennent à faire des épisiotomies larga manu, mais tous peuvent modifier leur pratique. Les moyens et les informations sont disponibles. Encore faut-il que les professionnels veuillent les utiliser.
Mais
pour que les médecins changent d'attitude, il faut que les circonstances les y obligent, ou qu'on le leur
demande fermement. Et ce sont le plus souvent les femmes qui sont en mesure de faire cette demande.
La raison pour laquelle les femmes sont le plus souvent en première ligne face aux médecins est simple : les femmes sont les premières demandeuses de soins. Elles consultent pour elles-mêmes mais aussi pour ou avec leurs enfants, leurs parents et les hommes (fils, père, compagnon) dont elles partagent la vie. Elles sont souvent en position d'agir en "soignantes naturelles", en soutien, en accompagnatrices, en interprètes, en avocates, en protectrices.
En
France, dans le corps médical, sexisme et posture de classe vont souvent de
pair. Lorsque des patient.e.s, quel que soit leur genre ou leur identité, dénoncent
l'attitude des gynécologues, elles dénoncent un arbitraire médical qui s'exerce
sur tous les patients – femmes et
hommes, enfants et adultes, jeunes et vieux, valides et handicapés – en raison de
leur sexe, de leur genre, de leur orientation mais aussi de leur milieu et de
leur statut social, de leur origine ethnique, de leur niveau d'éducation…
Parce
qu'elles sont les premières interlocutrices des médecins, les femmes sont en
mesure de questionner l'ensemble des
attitudes médicales contraires au bien individuel et commun.
Dans le domaine de la santé comme dans bien
d'autres, critique et activisme féministes ne se réduisent jamais à la seule cause
des femmes. Le combat féministe concerne tout le monde, parce que c'est un combat pour l'égalité de tous les individus.
Ces dommage d'être toujours dans le conflit, dans l'opposition et dans le rôle du donneur de leçon alors qu'il y a tellement à faire en construisant une meilleur médecine plutôt qu'en tapant sur "les autres ces maltraitants".
RépondreSupprimerC'est dommage, de rester anonyme et de se contenter de me "traiter" (de donneur de leçon). Mais ça permet ne pas s'exposer, et de pas se fatiguer à contre-argumenter. Bonne journée à vous. :-)
SupprimerDonc nous avons là un texte qui, précisément, vise à construire une meilleure médecine, en pointant du doigt ce qui ne va pas dans la formation des médecins, est la réponse est: "vous êtes dans le conflit".
SupprimerExpliquez-nous donc comment construire une meilleure médecine si on ne sait pas ce qu'il y a à améliorer ???
Oui, il aurait sans doute été beaucoup plus intéressant de distribuer les cookies aux bons praticiens que de dénoncer les mauvais. Je préfère connaitre mes droits et me donner les moyens de protester en cas de pratique abusive. Merci M. Winckler pour cet article.
SupprimerToujours un réel plaisir de vous lire, et d'apprécier la pertinence de vos propos. Merci pour ce magnifique article, que je m'en vais partager et diffuser autour de moi.
Supprimermoi je suis une infirmière qui dénonce et je suis devenue inemployable...
SupprimerCe n'est pas limité aux gynécologues obstétriciens, mais à tous les médecins : les radiologues qui font les échos, les médecins de PMI, certaines sages-femmes, etc.. c'est le pb d'une part de l'idéologie dominante, d'autre part d'une infantilisation des patient(e)s, tout domaine confondu.
RépondreSupprimerDes gens qui se trouvent être médecins sont très maltraitants.
RépondreSupprimerQuelqu'un le dit et démontre comment, par quel système.
Et curieusement, pour certains, le plus urgent serait alors de venir taper sur ce dernier :D ? Vous ne voulez pas plutôt débarrasser votre métier de ces gens qui l’entachent en traitant les malades n'importe comment ? Vous avez entendu, tout de même, les plaintes en masse de ces patients qui souffrent tous les jours de ces maltraitances (ou pour qui l'accès aux soins est réduit à cause d'elles) ?
Les brebis galeuses qui pratiquent tout sauf de la médecine, ce sont eux qui salissent ce métier. Ceux qui en parlent essayent de défendre ce métier. Et vous venez gueuler contre eux ? Avez vous songé une seconde à ce que ça dit de vous ?
Ce n'est pas très agréable de sortir la tête du sable mais on respire mieux. Sisi. Essayez, pour voir.
Le plus urgent n'est pas d'attaquer ceux qui parlent de ces problèmes mais de défendre ce métier à leurs côtés, CONTRE ceux qui le salissent par leurs actes lamentables. Vous attendez quoi pour vous y mettre ? Je me demande quel problème ça vous pose d'aider à nettoyer votre profession.
En tout cas, bon sang, il y a urgence, et les patients vous diraient merci...
Merci de continuer à souligner ces défaillances et à y réfléchir.
RépondreSupprimerJ'espère encore que ces questionnements feront avancer la médecine vers plus d'efficacité et plus d'humanité. Et je ne dis pas efficacité au hasard, car c'est souvent sous cette excuse que se cachent des pratiques discutables. Ecouter ses patients permettrait sans doute de détecter certains problèmes plus vite (et non pas au bout de plusieurs consultations), et de les soigner plus tôt.
Et pour ajouter de l'eau à votre moulin, ma première consultation avec un GO. J'ai 17 ans, des règles très abondantes depuis plus de 7 ans, et une angoisse (commune à beaucoup d'ados) "Suis-je normale ?".
Je suis un peu stressée, Je rentre et, à l'invitation du praticien, me dirige vers la table d'auscultation. On me demande de me déshabiller, et, comme je reste en sous-vêtements (comme chez mon médecin traitant), après m'avoir demander de me peser, on m'assène : "Puisque vous n'enlevez pas vos sous-vêtements, j'imagine que vous ne voulez pas que je vous examine".
Je ressors sans aucune information sur les règles hémorragiques, avec une ordonnance pour Diane 35 (malgré mon absence d'acnée et mon hésitation face à la prise d'un contraceptif : si je viens, c'est forcément pour ça), et surtout une grosse humiliation : je n'ai pas su contredire, expliquer... Et mon cas ne présente visiblement aucun intérêt.
Je passerais sur la suite. Mon cas n'est pas si grave, ce ne sont que des vexations. Mais elles étaient belles et bien inutiles, et c'est toujours regrettable.
Alors pour mon moi de 17 ans, merci !
"Il y a tellement à faire en construisant une meilleur médecine plutôt qu'en tapant sur "les autres ces maltraitants".
RépondreSupprimerSans remise en question des dits praticiens et de leurs pratiques, aucun progrès ne sera réalisé.
C'est du même tenant que de dire qu'il est inutile de dénoncer les violations de certains élus et qu'il serait préférable de construire une meilleure politique.
En gros, soit ça veut dire ferme ta gueule et rentre dans le rang, soit ça ne veut strictement rien dire (en tout cas il n'y a rien de constructif, pas de proposition, rien...).
Merci pour cet article.
RépondreSupprimerDe nouveau, vous dites haut ce que beaucoup (patient et soignant) pensent tout bas...(mais plus si bas heureusement).
Une sage-femme fatiguée de récupérer des jeunes femmes traumatisées par leur consultation gynéco...
Comment faire pour changer ce système pourri de/par l'intérieur?
Merci pour ce texte extrêmement intéressant. Le passage sur les "classes" médicales me fait réagir : j'ai toujours été très étonnée de devoir passer par un médecin généraliste pour mon épaule douloureuse alors que pour moi la priorité était d'aller voir un kiné ou un ostéo, qui sont bien les spécialistes des problèmes mécaniques. D'ailleurs ces professions sont classées dans le mot paramédical (et encore les ostéos ne sont même pas reconnus il me semble). Le préfixe "para" sous-entend à mes yeux une mise à l'écart, une connotation assez péjorative. Il n'y a pas de raison de devoir aller chercher une ordonnance d'un "vrai" médecin pour avoir ensuite le droit de consulter un spécialiste. Le concept en lui-même est contradictoire.
RépondreSupprimerBien à vous !
"Ces dommage d'être toujours dans le conflit, dans l'opposition et dans le rôle du donneur de leçon alors qu'il y a tellement à faire en construisant une meilleur médecine plutôt qu'en tapant sur "les autres ces maltraitants".
RépondreSupprimerOh ben ce n'est pas comme si Martin Winckler militait depuis des années pour dénoncer, informer, conseiller et essayer de faire changer les choses......
Déja l'habitude de s'entrainer sur des patientes endormies sans leur demander leur consentement en dit beaucoup sur l'etat de la profession en france http://sous-la-blouse.blogspot.fr/2011/06/tu-sauras-jamais.html
RépondreSupprimerMerci pour cette article. J'ai une question bête: est-il possible d'avoir un cycle d'un mois et demi ? Nous apprenons tous en biologie que le cycle = 28 jours, pas besoin qu'un médecin décèle une anomalie pour nous, on le remarque bien.
RépondreSupprimerMerci pour cet article!
RépondreSupprimerJuste une critique sur la dénomination que vous utilisez pour les personnes transgenres, je vous conseille plutôt "assigné-e fille/garçon à la naissance" (en anglais AFAB et AMAB sont utilisés). Car en effet, on ne "naît" pas forcément fille, on peut se sentir déjà garçon. De plus, cela permet d'inclure les personnes trans non binaires telles que moi.
Merci pour cette précision, je ne connaissais pas ces termes. Et je dois avouer mon ignorance également au sujet des personnes trans non binaires. Voudriez-vous écrire un texte (autobiographique ou non) pour ce blog, qui éclairerait sur le sujet ? (C'est une proposition sérieuse.)
SupprimerMW
Bonjour, je suis étudiant en sociologie et je trouve votre article très "vrai" et très intéressant. Un de mes professeurs à travaillé sur un sujet proche qui pourrait vous intéresser ; https://www.youtube.com/watch?v=fU1cUKIcoZA
RépondreSupprimerMerci ! Je regarde !
SupprimerMerci pour ce texte.
RépondreSupprimerA chaque consultation gynécologique annuelle, on m'a fait une échographie "pour voir". Chaque fois, le médecin me dit que 'tout va bien".
Je pensais que c'était la procédure habituelle (frottis/échographie/examen des seins) car les trois gynéco que j'ai consulté avaient la même habitude. Si j'ai bien compris ce n'est pas vraiment nécessaire (sauf s'il y avait quelque chose de particulier à vérifier)
Non, ça ne l'est pas. Frottis : tous les 3 ans. Examen clinique : pas s'il n'y a pas de symptômes. Echographie : pareil que l'examen clinique. Une femme qui va bien peut se passer de voir un gynécologue (ou un médecin pour un pb gynécologique pendant trois ans - et faire renouveler sa pilule par son généraliste entre temps.
SupprimerToujours aussi brillant, Marc ! Merci pour la médecine.
RépondreSupprimerMerci, Dominique. J'apprends beaucoup en lisant d'autres médecins-internautes-bienveillants. :-)
SupprimerTiens, un truc marrant. Pour un toucher rectal, ma généraliste me demande gentiment si je souhaite qu'on en fasse un. Peut-être les femmes sont-elles plus sensibles à ces formes d'"intrusion" et ont sans doute mal supporté des gynécos tels que vous les décrivez.
RépondreSupprimerMerci pour la pertinence, une fois de plus, de vos propos. Certains médecins heureusement pratiquent leur profession dans ce sens. Mais tant d'autres sont "englués"dans des protocoles qui négligent la part importante de l'humain et qui ne laissent pas ou peu de choix aux patients dans leur (s) traitement (s) (surtout lorsqu'ils consultent des spécialistes). La question est de savoir quand la médecine française va changer ses méthodes d'enseignements et la conception de son métier ?
RépondreSupprimerAlbane (Nantes)
Ah, voilà autre chose ! Avez-vous des chiffres sur la maltraitance des gynécos ? Ce serait formidable, non ?
RépondreSupprimer(Anonyme parce que pas de compte Google ou je ne sais quoi. Gynéco depuis 25 ans).
Le problème des statistiques, c'est qu'il faut qu'elles aient été faites. L'idée qu'il y a un problème est ancienne, mais la réalisation qu'il y en a un - via les témoignages des femmes - est récente. C'est seulement depuis l'apparition des réseaux sociaux que les femmes peuvent parler de maltraitance médicale. Les statistiques devront encore attendre. Mais pour qui y en ait, il faut que des chercheurs (en sociologie, par exemple, ou en épidémiologie de la santé) s'y intéressent. En attendant, les témoignages individuels sont si nombreux - et si congruents - qu'ils devraient au moins suggérer aux premiers intéressés de réviser leurs comportements. D'autant que les patientes ne sont pas les seules à les dénoncer : d'autres médecins (y compris des gynécos), les sages-femmes, les personnels hospitaliers le font aussi...
Supprimerc'est très amusant parce que les gynécos devant "payetonuterus" demandent des statistiques, persuadées qu'elles les innocenteraient. pourtant, ces mêmes gynécos semblent certains de déjà les avoir, ces statistiques : ils balancent à chaque femme qu'elle est seule à se plaindre, que personne d'autre n'a de problème, jamais, et qu'absolument toutes leurs patientes sont ravies. #OUPAS
SupprimerJ'ai attendu 8 ans pour retourner chez un gynéco après m'être fait litteralement engueuler (par une femme gynéco) car j'étais "trop poilue" que ce n'était "pas respectueux" et que les filles "ça s'épile"... Alors merci pour votre travail
RépondreSupprimerÉtudiante en D4, j'ai la joie de cumuler le fait d'être féministe et lesbienne - je vous laisse imaginer le plaisir d'assister à des "cours" de gynéco/obs donnés par des internes parachutés dans l'amphi cinq minutes avant ou des praticiens absents, décidant de rattraper six heures de cours en deux (alors les algies pelviennes chroniques, c'est forcément quelque chose qui ne doit pas être grave si on ne s'attarde pas, comme les dyspareunies...).
RépondreSupprimerMon stage en gynéco, quant à lui, aura au moins eu le mérite de me montrer ce qu'il ne faut pas faire !
Alors on retient, on garde un œil critique, on veille. Et surtout on s'efforcera de ne pas reproduire les mêmes erreurs.
Je précise que je ne suis pas le même "Anonyme" que ceux du mois de novembre.
RépondreSupprimerMonsieur Zaffran, votre souci de faire respecter les femmes par le corps médical est hautement louable et ne peut que susciter l'adhésion. Et ce, bien que vos articles expriment aussi un militantisme d'un autre ordre, qui fait moins l'unanimité. Notre système médical français a en effet beaucoup à réformer... Et il est bon que des voix s'élèvent de l'intérieur pour cela.
Mais quel est l'apport constructif, dans votre article, du coup de patte contre "l’Église catholique, apostolique et romaine", ses valeurs morales mises entre guillemets, la mise au ban des opposants au mariage homosexuel... ? Il s'agit là d'un autre domaine. Vous prenez vigoureusement parti, c'est bien votre droit. Mais attention à ne pas manquer de respect, dans votre expression, à toutes les personnes qui ne sont pas de votre avis, et qui ne sont pas forcément stupides, obscurantistes ou arriérées.
Sur ce terrain aussi, le respect de l'autre est primordial :).
A. D. (une femme, 32 ans, combattant farouchement les abus de notre corps médical, et aussi, joyeusement croyante sans se trouver "archaïque" le moins du monde, merci :)
Bonjour,
SupprimerVous avez raison, ce paragraphe était ambigu et n'appartenait pas au reste du texte. Je n'avais pas à invoquer, ici, les opposants au mariage gay - qui ne sont pas tous médecins, ni catholiques - c'était hors de propos avec le reste du texte, et je vous remercie de me l'avoir signalé. J'ai donc retiré le paragraphe en question.
Cela étant, je pense que les médecins n'exercent pas dans le noir, et que les conceptions religieuses de certains médecins ont des conséquences fâcheuses sur leur pratique - certains médecins catholiques, au nom de ces valeurs, culpabilisent les femmes qui désirent se faire avorter ou stériliser, quand ils n'opposent pas de farouches obstacles à la contraception. Or, soigner, ce n'est pas imposer ses valeurs propres, ça commence par respecter celles des autres. Parce que, tant qu'à faire, pourquoi ne pas aussi convaincre les mécréants de croire et les non-baptisés de se faire baptiser ?
Evidemment, ce genre de comportement n'est pas le fait de tous les médecins catholiques, loin s'en faut.
Cela étant, la tolérance envers l'autonomie sexuelle et reproductive des femmes est beaucoup plus grande en pays d'héritage protestant ou anglican que dans les cultures méditerranéennes - catholiques ou musulmanes. Même s'il n'est pas question de généraliser, il faut tout de même admettre que les médecins sont formés dans, et pour beaucoup imprégnés par l'idéologie culturelle dominante de leur région d'origine. Quand des mandarins de gynécologie sont farouchement opposés à l'IVG pour des raisons idéologiques (et non simplement philosophiques et morales), il m'est difficile de ne pas voir dans cette opposition intransigeante l'expression d'un mode de pensée dogmatique.
Merci beaucoup pour le retrait de ce paragraphe :).
SupprimerPour vous répondre, pardonnez-moi d’être un peu longue. Je ne suis pas médecin, ni philosophe de profession, ni théologienne ; mais j’en fréquente beaucoup, et ces questions me passionnent et me touchent personnellement.
Il me semble indéniable en effet que les convictions religieuses des praticiens influent sur leur acceptation ou leur refus de certains actes. Et indéniable, aussi, que le catholicisme puis l’islam ont modelé durablement la culture méditerranéenne, comme vous le soulignez.
Ce n’est pas votre histoire personnelle, et ce que vous percevez comme un déplorable déterminisme vous pèse. Mais n’est-il pas vrai que, parce que nous sommes humains, nous sommes tous soumis à des influences ? Que nous choisissions de reprendre à notre compte l’éducation et les préceptes reçus, ou de les rejeter, nous le faisons tous –que nous en ayons conscience ou non– en fonction d’une influence qui guide notre raison.
Dans cet esprit, pourquoi l’influence catholique serait-elle plus mauvaise que celles qui jouent sur nos comportements sociétaux depuis la 2de moitié du XXè siècle ? Un médecin catholique –ou pas, d’ailleurs– pourra par ex. refuser de pratiquer des avortements, parce qu’il estime en conscience ne pas pouvoir/devoir réaliser cet acte. En cela, il pourra être guidé par l’enseignement de l’Église, et/ou par des arguments scientifiques, philosophiques et moraux (ceux-ci étant d’ailleurs à l’origine de celui-là, soit dit en passant). Son confrère choisira, lui, d’en réaliser, guidé par une autre mentalité qui fait qu’il ne considère pas l’embryon comme un être humain, ou qu’il considère que la seule volonté de la femme justifie de mettre fin à une grossesse, abstraction faite de toute autre considération.
Vous nommez « idéologie culturelle » ce qui forge les convictions d’un médecin chrétien ou musulman : ce qui a forgé des opinions plus largement répandues dans la société actuelle ne pourrait-il, à plus juste titre, être qualifié d’« idéologie culturelle dominante » ? Il y a place pour le débat…
Je suis d’accord que soigner n’est pas imposer ses valeurs propres. Cela s’exerce aussi dans l’autre sens. C’est pour cela que les soignants peuvent faire valoir une objection de conscience. Ce n’est pas manquer de respect au patient : le médecin, comme le patient, comme tout être humain, dispose du droit fondamental d’avoir des convictions et d’accorder son agir à ces convictions. De même qu’il ne peut obliger une femme enceinte à ne pas avorter, de même, elle ne peut le contraindre à réaliser cet avortement. Il n’y a pas si longtemps, ces actes étaient formellement proscrits par le serment d’Hippocrate ; comment s’étonner que ces interdits, et la vision de l’Homme qui les a fondés (bien avant l’apparition du christianisme et de l’islam) demeurent profondément enracinés dans beaucoup d’esprits, en dépit d’une évolution récente des mœurs ?
Vos confrères et consœurs qui ne partagent pas votre vision sur ce point ont le désir, comme vous, d’offrir le meilleur à leurs patientes. Pour cela, vous considérez –adhérant en cela à d’autres courants de pensée– que c’est à chaque femme de nommer « bien » ou « mal » ce qu’elle souhaite ou refuse pour elle. Eux considèrent que certains actes vont intrinsèquement contre le bien de l’humanité, et feront plus de mal que de bien à leur patiente. Vu comme ça, n’est-ce pas alors de leur devoir de l’en informer –certes délicatement et avec respect ; là il peut y avoir problème, je vous rejoins–, sachant qu’en définitive, le choix reviendra au seul patient ?
Je ne suis pas sûre qu’on puisse voir là un mode de pensée dogmatique. Mais à coup sûr une cohérence de vue… Certes différente de la vôtre.
Cordialement,
A. D.
Je ils avec une grande émotion ce que vous décrivez.. Je suis infirmière et nouvelle maman d une petite fille de cinq mois aujourd hui jour pour jour. J ai 39 ans, un vaginisme depuis l âge de vingt ans qui s est fossilisé suite a la maltraitance d un médecin gynéco qui m a examiné de force, j ai aussi une endometriose .. Bref autant de raisons qui ne me prédisposaient pas a être enceinte et a mettre au monde un petit bébé qui va très bien.. Mon parcours de grossesse fut difficile .. Il a fallu trouver les bons soignants qui acceptèrent de ne pas utiliser la sonde pour l'échographie , de ne pas faire un toucher vaginal avec un spéculum , de prendre le temps.. D être d'ans une neutralité bienveillante qui devrait être celle de tout soignant.. Ces médecins et sages femmes existent , trop rares encore mais elles existent .. Voilà juste pour donner de l espoir et une ouverture a tout ce que vous décrivez ...
RépondreSupprimerBonjour Karine,
SupprimerJe ne me permettrais pas de pose un diagnostic (ce n'est d'ailleurs pas mon métier). Mais voilà : deux de mes amies ont souffert, l'une des mois, l'autre des années, de vaginisme. Malgré de nombreuses consultations, aucune solution n'a pu être proposée. Jusqu'au jour où l'une d'elles a consulté un nouveau gynécologue : pas de vaginisme selon lui, mais du psoriasis vaginal. La seconde a consulté à son tour ce médecin, et pareil : psoriasis vaginal. Depuis, je me demande s'il ne s'agit pas d'une pathologie méconnue. Mes deux amies ont pu être débarrassées de ce psoriasis (qui revient parfois chez l'une des deux). Je ne peux m'empêcher, depuis, de le signaler quand j'entends parler de vaginisme (mais je ne dis pas que le vaginisme n'existe pas !).
Cet article est très intéressant et met en lumière pas mal de choses devant lesquelles on a tendance à se taire en tant que patientes, à défaut d'être écoutées correctement.
RépondreSupprimerVos dernières phrases me rappellent ce suivi en médecine orthopédique où j'ai été humiliée et renvoyée dans mes buts comme si j'étais une enfant face à un "grand" spécialiste renommé dit professeur en médecine et chef de son service. Lorsque j'ai souhaité chercher des informations sur internet pour envisager une démarche de dénonciation du suivi qui m'a été prodigué, j'ai vu qu'il siégeait à des commissions qui gèrent justement les faits de maltraitance et d'abus de la part de médecins. J'ai abandonné me disant que c'était perdu d'avance... Qui oserait m'écouter, si lui siège à des commissions de défense des usagers ?
Il y a aussi des gynéco tortionnaires ou maltraitant.e.s en Belgique hélas... oui, des cours de psychologie, des formations à l'écoute active, et à la réalité de la diversité des personnes ne seraient pas du luxe pour les futurs médecins!
RépondreSupprimerJ'ai aussi appris dernièrement, avec énormément de stupéfaction, qu'on peut choisir sa spécialisation en médecine (en tous cas en France) en fonction des notes obtenues... J'en déduis donc que beaucoup de spécialistes le sont non pas en fonction de leur goût et/ou de leur intérêt pour cette spécialisation, mais par intérêt financier? (oui, je suis naïve ;) )